
Dans l’univers pictural de l’artiste-peintre marocaine Najat Brahmi, les couleurs s’expriment pleinement dans toutes leurs nuances voisines avec l’ardeur ensoleillée des paysages et les splendeurs de la culture et du patrimoine marocains. Cette autodidacte, qui vit et travaille à Harhoura, une petite station balnéaire et résidentielle située au Sud de Rabat, s’inspire de sujets oniriques, ou fantasmagoriques mais ses œuvres restent cependant fidèles à la réalité de formes. Elles déroutent, interrogent, dégagent de la poésie.
L’univers de l’artiste-peintre Najat Brahmi, on le pressent, s’éloigne du réel angoissant, fait d’insécurité, de violence, de fanatismes, pour proposer une approche vivifiante et pacifiée, une invitation baudelairienne au voyage. Là où n’est qu’ordre et beauté/luxe, calme et volupté. Face au monde tel qu’il se présente, la démarche se révèle donc d’autant plus sincère qu’elle tend vers l’apaisement, la rêverie, la culture, notions qui échappent aux sociétés précipitées au bord du gouffre par des conflits qui les dépassent. Ici, il s’agit avant tout de ce souci majeur de sauvegarder le patrimoine immatériel du Maroc.
Compte tenu de l’importance qu’il revêt dans le paysage identitaire et culturel du Maroc, souvent confronté à l’usure du temps, Najat se voit plus que jamais appelé à assumer une responsabilité qui dépasse largement le cadre de l’art : l’image de l’identité nationale. Il est question, pour elle, donc de participer activement à la fois à la cohésion sociale et à la dynamique culturelle du pays à travers l’art. Cela se traduit par la philosophie de cette culture et sa pluralité, mais aussi par les valeurs de respect, de modernité et d’art du partage que ses tableaux véhiculent.
Dans une période attachée à l’ordre, cette conception privilégie le retour au réel et à la figuration, mais un réel transfiguré par la poésie. Les sujets de prédilection de Najat sont alors des scènes d’extérieur (Les marchés animés, les villages aux murs blanchis couronnés de terrasses, les moussems de la fantasia, scènes de famille…), mais elle excelle aussi dans les scènes d’intérieur et les natures mortes notamment les portraits et les paysages. Elle y fait preuve d’une solide construction et d’un harmonieux équilibre des couleurs.
Et comme tout artiste-peintre figuratif digne de ce nom, Najat favorise davantage les matières picturales. C’est l’essence même de l’œuvre de cette plasticienne inspirée qui s’attache à rendre l’étrangeté du quotidien à travers les natures mortes qui se traduisent par le trait, la touche et la couleur, mais aussi et surtout par son esprit. Sa sensibilité aiguë à l’atmosphère, la sûreté de la composition, le contrôle exceptionnel de la palette caractérisée par une tonalité sourde, contrebalancée par les couleurs, sont tout simplement magnifique. Ajouter à cela le fait que la plasticienne manipule plusieurs techniques qu’elle utilise à profusion dans ses œuvres :peinture à l’huile, couteau, pinceaux, seringues, zellige, superpositions des tableaux… le tout dansune ambiance Majorelle envoûtante.
Aujourd’hui, il y a une rupture temporaire qui s’estompe avec une série de travaux récents qui placent l’abstraction au centre de la création et célèbrent la nature humaine dans ce qu’elle peut offrir de plus flamboyant, mais aussi – et ce n’est pas le moindre des paradoxes – de plus doux. Le tableau devient alors un tourbillon Qu’on le veuille ou non, bien qu’elle soit toujours dans la recherche et l’expérimentation, Najat reste fidèle à son vocabulaire formel et chromatique qui signifie, en dépit et au-delà de la finalité qu’elle lui assigne. C’est dire qu’admirer ses œuvres, c’est aussi rencontrer la sincérité et une certaine conviction qui ne nous laissent pas insensibles.
A son tour, le contemplateur, lui, s’aperçoit immédiatement les possibilités de notre artiste de guider méthodiquement son imagination pour faire quelques pas dans les territoires infinis de la création. Elle bouscule, malmène et renverse le sens commun des choses pour arriver à leur signification profonde. Il faut dire que l’œuvre de Najat statue que l’harmonie des couleurs repose uniquement sur l’entrée en contact avec l’âme humaine et que cette base constitue le principe de la nécessité intérieure : la spiritualité.
Dans ce sens, l’œuvre de Najat Brahmi a pour objet de permettre de saisir quelque chose d’au-delà de la vie et nous le faire sentir. Il faut dire que ses travaux attestent qu’elle est aussi une artiste abstraite. De par ses gestes picturaux minutieux et vifs, notre plasticienne développe une œuvre à la charge émotionnelle très forte qui confirme sa provenance de l’invisible et de l’irréel, dans un langage autre que celui de l’image où la signification trouve, amplement, sa place.
Ayoub Akil