RD Congo. 30 novembre 2013 – 30 novembre 2020: 7 ans après sa mort, l’immortel Seigneur Tabu Ley Rochereau est toujours là

SOUVENIRS. Pascal Emmanuel Sinamoyi Tabu Ley nous a quittés, le 30 novembre 2013, à l’hôpital Saint Luc de Bruxelles, en Belgique. Victime, en 2008, d’un accident vasculaire cérébral dont il ne s’était jamais remis. Mis en terre, le 9 décembre 2013, à la Nécropole de la Nsélé, à Kinshasa, après des funérailles officielles et populaires grandioses dont la police de Kinshasa, débordée, se souviendra.

Tabu Ley tient son surnom de Rochereau, à la faveur d’un banal fait scolaire dans sa classe. A une question du maître, sur l’histoire de France, Tabu Ley, seul, s’était souvenu du patronyme de Pierre Philippe Denfert Rochereau, héros de la guerre franco-allemande de 1870.

Les collègues de classe de Tabu Ley, pour saluer son intelligence et son intuition, l’ont surnommé Rochereau.

Tout homme est un mythe. Le Seigneur Rochereau l’était davantage. Doté de charisme, il ne passait jamais inaperçu. Fut le premier artiste musicien africain à se produire au prestigieux Music Hall l’Olympia de Paris, dans les années 70.

Rochereau était un homme digne de respect et d’admiration. Il s’est construit par le travail. D’une simplicité étonnante, réservé, qui se transformait en monstre sacré dès qu’il se produisait sur les tréteaux des bars dancing. Sur scène, devant les spectateurs, il faisait pleurer d’émotion, soulevait ceux qui étaient assis.

Auteur compositeur de milliers de chansons vendues, en disques vinyl, puis en CD, avant l’arrivée de la numérisation, le Seigneur Rochereau a connu la gloire, très tôt, dans son métier.

La chanson Kéliya, oeuvre magique qui lui ouvre le chemin de la vie musicale dans l’African Jazz, aux cotés de Joseph Kabassélé, a battu à l’époque, tous les records de vente.

Avec habileté, Rochereau a résisté au poison du succès qui lui aurait ôté toute clairvoyance et exacerbé une tentation vers l’égo démesuré .

Artiste musicien, Tabu Ley n’avait cessé de l’être, avec passion. Il confiait, autour de lui, que rien ne l’intéressait plus que son métier et qu’il lui sacrifiait toute sa vie.

Un état d’esprit qui s’est révélé, au travers des crises récurrentes qu’il a vécues, dues au départ de ses sociétaires qui abandonnaient l’orchestre pour d’autres horizons. De ces défections, il en a souffert. Telles celles de Nico Kassanda, Mbilia Bel, Sam Mangwana, Dombé Opétum, Mavatiku Visi, Empopo Loway.

A chacune de ces crises de départ qui ont semé la tempête autour de lui, sans se laisser abattre, Tabu Ley travaillait sa combattivité, son endurance, son imagination créatrice, sa chorégraphie au micro et la quête de nouvelles recrues.

Jusqu’à la limite de ses forces, son dernier orchestre, l’Afrisa International, a brillé de mille feux avec des artistes fidèles comme Dino Vangou, Ponpon Kuleta, Faya Tess, Shaba Kamba, Modero.

D’une voix nourrie par ses joies, ses douleurs et ses malheurs, le Seigneur Rochereau a célébré, dans ses chansons, l’homme, la femme, la jeunesse, la société, dans ce qu’ils ont de digne, de vertueux et de constructif. Stigmatisant, par ailleurs, leurs vices et leurs dérapages.

La nouvelle de la disparition de Seigneur Rochereau a suscité des milliers de réactions et d’hommages parmi ses innombrables sympathisants, chez ceux qui l’ont côtoyé, au fil de sa carrière et du coté de ses adversaires.

Nous ne cesserons d’écouter les Nkulu Norbert, Massanga ya Libala, Bonbon Sucré, Sala Noki Pascal, Rufine Missive, Adios Tété, Mwana Ya Vangu, Sophie Elodie, Boya Yé, Amilo, Zando Ya Dabanani, Lili mwana ya quartier. Une liste interminable de chansons qui n’en finiront pas d’être citées.

Tempélo, l’un des derniers tubes de Rochereau, dans un album inédit avec sa fille, avant qu’il ne tombe malade et arrête la musique, est un véritable chef d’oeuvre.

La particularité des chansons de Tabu Ley réside dans le fait qu’elles sont accompagnées par des arrangements musicaux de haute qualité soutenant des messages porteurs de signification.

Bon vent à mon ami Dino Vangu, talentueux guitariste de l’Afrisa International, à qui Tabu Ley a confié la clé de la continuité de leur école musicale commune.

A Tabu Ley qui vit toujours en nous, par ses nombreuses productions, il aura laissé à la postérité, la preuve la plus affirmée de la créativité et de l’accomplissement dans un registré inégalé à ce jour.

Ouabari Mariotti – Membre de l’UPADS

Paris 29.11.2020

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