
TRIBUNE. Quiconque a visionné cette photo, y compris moi-même, doit avoir reçu un choc et avoir été plongé dans un sentiment de malaise manifeste. À première vue, cette photo ne peut que faire très mal à tout congolais patriote épris d’amour pour un Congo libre et souverain. Mais nous sommes en guerre et l’émotion ne suffit plus pour sauver notre nation congolaise. Elle est même interdite. Il faut agir en ADULTE MATURE, chassant l’émotion pour décortiquer le sens profond de chaque événement et capter la direction que prend le cours des événements.
Prenant froidement et objectivement les choses, posons-nous alors la question : que peut bien cacher cette photo des prélats avec Paul Kagame à Kigali? Quatre secrets importantissimes.
PREMIER SECRET :
L’application de la philosophie de la Realpolitik, fondée sur des objectifs pratiques plutôt que sur des idéaux. Au regard du déséquilibre des rapports de force en présence, avec la realpolitik on sort des considérations éthiques, de la normalité des choses telles que perçues par l’opinion publique, on se libère momentanément des clivages idéologiques ou de l’étroitesse des promesses proférées publiquement en vue de mettre en application une politique d’adaptation au contexte concret des événements en présence tels qu’ils sont.
Grâce à cette realpolitik, le président a dû faire une analyse globale de la situation après la chute de Goma et a dû adapter sa politique en approchant l’adversaire par des canaux parallèles. Dans son analyse de la situation, il est d’accord avec la CENCO et l’ECC sur la vérité historique suivante que ni Corneille Nanga ni les opposants congolais ne détiennent la clef de l’occupation de Goma ni encore moins de sa libération. Le président et ses émissaires des prélats savent que le maître d’œuvre ds l’occupation de Goma et dans le projet funeste de mettre la main sur Bukavu se trouve à Kigali quand bien même ce dernier l’a toujours nié officiellement devant les médiaux du monde.
En s’affichant dans une photo avec le président rwandais pour une crise qui, d’après son narratif, ne regarde que les congolais, Paul Kagame qui clame partout que le Rwanda n’y est pour rien, tombe dans le filet. Il est désormais mis devant ses responsabilités historiques dans l’hécatombe humaine qui se déroule au Congo et pour laquelle l’opinion internationale est de mieux en mieux informée. Désormais la partie congolaise ne traite plus avec les porteurs de malettes de Kagame mais avec leur principal commanditaire qu’il est lui-même et ce dernier ne peut plus nier ce minable statut d’agresseur, d’envahisseur et de criminel d’un pays étranger qui lui collera à la peau jusqu’à sa mort. Sur ce point la démarche diplomatique des évêques rejoint celle audacieuse de l’actuelle Ministre congolaise des affaires étrangères pour produire un effet de communication significatif et hors pair.
SECOND SECRET:
En parlant en aparté avec le sanguinaire de nos dix millions de victimes congolaises, les prélats disposent désormais l’avantage de faire parler l’ennemi et de jauger les ambitions inédites qui sont les siennes et en informer le président Tshisekedi. Selon le stratège chinois Sun Tzu, aller dans une bataille sans la connaissance parfaite des intentions de l’ennemi, on n’a que 50% de chances de remporter la victoire. L’approcher, le faire parler ou encore lire entre les lignes les projets secrets qu’il concocte aide la partie congolaise à anticiper si besoin en est.
TROISIÈME SECRET :
Les membres de la délégation congolaise à Kigali savent tous que leur interlocuteur de Kigali est intraitable, roublard et incapable de changer de logiciel de violence pour s’enrichir sur le dos du Congo. Sur ce point précis, aucun évêque catholique n’est naïf. Tous ensemble ils ont eu le courage de l’affirmer haut et fort dans différents documents officiels qui sont à la portée de tout congolais.
