RD Congo. Guerre de l’Est : Phase III

TRIBUNE. Après les nombreux accords de cessez le feu signés à Luanda et à Nairobi sans que rien de concret ne se produise, les tireurs de ficelle de la crise du Congo sont passés en juin 2022 à la deuxième phase du conflit congolais en mobilisant une Force Régionale atypique dans laquelle se retrouvent des forces armées des pays accusés d’envahir la RDC.

Depuis lors, aucun changement positif ne s’est produit sur le théâtre des opérations militaires. Pour preuve Bunagana est toujours sous contrôle de l’armée rwandaise et que les FARDC sont interdites de mettre pieds dans de nombreuses zones qui échappent complètement à l’autorité du pouvoir central de Kinshasa.

Hier le président kenyan est venu enfoncer le clou via une déclaration très lourde de sens : « Nous ne devons pas accorder de crédibilité aux frontières artificielles qui existent dans notre région et au produit d’une conférence tenue à Berlin, en Allemagne, qui a divisé notre continent et nous a attribué des frontières. Nous devons faire tomber ces barrières, les transformer en tremplins et construire des ponts d’amitié ».

En d’autres mots, le président kenyan, William Ruto, appelle les pays membres de l’EAC dont la RDC, à la suppression des frontières pour renforcer l’intégration régionale. Il en appelle à supprimer les obstacles sur la circulation des personnes, des services et des biens afin de renforcer l’intégration régionale nécessaire à la croissance et au développement durables.

L’idée semble bonne en soi mais extrêmement dangereuse pour la RDC qui se trouve présentement dans une situation administrative chaotique avec des citoyens sans carte d’identité et des institutions déjà noyautées par des infiltrés étrangers. Une telle déclaration de la bouche même de celui qui assure la médiation dans le conflit rwando-congolais signe la phase III de la crise en cours et, à mon humble avis, la phase la plus cruciale où l’adversaire pourra gagner plus facilement par la RUSE que par l’alliance des forces militaires.

Cette approche du président kenyan est à comprendre à la lumière des thèses révisionnistes de Pasteur Bizimungu ( ex-president rwandais ) et de Paul Kagame qui tout récemment à Cotonou a remis en question les frontières rwando-congolaises tracées depuis la conférence de Berlin.

S’il faut à cela ajouter le refus du général major Nyagah en tant que commandant de la force régionale de l’East African Community d’affronter directement le M23 ; refus suivi de sa démission ou de son licenciement, c’est selon; puis les déclarations du leader kenyan de rester sur le territoire congolais, quelle que soit la décision qui sera prise à Kinshasa, assorties des menaces directes des M23 contre le gouvernement congolais, nous sommes en face d’autant de signaux des intentions cachées de ceux que le président congolais a eu tort de considérer comme des alliés au sein d’une même organisation sous-régionale.

De toute évidence, les pays voisins de l’Est ne jouent pas franc jeu avec le Congo. Et nous avons été prévenus depuis plus de deux décennies par l’ouvrage « Crimes organisés en Afrique centrale » d’Honoré Ngbanda (pp. 48-60) pour pouvoir cerner la stratégie des voisins de l ‘Est quasi obsédés de conquérir des terres arables congolaises par l’acquisition frauduleuse de la nationalité congolaise et par un projet machiavélique de s’approprier par la force ou par la ruse, une bonne partie du territoire congolais.

Par la force? disais-je car ils le font déjà par le déploiement des armées étrangères alliées sous le beau label de la Monusco ou de l’EAC.

Par la ruse? Rien qu’à ouvrir les yeux sur cet artifice juridico-politique de supprimer les frontières tracées en 1885 pour arriver au même résultat. Avec le désordre administratif actuel en RDC où l’on ne sait qui est congolais et qui ne l’est pas, une telle décision politique serait synonyme d’un suicide collectif de la part du peuple congolais qui aura décidé de se jeter dans la gueule du loup.

Au final, l’adhésion à l’EAC décidée unilatéralement sans consultation des institutions républicaines ni sans référendum s’avère être l’erreur stratégique la plus ruineuse et une menace directe contre l’intégrité territoriale nationale difficilement conquise sous l’ère Mobutu. Cette adhésion a donné à l’ennemi du Congo les outils juridiques pour prendre possession de nos terres.

Faire marche en arrière et en sortir le plus vite que possible seraient l’unique alternative en vue de casser la dynamique de la phase III du plan d’occupation de notre pays et de sauver ce qui reste encore à sauver du grand Zaïre.

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