L’univers artistique de la plasticienne Meryem Moumni alias Miro est si riche et diversifié qu’il est difficile à résumer. Ses œuvres promènent notre regard entre des abstractions exubérantes de couleurs, de poésie, de philosophie et une série dans les nuances où des corps à corps surgissent à peine pour indiquer le sublime et le beau chez cette jeune artiste-peintre chevronnée de par ses rythmes et perspectives.
La superbe peinture de Miro, de caractère universel, ne saurait se limiter à ce regard récurrent sur les seuls environs de la peinture marocaine, maghrébine, arabe ou africaine. Ils ne sont que le point de départ d’une errance dans laquelle cette artiste nous entraîne avec elle. Le regard vacille sans cesse, émerveillé entre ses toiles où chacune, d’une seconde à l’autre, suscite une vision nouvelle.
Ainsi se révèle-t-elle multiple, polymorphe, créatrice d’un univers pictural unique, comme toutes les grandes œuvres qui, qu’elles soient dramatiques, symphoniques, poétiques ou littéraires, sont si riches que l’on peut soi-même les déchiffrer et les interpréter de façons diverses. Ici, les silhouettes, présentées parmi les grandes toiles carrées, ne sont pas divertissements d’esthète, mais focalisation, symbole du regard de l’artiste-elle-même et de l’émotion qu’elle éprouve.
Ici, la palette est vibrante de transparences, au sein d’un geste sûr, magistral, poétique et émouvant. Les trouées de lumière nous entraînent au-delà même des limites du tableau. Devant ces frémissements de lumière, le souvenir de Jackson Pollock s’empare de nous. C’est pourtant un autre monde, mais c’est bien la même magie. Car sa peinture aux nombreux effets abstraits auxquels l’appui presque exclusif sur la couleur et les formes semi-géométriques n’empêche jamais sa vision de rester celle d’une philosophe. L
e plus souvent, dans l’univers pictural de Miro, qui vit et travaille à Casablanca, la réalisation de l’œuvre se fait en deux étapes distingues. Elle débute, sans idée préconçues, par des gestes très spontanés, c’est comme une exploration intuitive visant à traduire un monde intérieur qui est faite, à prime abord, sans souci de beauté rationnelle autre que la cohérence des formes et des couleurs. De cet élan créatif émergent des formes allusives, une atmosphère, bref, une composition.
La deuxième étape en est une où la toile saturée sera peaufinée tant au point de vue structure que rythme des formes et des couleurs. Parfois quelques éléments non référentiels seront alors ajoutés pour accentuer l’atmosphère. C’est d’ailleurs le terrain de jeu/enjeu de Miro depuis toujours. L’expérience de son propre univers, qui apparaît souvent avec soudaineté, manifeste authentiquement et originairement l’œuvre qui perce le temps pour voir et percevoir. Ce temps est intuitif et semble d’abord donné comme un vécu de conscience et inconscience mêlées. Ce temps se veut également auto-psychique et nous embarque dans l’univers des rêves et des rêveries d’une artiste au goût prononcé pour l’abstraction.
Quant à son champ sémantique, il s’avère tout aussi riche que ses œuvres apparaissent souvent interconnectées et se complètent. En somme, elles permettent de laisser libre cours à ses émotions sur le chevalet, s’éloigner de la réalité pour ouvrir tous les champs du possible de la création mélangeant la matière sur fond énergétique. Inspiré de la nature, la diversité de la vie, ses diverses lectures, le travail de Miro est caractérisé par une approche personnalisée. C’est l’impression première que nous aimerions avancer en tentant d’interroger cette logique esthétique qui transpose une âme d’artiste raffinée et emplie de verdure pour une envolée dans les cieux de l’imaginaire.
Et si la société dans laquelle nous évoluons a plus que jamais besoin de redécouvrir les petits plaisirs de la vie, liés à l’art et à la connaissance, Miro, elle, considère la peinture comme un refuge, pour y préserver la fraîcheur de l’âme, pour sublimer le quotidien. Une peinture qui n’exclut pas la solitude profonde de l’être, comme si l’artiste était assise sur un banc ou sous un arbre, souvent dans un coin du tableau. Ou alors plongée en pleine méditation, au cœur même de la toile.
Ayoub Akil