Livre. Rachel Victorine Taty publie «l’Unité de production informelle et la comptabilité : Expérience du Congo»

«Le secteur informel constitue l’un des domaines les plus illustratifs et les plus symptomatiques du déphasage qui existe entre le cadre juridique et la réalité sociale en Afrique subsaharienne…au Congo-Brazzaville, dans un environnement institutionnel marqué par la faiblesse de la profession comptable, un ensemble de questions se pose quant à savoir comment obtenir des statistiques sur ce secteur en l’absence de toute comptabilité ; comment inciter les hommes et les femmes qui y travaillent à tirer un meilleur profit de leurs activités ; s’il y a un intérêt pour ces acteurs à sortir de l’informel», lit-on sur la quatrième de couverture de cette œuvre. La rédaction de starducongo a rencontré Rachel Victorine Taty.

Quelle est la quintessence de votre œuvre ?
Rachel Victorine Taty :Cet ouvrage paru en avril 2016 aux éditions Cesbc Presses dans la collection ThèmA en France, met en exergue la réalité socio-économique et institutionnelle de notre pays à partir d’un double constat.
Le premier relève des institutions internationales pour lesquelles la république du Congo ne s’aligne pas encore sur les standards internationaux qui caractérisent les pays performants ou émergents, du fait de l’environnement des affaires peu attractifs pour les investisseurs étrangers d’une part, des faiblesses relevées en matière de normes et pratiques de la comptabilité et audit des entreprises privées et parapluies d’autre part.
Le second dénote par ailleurs que l’économie congolaise qui, étatiser durant plusieurs années, a progressivement évolué à partir de 1990 vers une économie libérale dominée par le secteur pétrolier.
Il s’agit d’amener l’opérateur économique évoluant dans l’informel à migrer vers le formel, sans briser sa dynamique et sans le brutaliser. Pour le faire, il faut que les pouvoirs publics lui accordent un statut et lui dotent d’outils lui permettant d’avoir une connaissance de son activité et sortir de la situation de survie dans laquelle il se trouve actuellement.
En effet, dans le cadre de la mise en œuvre des mesures qui seraient prises par l’Etat, il reviendra aux professionnels de la comptabilité de faire l’accompagnement des acteurs de l’informel par le biais d’un conseil et une assistance.

Quelle est la particularité de votre source d’inspiration ?
Rachel Victorine Taty
: Je m’appuie sur trois piliers, à savoir, le Congo, l’Afrique et le monde. Mais c’est le Congo qui est mon terrain de prédilection et mon quotidien et qui vient avant tout. J’ai également pu mettre à profit mes voyages à travers le monde et le temps passé en Afrique de l’Ouest. Lorsque je fais une espèce de comparaison, je me rends compte que ce phénomène est plus fort en Afrique subsaharienne et particulièrement au Congo où nous vivons cette réalité.
Nous remarquons aussi que l’économie est plus marquée par ces petits opérateurs économiques et on affirme que le taux de chômage est élevé au Congo. Ce qui est faux. Une personne n’est au chômage que lorsqu’elle est totalement inactive alors qu’un grand nombre de congolais, du plus jeune à celui d’un certain âge, travaille tous les jours.

