RD Congo. La mémoire subversive des opprimés

OPINION. Parmi tous les Congolais dont la vie a été fauchée durant ces années de lutte pour consolider l’état de droit et la démocratie en RDC, le nom de Rossy sort du lot de par cette peur outre-tombe qu’il inspire dans le chef de ses bourreaux.

Autant ses assassins l’ont tué de crainte de le voir aller trop loin, autant ils se sont mis à redouter maladivement la résurgence de sa mémoire subversive. Car, contrairement aux autres victimes, le sacrifice de Rossy fut éclairé par des pensées fortes, mises par écrit comme son vade-mecum. Des pensées qui furent le ressort de son combat et qui sortaient de ses convictions les plus profondes avant d’être rendues publiques au profit des masses populaires.

Pour ce motif, le cadavre de Rossy devint redoutable pour les tenants du pouvoir. Il fut violemment arraché à sa famille et caché plusieurs semaines dans une morgue gardée jour et nuit par une meute de soldats. Et lorsque fut décidé le jour de sa sépulture, la soldatesque de Kabila s’est acharnée impitoyablement sur sa dépouille, la faisant violemment sortir du corbillard qui la portait au cimetière et l’abandonnant à même la chaussée du boulevard Lumumba, pointant les kalachnikov sur le cercueil avant qu’ils ne se décident d’aller l’enterrer dans l’anonymat absolu.

Un choc immense pour sa famille et ses proches, choc qui emportera dans le trépas juste peu de temps après, la vie de son père biologique dont le traumatisme et les harcèlements policiers étaient devenus insupportables pour son âge avancé.

Deux ans après son enterrement, revoilà les bourreaux de Rossy qui reviennent à la charge. Hantés par l’esprit de celui qu’ils ont assassiné à bout portant parce qu’il défendait la Constitution et comme pour vouloir maquiller leur crime et se faire bonne conscience, au faux motif de vouloir défendre l’ordre constitutionnel au respect duquel Rossy est tombé sous leurs balles, les voilà venir faire célébrer la Messe en mémoire de la victime dans l’église même qu’ils avaient jadis assiégée et profanée.

Après la génération des congolais morts un certain 4 janvier 1959 pour reconquérir la liberté et l’indépendance souveraine, la figure de Rossy s’impose comme ce martyre avant-gardiste dans ce nouveau combat pour l’instauration de l’état de droit et de la démocratie participative au Congo de Lumumba. Son slogan de combat « le peuple gagne toujours » n’a toujours pas trouvé de réalisation jusqu’au jour d’aujourd’hui mais sa mémoire subversive hante tous ses adversaires et autres frileux qui auront composé avec l’ennemi.

Rossy luttait jour et nuit pour un idéal. L’idéal pour un Congo libéré et libre. Il était prêt à affronter la mort pour donner aux générations futures des congolaises et des congolais plus de sourire et plus de chance de vivre libre et heureux sur ce sol coloré de son sang. Et il en a donné la preuve suprême dimanche 25 février 2018. Décidément le sang des martyrs c’est la véritable semence d’une révolution populaire dans la mesure où la mémoire des opprimés est une mémoire subversive qui se rebelle contre l’ordre de ceux qui les oppriment et écrasent leur soif de liberté.

Certes encore aujourd’hui les assassins de Rossy et les ennemis du Congo sont toujours là positionnés dans les cercles restreints où se décide le destin de ce peuple mais ce matin de la fête des martyrs de l’indépendance du Congo, la question lancinante dans l’esprit des congolais encore amoureux de ce pays est la suivante : qui, après Rossy, se lèvera avec courage et détermination pour reprendre le flambeau de ce combat et pour urger la victoire tant attendue par ce peuple ?

Par Germain Nzinga (Chercheur indépendant)

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