Pourtant Ils sont quand même allés à Kigali pour l’autre motif de sauver ce qui reste à sauver du président congolais qui est mis dos au mur depuis la chute de Goma et l’avancée de troupes vers Bukavu et Kinshasa. Selon les informations prises à la source, dans la tête des prélats, il faut coûte que coûte sauver l’avenir du Congo qui risque de sombrer dans un chaos indescriptible si le président Fatshi venait à être renversé et si le régime suprematiste tutsi reprenait le pouvoir comme en 1997. Les pasteurs catholiques et protestants savent que ce sera un carnage pire que dans le passé et on ne peut l’éviter que par d’autres stratagèmes.
J’ai honte de lire les insanités de mes compatriotes congolais ( de surcroît des universitaires) qui parlent avec une telle légèreté des prélats qui se débattent pour sauver la nation. Une question à tous ces détracteurs: vous êtes-vous demandé de qui est émané l’ordre de mission, les frais de voyages qui ont amené la délégation congolaise à Goma, puis à Kigali puis hier soir à Bruxelles ??? Avez-vous écouté hier le président Kamerhe quand il a fait taire l’honorable ELIESER en l’informant que le secret de la mission de la CENCO et de l’ECC était à la PRÉSIDENCE et au GOUVERNEMENT????. Celui qui a juré de sa vie ne plus parler avec Kagame ni avec les M23 est dos au mur et semble utiliser des canaux parallèles que sont les prélats qui sont en train de tenter de sauver le reste des meubles. Demandez-vous de qui vient l’initiative et qui en est le plus grand bénéficiaire… Comprendre cette donne vous aide à interpréter le signifié de cette photo avec plus d’objectivité et à arrêter des discours irresponsables au moment même où le sort de notre peuple est menacé d’être scellé.
QUATRIÈME SECRET :
Dans toute guerre, le facteur temps est d’une importance incalculable. Le temps d’avoir préparé la guerre en amont, en terme d’approvisionnement de l’armée en logistique, en renforçant le morale des troupes et l’élan idéologique pour galvaniser le peuple autour de la victoire sur l’ennemi. Le TEMPS de savoir quand attaquer et quand replier. Le TEMPS de faire une guerre-éclair ( Blitzkrieg) ou de la prolonger dans la durée (guerre longue et populaire). Le TEMPS de profiter de la pause pour faire un bilan sans passion en vue de se réorganiser et de devenir plus fort. C’est exactement la stratégie militaire de Talk and Fight, ( négocier et combattre) très prisée par Museveni et Kagame et que nous pouvons retourner contre eux.
Ceci dit, ce petit temps mort que nous font gagner ces pourparlers secrets des prelats devrait être précieux pour la RDC. Ce temps consacré à freiner l’escalade du conflit devrait pousser l’élite congolaise non à s’entre-accuser comme des gamins mais à se donner un moment de réflexion, à analyser l’ennemi et à identifier ses points faibles par lesquels le déstabiliser en mettant en place une nouvelle stratégie de victoire.
Arrêtons nos mesquineries sur les réseaux sociaux où les congolais s’insultent, victimisent ceux qui ont dû laisser leur travail pastoral en allant prendre des risques énormes pour sauver la Nation. Vous aboyez du matin au soir sans fournir aucune alternative au président de la république qui a besoin de l’apport de chaque congolais pour gagner cette guerre. Vos injures et menaces de prendre les églises comme cible est une stratégie dont se moque éperdument Kagame. Celui-ci n’attend que ça : que les congolais se déchirent et se divisent et cela précipitera son avancée vers Kinshasa.
Réveillons-nous, il n’est pas encore trop tard de nous ressaisir. L’heure est grave et nous n’avons plus droit à l’erreur générée par l’ignorance des enjeux en présence et par l’aveuglement dû à l’émotion congolaise. Analysons chaque soir en cellule de réflexion ce qui se passe sur le destin de notre pays et ayons un regard d’aigle pour voir en profondeur le cours des événements. C’est en NOUS INFORMANT très bien par nous-mêmes et EN FORMANT BLOC autour de l’idéal patriotique que nous congolais, et nous seuls, nous sauverons la Nation congolaise. Notre Nation… La seule que nous avons et que nous avons le devoir de léguer aux générations futures.…
Germain Nzinga