Point d’honneur au nouveau Président de la Tunisie. Et que l’effet Kais Saied fasse école au Congo et dans le reste de l’Afrique.

TRIBUNE. Sans parti, sans structure électorale, les mains nues, avec les revenus d’un retraité, le professeur de droit, constitutionnaliste de renom, Mr Kais Saied, a été élu à 61 ans, président de la Tunisie, le 14 octobre 2019.

Elu, grâce à une singulière révolution des formes des campagnes présidentielles. A l’opposé total de ce qui est vécu dans d’autres pays d’Afrique et ailleurs dans le monde.

Pas de campagne à l’américaine où sont investis des millions de dollars, sortis frauduleusement, dans certains cas, des caisses de l’Etat. Point d’onéreux meetings populaires, aux sons des orchestres, où sont habillés les participants aux couleurs des candidats. Aucune distribution de billets de banque et autres dons pour conditionner les électeurs. Pas de carnavals motorisés et de cortèges de transports en bus de sympathisants à travers les villes pour vanter les mérites du candidat.

Kais Saied a touché le cœur des tunisiens en s’appuyant sur la méthode simple du porte à porte, pour une campagne à la fois locale et associative. Une stratégie qui trouve son fondement, dès 2013-2014, lorsque Kais Saied fréquente, dans les clubs et débats de citoyens, les petits rassemblements de tunisiens qui ont vu leurs cercles grossir, au fil du temps, grâce à la bonne écoute et aux réponses positives de Kais Saied.

Candidat antisystème, Kais Saeid l’a emporté, au deuxième tour du scrutin, devant un fortuné homme d’affaires, Nabil Karoui, fondateur de la chaine de la télévision Nessma.

La jeunesse tunisienne qui a pris, de longue date, ses distances d’avec les partis politiques du pays et leurs leaders, a voté à près de 90% pour Kais Saied. Et la dynamique que les jeunes ont créé autour de sa candidature s’est bien exprimée dans les urnes.

Des raisons évidentes sont à l’origine de cette désaffection de la jeunesse tunisienne à l’égard des politiques. Ailleurs, en Afrique, est perceptible le même désamour pour les pouvoirs en place, et dans certains cas, pour les partis traditionnels. Les jeunes, traversés par des frustrations et des désirs inassouvis, ont tendance à tourner le dos à la politique, n’y trouvant pas leur compte.

D’abord, la question de la confiance. Embourbés dans des affaires de corruption de tout genre, sous l’œil indifférent des parquets de la république et des services de contrôle financier d’Etat, les tenants des pouvoirs sont discrédités. Perçus comme défendant leurs intérêts propres, au détriment du bien commun, ils vivent repliés sur eux mêmes, déconnectés des préoccupations des citoyens qui ne se reconnaissent plus en eux et dans leurs actions.

Les politiques publiques qui sous tendent la gestion des Etats africains, basées sur des modèles socio-économiques et culturels dépassés, n’arrivent plus à mobiliser les populations, particulièrement les couches jeunes, aux aspirations multiples et dont les horizons se ferment.

Les partis traditionnels, sans moyens légaux suffisants de pression sur les gouvernants, passent par devers eux, pour les opinions nationales, comme leurs partenaires obligés ou pour des forces passives face aux méfaits des régimes.

Dans le cas du Congo Brazzaville, les gouvernements qui se succèdent n’emportent plus la conviction. Ils paient le prix de l’absence des réformes profondes face à la fracture de la nation, caractérisée par des phénomènes comme les disparités entre les régions, l’accroissement de la pauvreté, la déliquescence de l’Etat et des structures sociales, les inégalités, l’extravagance des proches et alliés du régime, l’abandon des couches faibles.

Des conditions qui fragilisent la mainmise des dirigeants sur les populations congolaises. Ce qui entraine, à contrecoup, l’indifférence à l’égard des partis traditionnels, toutes tendances confondues, au nom du passif des politiques sur la question majeure du progrès national. Avec en conséquence, la dispersion des militants desdits partis et leur glissement implicite vers de nouveaux courants émergents qui font rêver par des discours réformateurs.
L’effet Kais Saied est né, en réaction à l’identique de ces phénomènes congolais, sur le l’ensemble du territoire tunisien.

Ainsi, en honneur de sa brillante, populaire et démocratique victoire, que le président tunisien Kais Saied veuille bien accepter nos chaleureuses félicitations. Nous, républicains et autres patriotes congolais. Qu’il trouve, par ailleurs, ici, l’expression de nos voeux les meilleurs pour l’accomplissement de son programme.

Puisse, au Congo Brazzaville, demain, après demain, les élections présidentielles arrivant, s’y produire également un effet Kais Saied dont la figure qui aurait su, raisonnablement, l’incarner serait l’heureux vainqueur. Et que dans le reste de l’Afrique, les forces de progrès travailler à cultiver cet effet.

Paris le 17 octobre 2019

Ouabari Mariotti – Géographe, ancien ministre de la justice du Congo Brazzaville.

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