Je reçois quotidiennement des ados en conflit avec leurs parents qui me disent avec colère « on dirait qu’il nous fait tout ça exprès ». L’ado très souvent désespéré rétorque « ils ne me comprennent pas et on dirait qu’ils me détestent ».
Pratiquement tous les parents et les ados, ont les mêmes remarques selon l’exemple suivant :
- Parents : « il était brillant dans ses études et il nous écoutait bien. Maintenant on ne le reconnait plus, il n’en fait qu’à sa tête, il ne fait pas ses devoirs, il dort très tard et passe tout son temps devant son téléphone. Si on lui parle, il s’énerve, pique des colères et s’enferme dans sa chambre »
- L’ado : « ce n’est pas vrai, je fais mes devoirs mais ils veulent que je passe tout mon temps à travailler. Ils ne me font pas confiance, ils critiquent tout du matin au soir, mes vêtements, mes amis, mes cheveux ! Ils râlent, critiquent, insultent et des fois ils me frappent ».
Il s’agit d’un énorme malentendu et en voici les raisons les plus importantes.
- Quelques spécificités du cerveau d’ado « ce n’est pas de sa faute ! »
Le cerveau de l’adolescent ne peut pas être celui de l’adulte, car il n’est pas encore arrivé à maturité. Celle-ci ne sera atteinte qu’à 20 ans, voire même 25 ans.
- La zone cérébrale responsable de la régulation de l’humeur est encore immature : c’est ce qui provoque les brusques sautes d’humeur de l’ado avec des réactions impulsives disproportionnées à la situation causale.
- La zone cérébrale de l’organisation et de la projection dans le temps est immature : c’est pour cela qu’il gère mal son temps entre travail et loisirs.
- Le cerveau est sourd : les critiques, railleries, cris, reproches et menaces rendent le cerveau de l’ado sourd et il ne saisit rien du discours de ses parents
- La zone cérébrale responsable de l’évaluation des risques est également immature: on voit ainsi l’ado s’exposer à des risques graves dans sa façon de conduire une moto sans casque par exemple et malgré d’éventuels accidents il répète encore ce comportement à risque.
- Développement de centaines de milliers de neurones : or si l’ado ne les utilise pas en les spécialisant dans de nouveaux domaines, cette masse neuronale va mourir. Ainsi, il est important, à cet âge, de multiplier au maximum les activités (les arts, la musique, la danse, la créativité, l’échange culturel et philosophique, les actes de service de la société….), afin de spécialiser les nouvelles générations de neurones et éviter leur disparition.
2-Le changement du rapport parent/ado
L’ado n’est plus un enfant, il transite par une période de transformation en adulte responsable et il attend que ses parents se transforment eux aussi dans leurs rapports avec lui en fonction de son âge. L’ado a besoin d’encouragement afin de développer ses capacités et son indépendance affective et attend que ses parents l’accompagnent durant cette période au lieu de le critiquer et le brimer.
Il est important que les parents fassent des recherches pour faire évoluer leurs capacités d’accompagnement et découvrir les spécificités de l’adolescence afin de ne pas réduire cette étape à une simple crise hormonale. Au contraire, il s’agit d’une transformation que l’ado subit malgré lui et malgré sa volonté et qu’il ne peut fuir. Si les parents ne se préparent pas à assumer leur rôle très spécifique en cette période et s’ils ne comprennent pas la souffrance de l’ado, il va se diriger vers l’extérieur cherchant ceux qui peuvent le comprendre en s’exposant à des expériences souvent très dangereuses.
3-L’absence de la communication et de l’intéressement à la vie d’ado
Malheureusement durant l’enfance beaucoup de parents ignorent que c’est le moment de préparer le terrain de la communication à l’adolescence. La consultation avec l’enfant permet le tissage d’une relation saine et confiante, basée sur le respect mutuel et la liberté totale de s’exprimer. Les parents se rapprochent de jour en jour de leur enfant en lui accordant un temps suffisant pour jouer avec lui et pour s’intéresser à tout ce qui se passe dans sa vie, comme l’école, les jeux et les difficultés dans ses relations avec les autres enfants et avec les adultes aussi. Ainsi nous tissons une relation saine basée sur l’écoute et le respect des avis tout en l’aidant à avoir un esprit critique et à développer sa confiance en lui. De cette façon, il sera plus facile pour les parents de continuer à évoluer avec l’enfant arrivant au seuil de l’adolescence. De même, il sera aussi plus facile pour l’ado de trouver des référents sur lesquels il pourra compter durant cette phase de transformation et il saura qu’à tout moment il pourra revenir vers ses parents pour partager avec eux toutes ses expériences et difficultés en trouvant des oreilles qui l’écoutent avec tendresse.
Bien entendu, malgré l’absence de la préparation de ce terrain de communication, toutes les chances sont encore là pour que les parents développent une relation saine avec l’ado en se rapprochant de lui et en s’intéressant sincèrement à ce qu’il pense, ce qu’il étudie, à ce qui se passe dans sa vie quotidienne, sans critique ni reproche. Ainsi chaque parent va se rendre compte que l’ado est dans un besoin crucial d’une oreille qui l’écoute avec sincérité et tendresse et sans jugement.
Docteur Jaouad Mabrouki
Psychiatre, Psychanalyste