A ce propos, le Maàni Koòngo est, à la fois, un roi spirituel et cultivateur. Il est, ce roi de transformation et d’amélioration du milieu dans lequel où il exerce son autorité, c’est-à-dire le « Ntootela ». Il s’agit là, entre autres, d’une analogie sur le roi qui, par essence ou définition est la rivière parlante (ntoo = rivière) (ntela dérivé de ta = parler, manifester, exprimer).
C’est à ce titre qu’il est, le roi soucieux du bien être de son peuple en cherchant constamment à unir, à rassembler, à sécuriser, à perpétuer, à cultiver etc. Il est le roi de la transformation de la terre, de cette terre don véritable du Dieu suprême Nzaàmbi MpuNgu qu’il revient au muùntu de travailler pour en tirer divers avantages d’où, entre autres, la signification étymologique de ntootela du roi semeur, cultivateur et récolteur.
Le roi du Koòngo est maître en son royaume parce qu’il est, avant tout, un partisan de Koòngo dya Ngolo ou du Koòngo de la force qui, en l’espèce passe par l’amour du travail.
C’est ainsi que dès la fondation du Koòngo, « Les hommes de métier arrivèrent avec leurs outils, car à Kongo, dès l’origine chaque clan avait son métier. Il y avait des tisserands, des tireurs de vin de palme, des vanniers, des potiers, des forgerons. Il n’y avait de commun que l’agriculture, qui était réservée aux femmes, et la chasse et la pêche, apanage des hommes. Cette spécialisation et cette division du travail entre les clans, tout extraordinaire que cela paraisse, sont mentionnées dans les traditions de quelques clans. » (Van Wing in « Etudes Bakongo, sociologie, religion et magie 2ième édition 1959 P.45.)
Comme le rapporte le koòngologue Georges BALANDIER, le roi est défini comme le héros civilisateur, celui qui symbolise par excellence le pouvoir. Justicier, conquérant, il est aussi envisagé comme l’inventeur de l’art de forger. Il est le roi forgeron dotant son peuple des armes de la guerre et des outils de l’agriculture (G.BALANDIER in « La vie quotidienne au royaume de Kongo du XXVIIe au XVIIIe siècle Hachette 1965 P. 15.).
Ainsi, le Maàni Koòngo, le roi du Koòngo, le ntootela est ce roi protecteur et surtout transformateur des terres qui lui appartiennent. Du verbe toòta et signifiant cultiver, travailler, semer, ramasser, récolter. C’est en cela qu’il est le roi forgeron, c’est-à-dire ce roi qui se situe dans la constance du devenir de sa royauté et de son peuple par le travail ou saàla, en l’occurrence l’art de la forge.
S’il aspire, entre autres, au bonheur, le roi du Koòngo est, en ce cas, le Mfumu tsi, le Mfumu ntoòto, le roi de la terre ou de l’espace territorial qu’il occupe et qu’il met en situation perpétuelle de transformation pour son bonheur et de celui de son peuple.
Le Maàni Koòngo est, peut-on dire, le Mfumu ya Ma-zulu, c’est-à-dire le seigneur ou maître de l’univers des cieux qui, à ce titre comprend ou maîtrise les mystères de l’environnement dans lequel, il fait régner son autorité. Du verbe zuùla qui veut dire comprendre, saisir, décrypter, décoder.
Ainsi, le roi du Koòngo est détenteur du zuù ou langage (se distinguant nettement de la langue ou ndiinga) avec lequel il parvient à comprendre, saisir et traduire les mystères du Nza ou de l’univers pour son bien être et celui de son royaume.
Par ailleurs, le Maàni Koôngo est aussi le Mfumu ya ma ntoonto, c’est-à-dire le seigneur des terres ou ntootela en les travaillant, cultivant ou somme toute, en les transformant pour en tirer différentes sortes d’avantages. Du verbe toòta qui veut dire récolter, ramasser à la condition bien évidemment et ce, préalablement de mettre en avant l’esprit d’initiative et d’entreprise.
C’est sous cet angle que le ntootela apparaît comme le laboureur que décrit l’avocat, le poète, le moraliste français de la période classique Jean de LAFONTAINE (8 juillet 1621-avril 1695) lequel en s’adressant à ses enfants leur dit :
« Travaillez, prenez de la peine :
C’est le fonds qui manque le moins. Un riche Laboureur,
sentant sa mort sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l’endroit, mais un peu de courage vous le fera trouver :
Vous en viendrez à bout
Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place….
D’argent, point de caché. Mais le Père fut sage de leur montrer
Avant sa mort que le travail est un trésor. »
Ainsi, le travail chez les Koòngo précède le bonheur d’où la signification, entre autres, du dicton saàmbila saàla, saàla saàmbila, prier et travailler sans relâche, travailler et prier sans faiblir.
A ce propos, le koòngologue BALANDIER rapporte que :
« Certains métiers se situent entre la connaissance des nganga et le savoir-faire des gens de l’art. Ainsi, la technique de la forge qui reste prestigieuse à Kongo. Le forgeron est nganga lufu…Ses outils principaux – le marteau et l’enclume – évoquent le temps du mythe et des premiers ancêtres…Par ailleurs, l’eau de la forge et l’air du soufflet sont utilisés pour renforcer la vitalité…Travail noble, action symbolique autant que création matérielle, la mise en œuvre des métaux se situe au point de convergence des pouvoirs opérant sur les forces, les hommes et les choses. Ce qui explique que le souverain soit, selon la dénomination plusieurs fois rappelée, « forgeron de Kongo ». (G.BALANDIER in « La vie quotidienne au royaume de Kongo du XXVIIe au XVIIIe siècle Hachette 1965 P.224).
C’est dans cette optique que le roi du Koòngo devient un Maàni, c’est-à-dire un détenteur de plusieurs petits états donc de plusieurs terres du fait de son génie ou ingéniosité voire intelligence à rassembler ou grouper les hommes et des femmes par son idéal qui passe avant tout par l’amour du muùntu et celui du travail.
Ici, le mot maàni n’étant que le pluriel de l’adjectif possessif diaàni ( Ex : ma (m)baànza maàni ou mbaànza zaàni , ma n’gaata maàni , ntoònto miaàni ; tsi zaàni, terres ou cités sous-entendu du roi du Koòngo, c’est-à-dire, le Ntootela,.
En somme, le roi du Koòngo est un roi forgeron ou ngaàngula qui, par définition procède à la transformation des terres qu’il occupe. C’est à ce titre qu’il est un partisan du bonheur auquel, il aspire en cultivant sans cesse son jardin. Autrement dit, le bonheur est, pour le roi du Koòngo, et ce, à la fois épanouissement et quiétude voire un état d’être né corrélativement du maintien ou de l’entretien de sa force vitale par le travail ou ki-saàlu. Cette force vitale que Placide TEMPELS conçoit comme le muùntu ou la réalité invisible dans l’ÊTRE qui, naturellement jouit de la faculté de la renforcer par la force des autres êtres de la création. La félicité suprême, la seule forme du bonheur est pour le Muuntu, écrit-il, la possession de la plus grande puissance vitale. La pire adversité, et en vérité le seul aspect du malheur, pour lui, est la diminution de cette puissance vitale. (TEMPELS P. in « La philosophie Bantoue » Présence africaine 3ième édition 1948 P.31 et 32.)
Rudy MBEMBA-Dya-Bô-BENAZO-MBANZULU (Alias Taàta N’dwenga)
Avocat à la Cour
Koòngologue