Papy Maurice Mbwiti fait son spectacle

Dans sa famille l’art de la parole est une tradition. Le grand-père de Papy Maurice Mbwiti fût un modérateur des palabres et son père excelle dans cet exercice bien connu chez les Kongo. « Mon père fût enseignant, professeur d’anglais. Il a également été interprète à la présidence de la république et traducteur lors du combat de boxe qui opposa Mohamed Ali à Georges Foreman, en 1974 à Kinshasa », affirme l’intéressé.

Très jeune, ce congolais de Kinshasa écrit des textes lorsqu’il n’a pas cours et à douze ans sa première pièce de théâtre, « Le secret de la vie ». Ensuite, c’est par la tenue de journaux intimes pleins de poèmes qu’il développe son côté comédien. Il intègre la compagnie théâtrale Étendard de Ngaliéma puis crée à l’âge de quinze ans sa première troupe dénommée les Jat, Jeunes amis du théâtre.

Spectacle autour de la constitution
Sensible à la condition humaine, il a pour modèles Jean Shaka Tshipamba et Mutombo Bwiti. En 1997, Ally Ntumba Bea, directeur de la compagnie les Béjarts, lui demande de mettre sur pied un spectacle autour de la nouvelle constitution de la République Démocratique du Congo, qui répondrait aux nouvelles aspirations des populations. Celui-ci s’appellera « Le village des bananiers ». Tout en poursuivant la comédie, Papy Maurice Mbwiti obtient son baccalauréat et décroche une licence en relations internationales en 2004. « Mes spectacles se veulent être une éducation civique et les messages qu’ils véhiculent sont liés à la démocratie, aux droits de l’homme ainsi qu’à la condition de la femme ».
Sur scène son regard est toujours porté par l’espérance et la vie. Contacté en 2000 par l’écurie Maloba pour travailler sur la pièce « Je plaide coupable », d’Astrid Mamina, il part en tournée africaine. Devenu professionnel en 2004, il repart en 2005, cette fois-ci, pour une tournée ouest africaine qui passe par le Bénin, le Burkina Faso, le Togo…et joue « Cadavre mon bel amant » du béninois Ousmane Aledji. Polyvalent et très créatif, Papy Maurice est sollicité par de nombreux metteurs en scène. Il en profite pour participer à des ateliers d’écriture de mise en scène. L’envie d’aller travailler en Afrique australe le conduit à répondre à une proposition du directeur du centre culturel franco-mozambicain à Maputo. « C’est là-bas que je vais connaître ma première expérience de metteur en scène avec le spectacle « Qui suis-je ? » tiré du texte « Au-delà du voile », de l’algérien Slimane Benaissa ».

Collabore avec Jonathan Kombe et crée « Et si on te disait indépendant ? » avec Bibish Mumbu
En août 2006, le danseur et chorégraphe Faustin Linyekula lui demande de préparer quelque chose à l’occasion du 250eme anniversaire de la mort de Mozart. Il part alors pour Kisangani en RDC avant sa première prestation européenne en novembre 2006 à Vienne en Autriche, où il se produira dans « Dinozord ». Viendra ensuite le festival d’Avignon en 2008 puis les Francophonies en Limousin en 2010. Dès lors, il n’arrêtera plus de tourner à travers les continents. Il assiste Faustin Linyekula en 2009 à la Comédie française dans « Bérénice ». Entre-temps, ce surdoué qui a collaboré avec Jonathan Kombe unira sa science à celles des comédiens Fiston Nasser Mwanza Mujila et Marie-Louise Bibish Mumbu. Ils font le spectacle un peu partout avant de trouver la solution à la difficulté de la distance qui les éloignera en créant le concept des Ponts littéraires en 2011.
Ces courtes lectures thématiques appelées Moziki littéraires sont un succès. Elles donnent lieu à la publication d’un recueil du même nom. L’objectif est de : « distribuer les recueils et donner le goût de la lecture aux jeunes, briser le mythe de l’auteur absent et créer un imaginaire congolais éloigné de Blanche neige » , précise-t-il. L’écriture de cet homme marié, père de trois enfants, est marquée par la sagesse africaine, la politique et la philosophie. Le travail autour de la création de « Dire et Écrire » à Kinshasa au théâtre des Verdures à Mont-Ngaliema durant deux jours devant environ 8000 personnes à chaque représentation, est déjà amorcé.

Le théâtre n’est pas soutenu comme il le mériterait
Lorsqu’on évoque l’état des arts du spectacle aujourd’hui, l’auteur, comédien et metteur en scène est amère. « Parmi les multiples freins au développement du théâtre je peux citer la barrière de la langue, la crise économique, la régression du niveau de l’enseignement, l’inexistence de subventions étatiques, l’insuffisance de librairies, le défaut de vulgarisation des ouvrages valorisant la culture, les arts et les lettres, le manque de liberté d’expression…Ainsi, les gens préfèrent suivre les spectacles à la télévision ». Qu’à cela ne tienne, cet intermittent du spectacle engagé dans diverses troupes théâtrales et qui joue actuellement sa nouvelle pièce « To lata » en Allemagne, reste optimiste. « Il y a quand même une dynamique des jeunes pour réinventer ce qui n’existe plus ».

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