Qui est concerné par votre livre et quel rôle devra-t-il jouer auprès des pouvoirs publics et des lecteurs ?
Rachel Victorine Taty :
Le livre concerne le ministère des affaires sociales ; le ministère des petites et moyennes entreprises et surtout ceux en charge du commerce et de l’industrie. Il devrait être leur outil de travail, un véritable livre de chevet parce qu’il répond à des préoccupations socioéconomiques et juridiques. Le ministère des affaires sociales devrait pendre ce problème à bras le corps. Il ne faut pas que les gens se complaisent à cette situation en pensant qu’elle ne peut pas évoluer. C’est un sérieux problème économique et comme on le dit, je peux me tromper, que l’économie informelle retarde de 70 à 90% les activités des opérateurs économiques.
C’est la raison pour laquelle j’affirme que ce livre est un outil très important pour le gouvernement et surtout avec le programme du gouvernement que vient de dérouler le Premier ministre.
Il est à noter qu’une grande partie des acteurs du secteur informel évolue dans la précarité du fait du non suivi économique de leurs activités. Quelques opérateurs qui y œuvrent, il faut le reconnaître, connaissent une prospérité et jouiraient d’une meilleure croissance avec les pratiques comptables.
Pour la profession comptable, ce secteur se présente comme un marché potentiel qui ne donnerait de la matière aux experts comptables du fait de l’élargissement du portefeuille tant en nombre de clients qu’en terme de missions qui seraient de facto diversifié.
En outre, au niveau institutionnel, ce travail contribuerait à réduire l’opacité du secteur informel du fait de l’absence des statistiques.

Comment pensez-vous convaincre les opérateurs économiques à s’approprier ce livre ?
Rachel Victorine Taty
:Je précise que ce livre n’est pas destiné aux opérateurs économiques mais aux pouvoirs publics, aux professionnels de la comptabilité, aux décideurs parce qu’ils ont la charge d’accompagner les opérateurs informels. Il sied de souligner qu’il y a des intellectuels parmi les opérateurs économiques. Ce n’est pas un travail théorique, c’est un travail de terrain. Les étudiants sont également concernés par cette publication.

Quel est son apport supplémentaire pour le monde comptable dans ce cas ?
Rachel Victorine Taty
:Je pense que ce n’est pas un livre de trop. J’estime que si la comptabilité était applicable chez ces informels, ils la feraient. Tout ce qu’on leur demande, c’est de tenir leurs comptes. L’intérêt pour les professionnels de la comptabilité, c’est de se tourner vers ce public qui, selon leur particularité – peintres, vendeurs, cordonniers et autres – doit apprendre une manière spécifique de présentation légère et simplifiée de leurs comptes, qui n’entre pas dans le système reconnu par l’Ohada.
Ce livre répond à un besoin, à la réalité socioéconomique actuelle. Dans la pratique, nous allons découvrir des choses qu’on ne connaissait pas. Il sera publié en plusieurs versions évoluées.
Il y a aussi la parafiscalité qui est un sérieux problème et il faut un ouvrage spécifique pour cela.

Propos recueillis par Florent Sogni Zaou

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«L’Unité de production informelle et la comptabilité : Expérience du Congo» de Victorine Rachel Taty est un ouvrage de 130 pages, réparti en deux volets avec deux chapitres chacun.
Le premier volet, en une prise de connaissance du contexte général du secteur informel. Elle y identifie tout d’abord le secteur informel. Puis, à partir d’un échantillon d’acteurs de ce secteur, elle recense les difficultés relatives à la tenue de la comptabilité.
Cette prise de connaissance documentaire et pratique conduit l’auteur dans le deuxième volet à la distinction des activités du secteur informel structurable jusqu’aux mécanismes à mettre en œuvre pour leur traçabilité. L’auteur termine par l’appréciation des impacts des résultats de cette réflexion sur le plan comptable et institutionnel. Il est vendu à la librairie Les Dépêches de Brazzaville et à la Librairie de l’indépendance non loin de l’ambassade de la RDC.
Victorine Rachel Taty est diplômée de 3ème cycle de finance et expert-comptable agréée CEMAC. Elle a fait carrière en cabinet audit et conseil, avant d’évoluer en entreprise comme manager en finance et comptabilité.
Intervenant en milieu associatif et auprès des micro-entreprises et des PME, elle a acquis une solide expérience en accompagnement individuel et collectif des opérateurs économiques. Elle œuvre depuis 2013 pour la réduction du secteur informel et déploie, en même temps, auprès des pouvoirs publics, un plaidoyer pour l’adoption de mesures institutionnelles destinées à favoriser l’évolution des acteurs du secteur informel vers le secteur formel.

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