L’ordre institutionnel dans le Koôngo Dya Ntootela

Des écrits de nombreux chroniqueurs ayant séjourné dans l’ancien Congo, le Koôngo dya Ntootela, celui-ci présentait, sur le plan institutionnel, les caractéristiques d’un véritable Etat.

« Le prototype de la société à Etat en Afrique centrale de l’ouest fut l’ancien royaume de Kongo. Le roi n’impose plus seulement son pouvoir aux descendants d’un ancêtre connu ou mythique, mais encore à des tribus tout à fait étrangères. Il se crée, alors, une véritable organisation étatique. ».Dans le Koôngo dya Ntootela, la monarchie était élective et non héréditaire…Le choix d’un nouveau roi incombait aux grands du royaume, les trois principaux électeurs étant le Mani Vunda, les gouverneurs des provinces de Mbata et du Soyo…Le principe de l’ « élection du roi visait à dégager de la masse une personnalité susceptible de représenter et d’harmoniser en sa personne les aspirations et les vœux de tous les éléments de la communauté. [ W.G.L. RANDLES in « L’ancien royaume du Congo des origines à la fin du XIXe siècle P.28. »]

Ici, il y a lieu de rappeler l’importance de la personne du roi qui, aux yeux du peuple doit être bonne, exemplaire, digne de foi et de confiance. Il en est ainsi, en raison de sa haute mission qui est celle, comme le rapporte W.G.L. RANDLES de répondre aux « aspirations et aux vœux de tous les éléments de la communauté.

D’où la signification des grands titres honorifiques attribués au roi de Koôngo que sont :

LE MAANI et LE NTOOTELA.

1. LE MAANI : Le roi du Congo ou de Koôngo est Maani parce qu’il est à la tête, peut-on dire, d’un « consortium » ou d’une communauté ayant en son sein plusieurs composantes que sont les Mbaanza, ma-n’gâta, mi-mvuka, Bibelo, c’est-à-dire des grands centres urbains, des villages, des cités et des grands quartiers résidentiels.

A dire vrai, le qualificatif de Maani consiste en la définition de toutes possessions qui relèvent du domaine du roi.
C’est ainsi que, l’expression ma-n’gâta maani évoque très judicieusement toute délimitation des biens qui relèvent du domaine de celui qui le revendique et en l’espèce le Maani-Koôngo.

D’un point de vue constitutionnel, Maani est l’ensemble de toutes les prérogatives qui sont du ressort de la compétence du roi.

2. LE NTOOTELA : Le roi du Congo ou de Koôngo est par excellence, le Ntootela, c’est-à-dire le détenteur de plusieurs terres donc de plusieurs petits états qu’il gouverne en union étroite avec les gouverneurs de ceux-ci. Ce titre honorifique qui n’est exclusivement attribué au roi dérive du verbe Toota qui veut dire ramasser, cultiver, semer, travailler et récolter.

De plus, la dénomination de Ntootela confère au souverain, roi de Koôngo, le pouvoir de régner sur plusieurs états que sont les Mbaanza. Il est, somme toute l’unificateur ou le fédérateur et c’est en cela qu’il est aussi appelé le Mpfumu n’tooto ou le Mpfumu tsi.

En tout état de cause : « La grande innovation de la conquête bakongo est le groupement de multiples petits royaumes en un grand Etat centralisé et gouverné par un monarque suprême résidant dans une capitale. » [ W.G.L. RANDLES in « L’ancien royaume du Congo des origines à la fin du XIXe siècle P.20. »]

Toutefois, le pouvoir du roi n’est guère absolu sur les petits états qu’il gouverne puisque « le roi de Congo, de même que tous les autres grands chefs du pays, ne gouverne que selon les avis d’un conseil comprenant dix ou douze Noirs, membres choisis parmi les plus anciens…de sorte que la guerre ne peut être déclarée, des nobles nommés ou déposés, ni des chemins ouverts ou fermés sans le consentement de ce conseil » [ W.G.L. RANDLES in « L’ancien royaume du Congo des origines à la fin du XIXe siècle P.59. »]

Il s’agit là du Conseil d’Etat qui diffère du Conseil Royal lequel par son organisation et son fonctionnement s’apparente, peut-on dire, au Mboongi du village. Outre les membres du Conseil d’Etat, le « Mboongi Royal », est composé de tous les gouverneurs de provinces ou mbaanza, des chefs de villages ou kuluntu et de certains notables.

