Alors que des discussions devaient avoir lieu ce jeudi au Qatar en vue d’une trêve entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, le chef des droits de l’homme de l’ONU a déploré les derniers chiffres des autorités gazaouies indiquant que plus de 40.000 Palestiniens ont été tués en dix mois de guerre.
« Aujourd’hui marque une étape sombre pour le monde », a dit le Haut-Commissaire Volker Türk dans un communiqué de presse. « La population de Gaza pleure aujourd’hui 40.000 Palestiniens morts, selon le ministère de la Santé de Gaza », a-t-il ajouté, notant qu’en moyenne, « environ 130 personnes ont été tuées chaque jour à Gaza au cours des dix derniers mois ».
La plupart des morts sont des femmes et des enfants. « Cette situation inimaginable est due en grande partie aux manquements récurrents des forces de défense israéliennes aux règles de la guerre », a déploré M. Türk.
Graves abus commis par l’armée israélienne et la branche armée du Hamas
Le ministère de la Santé de Gaza a annoncé un nouveau bilan de 40.005 morts dans le territoire palestinien depuis le début de la guerre avec Israël, entrée dans son onzième mois.
L’ampleur des destructions de maisons, d’hôpitaux, d’écoles et de lieux de culte par l’armée israélienne est profondément choquante. Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH) indique avoir documenté de graves violations du droit international humanitaire tant par l’armée israélienne que par les groupes armés palestiniens, y compris la branche armée du Hamas.
« Alors que le monde réfléchit et considère son incapacité à empêcher ce carnage », le chef des droits de l’homme demande instamment à toutes les parties d’accepter un cessez-le-feu immédiat, de déposer les armes et d’arrêter le massacre une fois pour toutes.
« Les otages doivent être libérés. Les Palestiniens détenus arbitrairement doivent être libérés. L’occupation illégale d’Israël doit cesser et la solution des deux États convenue au niveau international doit devenir une réalité », a insisté M. Türk.
Remise en état d’un puits
Apportant une note d’espoir, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a indiqué avoir remis en état un important puits d’eau à Khan Younis, qui avait été détruit il y a plusieurs mois par des opérations militaires israéliennes.
Le puits constitue désormais la principale source d’eau potable pour environ 100.000 personnes déplacées dans la région, pompant quotidiennement plus de 500 mètres cubes d’eau par jour, a déclaré l’agence, précisant que ce point d’eau fonctionne 8 heures par jour.
Huit robinets ont été installés pour permettre aux familles déplacées de remplir leurs récipients d’eau portables, dont deux sont réservés aux camions-citernes pour desservir les personnes qui ne peuvent pas atteindre le puits à pied.
« La dernière fois que j’ai visité ce puits, c’était à la fin du mois d’avril. Il était détruit, entouré d’éclats d’obus et de munitions non explosées potentielles, et ne fonctionnait plus », a rappelé sur le réseau social X, Louise Wateridge, porte-parole de l’UNRWA.
Boire au prix d’énormes distances sous des températures étouffantes
À cette époque, Khan Younis était une ville « fantôme ». Les habitants avaient fui les opérations militaires et s’étaient réfugiés à Rafah.
« Après le retrait des opérations militaires de cette zone, l’UNRWA a immédiatement commencé à réhabiliter le puits d’eau », a-t-elle ajouté, relevant que les équipes onusiennes ont travaillé jour et nuit pour réparer et remplacer les pièces endommagées et manquantes.
Malgré son impact « considérable », l’accès à l’eau dans la majeure partie de l’enclave palestinienne reste limité. Avec « si peu de sources d’eau » dans la bande de Gaza, de nombreuses familles sont « obligées de parcourir d’énormes distances sous des températures étouffantes pour satisfaire un besoin aussi élémentaire ».
« D’autres ne sont pas en mesure d’accéder à l’eau potable, ce qui les oblige à survivre avec de l’eau sale », a ajouté Mme Wateridge.
De nouveaux ordres d’évacuation
Cette bonne nouvelle intervient alors que les rapports des médias font état de nouveaux ordres d’évacuation. Sont à nouveau sommés de quitter leurs maisons et leurs abris, « tous les résidents des blocs 38, 39, 41, 42 des quartiers Al-Qarara 3 et Al-Sathar », dans le sud-est de la bande de Gaza, selon les forces israéliennes.
Ces dernières semaines, Israël a émis de nombreux ordres d’évacuation pour les zones situées à l’intérieur et aux alentours de Khan Younis. Mardi déjà, l’armée israélienne avait lancé un ordre d’évacuer dans deux zones de l’est de Khan Younis, à savoir les quartiers de Makhta et de Beni Suhaila, ordonnant aux gens de partir immédiatement vers la prétendue « zone sûre ».
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), l’ordre a eu un impact sur les services essentiels, dont huit stations d’eau et d’assainissement ainsi que deux centres de soins de santé primaires, perturbant ainsi les services médicaux dans la zone.
Des enfants se rafraîchissent et jouent sous l’eau
Alors que des centaines de milliers de personnes ont été forcées de fuir une fois de plus, cette zone située à l’intérieur de l’actuelle zone humanitaire désignée par Israël est « bondée de familles forcées de vivre les unes sur les autres dans des abris naturels adossés ou parmi les décombres de bâtiments squelettiques », a regretté pour sa part l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).
A Khan Younis, les équipes de l’UNRWA indiquent avoir vu de nombreux enfants non seulement aller chercher de l’eau potable pour leur famille, mais aussi se rafraîchir et jouer sous l’eau qui déborde des grands réservoirs. « Il s’agit là d’une joie élémentaire qui n’est accessible qu’à très peu de personnes ici », a déclaré Mme Wateridge.
Sur le terrain, en dépit des rapports des médias faisant état d’une reprise des pourparlers sur le cessez-le-feu, les bombardements et les hostilités continuent de tuer et de faire fuir les Palestiniens.
Des femmes restent des mois sans prendre de douche
Dans ce climat d’interminables mouvements de populations, le chef de l’UNRWA s’est alarmé du sort des filles et des femmes gazaouies après dix mois de guerre.
Selon Philippe Lazzarini, elles peuvent souvent passer des mois sans prendre de douche, traversant plusieurs cycles menstruels sans se laver. Elles doivent couper leurs cheveux très courts à cause des poux, du manque de shampoing, d’eau ou de peignes.
« Les femmes et les filles sont nombreuses à dire qu’elles ne se sentent pas en sécurité, qu’elles n’ont pas d’intimité ou de dignité dans les abris surpeuplés et les sites de déplacement. Elles ne vont pas aux toilettes et évitent donc de manger ou de boire de l’eau. Certaines femmes portent le même foulard depuis 10 mois », a décrit sur le réseau social X Philippe Lazzarini.
Les femmes de Gaza disent ainsi aux équipes de l’UNRWA leur mal-être et le fait qu’elles ont du mal à se considérer comme des femmes. « Une femme a déclaré : [Je n’ai pas l’impression d’être une femme. Je ne me sens plus femme]. C’est un autre aspect de la déshumanisation croissante de cette guerre », a insisté le chef de l’UNRWA, réclamant une trêve pour « restaurer une partie de la dignité » des femmes gazaouies.