Cependant, il existe entre le roi et les deux conseils, une chambre royale dirigée par le Maani-Lumbu qui est le majordome du roi, le premier personnage après le roi qui ne doit jamais quitter l’enceinte royale.

Le pouvoir royal à Mbaanza Koôngo est aussi tempéré par l’existence d’un personnage de haut rang qui détient entre ses mains un pouvoir « politico-religieux », Maani Nsaku Ne Vunda.

D’après plusieurs chroniqueurs, Maani Nsaku Ne Vunda « …a le privilège d’être le principal électeur des rois, de les installer et de recevoir une sorte de tribut lors de leur prise de possession. » [ « Histoire du royaume du Congo » auteur inconnu et traduit par Bontinck (F) Editions Nauwelaerts 1972 P.60.]

Par ailleurs, Maani Vunda est un NSAKU, c’est-à-dire, un « Consacrateur », un Régulateur in fine le « Gardien du Temple » qui, à ce titre veille au bon fonctionnement et au rayonnement spirituel de la royauté en la débarrassant des agents perturbateurs qui sont susceptibles de la mettre en danger (du verbe sakula qui veut dire sarcler, débrousser, débarrasser).

3. NSAKU : A l’image de ces petites noix comestibles, que l’on trouve sous terre avec pleines de racines et qu’on appelle nsa-nsaku (cyperaceae), le Grand prêtre NSAKU contribue, de par ses fonctions au renforcement populaire et salutaire de la royauté.

NSAKU est, somme toute, ce que les Koôngo appellent eux-mêmes, MIANZI MIA TSI ou MIANZI MIA KOÔNGO, c’est-à-dire, cette haute autorité qui porte en elle les fondements mêmes de la royauté ou du royaume.

NSAKU est, peut-on dire, l’expression de la conscience nationale Koôngo.

C’est pour cette raison que, Maani Nsaku Ne Vunda fut probablement au premier plan parmi les autorités Koôngo à abattre pour les missionnaires européens, en l’occurrence Portugais. Il constituait sans doute, selon eux, un véritable frein contre l’évangélisation du royaume et au-delà un obstacle de taille contre la traite négrière.

Pour l’illustre kongologue Raphael BATSÎKAMA ba MAMPUYA ma NDÂWLA :

« …le Vénérable, Ne Vûnda, devenait, « Ne Nsôngi wasongela bankwa yâla vana Mbazi’a Nkânga » : le régulateur qui assurait l’harmonie constitutionnelle à la Cour de Mbânza-Kôngo, ou « Sikulu dyanene diyala muna Ngôyo’a Ntinu » : le grand instrument (de musique) par lequel agit le roi…ou encore, « Ntudi watudika makânda mangani, edyândi kânda, lêmbe dya Ngo, lêmbe dya Tâta »… : celui qui se dévoue entièrement pour assurer la grandeur d’autres familles (lignages) tandis-que la sienne reste la régulatrice (la conseillère) des Autorités afin de les maintenir sur la ligne tracée par nos Pères. » [ BATSÎKAMA in « L’Ancien Royaume du Congo et les BaKongo » L’Harmattan 1999 P.185.]

A l’échelle provinciale, Maani Nsaku Ne Vunda considéré par les missionnaires européens comme l’homologue du souverain pontife, est représenté par le personnage de Kitomi qui intervient effectivement dans les nominations des chefs de provinces [ NSONDE (J.D.) in « Langues, Culture et Histoire Koongo aux XVIIième et XVIIème siècles » L’Harmattan 1995 P.124.]

D’un point de vue judiciaire, il existe dans le royaume de Ntootela une organisation tripartite des juridictions ou tribunaux. L’exercice tant pour les affaires civiles que pénales, appartient au chef du village, sauf pour des cas d’une extrême gravité qui doivent être instruits et jugés par des juges établis par le roi ou par le roi lui-même. Toute personne ayant intérêt pour agir en justice peut, pour des affaires de quelque importance, en appeler au tribunal du gouverneur ou du roi.[ Rudy Mbemba-Dya-Bô-Benazo-Mbanzulu in « Le procès de Kimpa Vita la Jeanne d’Arc congolaise » L’Harmattan 2002. P.66.]

En somme, et ce, d’un point de vue pratique, la justice royale s’exerce vis-à-vis des grands vassaux que sont les chefs de province, et en appel vis-à-vis des autres chefs.

RUDY MBEMBA-DYA-BÔ-BENAZO-MBANZULU (TAATA N’DWENGA)
Kongologue

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