Livre/Interview : Djaïli Amadou Amal : «Je fais surtout une littérature engagée».

Camerounaise venue à Dakar à l’occasion de la 25ème édition de la Journée Internationale de l’écrivain africain et auteure de trois romans, « Walaande » (l’art de partager un mari) publié en 2010; « Mistiriijo », (La mangeuse d’âmes) en 2013 et le troisième, « Munyal » (les larmes de la patience), Mme Djaïli Amadou Amal s’est confiée à pagesafrik.info. Pagesafrik.info: Une brève présentation à nos lecteurs ?

Sans problème. Je suis Djaïli Amadou Amal, je suis une écrivaine camerounaise.

Combien de titres avez-vous publié pour prétendre que vous êtes une écrivaine ?

Ah oui. J’ai déjà publié trois titres. Le premier, « Walaande », (L’art de partager un mari) publié en 2010 et est récipiendaire d’un prix ; le second est « Mistiriijo », (La mangeuse d’âmes) en 2013 et le troisième, « Munyal » (Les larmes de la patience) qui vient de paraître et qui traite des violences conjugales. Le premier roman est en coédition avec une maison d’édition basée en Côte-d’Ivoire et par une maison d’édition sénégalaise afin de faciliter une meilleure circulation en Afrique.

Pourquoi ne vous intéressez-vous qu’au roman ?

Non, ce n’est pas que les autres genres ne m’attirent pas mais je fais surtout une littérature engagée. Le roman est pour moi l’expression que j’ai jugée plus appropriée et plus confortable. Je ne dis pas que je ne pourrai pas un jour m’essayer à la poésie, aux nouvelles ou à une pièce de théâtre mais ce que j’ai à dire, je le dis mieux à travers le roman.

Comment êtes-vous arrivée dans le monde de l’écriture ?

Il faut dire que je suis du nord du Cameroun qui est une région avec une culture islamique, et c’est de là que je puise mon inspiration. Très jeune, j’ai remarqué toute la problématique de la condition des femmes dans le Sahel et j’en ai été plus ou moins touchée, les questions de l’éducation et du mariage précoce de la jeune fille. Je dis en passant que j’en suis une des victimes. Il y a aussi les questions de la polygamie et les violences dans le couple. Et je me suis dit que je pouvais dénoncer tous ces maux qui minent la société à travers la plume.

Je suis la première femme qui a osé prendre la parole sur ces problématiques dans le Grand nord où la littérature féminine est totalement absente. Il y a tellement de choses sur ces sujets. Dans ce cas, je peux servir d’inspiration pour les autres jeunes filles et mieux, servir de modèle, et porter haut, non pas seulement la littérature du grand nord mais pour la littérature camerounaise en général.

Quelle a été la réaction de la société quant à savoir que vous êtes la première femme à oser prendre la parole sur ce sujet ?

Je crois que j’ai eu de la chance que le gouvernement ait vite perçu le sens de mon combat et ait rapidement adhéré à l’idée et jugé utile de me protéger. Le retour d’ascenseur a été positif, nous sensibilisons davantage les femmes et les filles. J’encourage de plus en plus par l’écriture et je dis ce qui est interdit. Du fait de la protection gouvernementale, je me sens en sécurité dans mon pays et dans le grand nord. Je pense que le plus important est que le message soit perçu positivement.

Quelle a été la réaction des femmes quand on sait que ce sont les femmes qui infligent des sévices aux femmes ? Ne se sont-elles pas senties trahies par cette dénonciation ?

Vous savez qu’on est plus prisonnier de sa tête. Un prisonnier a du mal à se libérer de son oppresseur. J’ai rencontré énormément de femmes qui m’ont encouragé, surtout les jeunes. Il y a des femmes adultes qui s’accrochent encore à leur façon de vivre même si c’est une vie qui leur cause beaucoup de problèmes. Vous ne pouvez pas vous imaginer que ce sont les femmes qui perpétuent le mariage précoce et l’excision. Il s’agit de dénoncer tout doucement, d’aider les femmes à se libérer, non seulement du joug de l’homme mais également de celui qu’il y a dans sa tête.

Comment s’est passé le contrat avec l’éditeur pour parler de votre premier roman vendu à plus de 10 000 exemplaires ?

Les relations avec la maison d’édition tenue par François Kellé avec qui je continue à travailler, sont d’abord des relations amicales et de confiance. C’est ce qui fait défaut en Afrique. La confiance. On ne choisit pas son éditeur au hasard, on le choisit selon la confiance qui existe entre l’auteur et l’éditeur. En ce qui me concerne, je n’ai pas connu de revers du côté de l’édition. Je n’ai pas envoyé mon tapuscrit en Europe, je n’ai pas estimé que pour être éditée, il faut à tous prix passer par la France par exemple.

Je pense que le message que je porte est d’abord destiné aux camerounais, aux femmes de ce pays et aux femmes peules du Cameroun. Ce sont les conditions sociales des femmes du grand nord du Cameroun que je décris. Le roman est disponible au pays parce qu’il est édité au pays, il coûte moins cher et à la portée du camerounais moyen.

François, ceux qui me soutiennent et moi, avons établi une vraie relation autour du livre. Il y a des émissions radiodiffusées, des conférences, des rencontres, c’est cela qui fait parler du roman, en dehors du sujet pertinent. Le sujet de la polygamie interpelle toujours.

Et la circulation du livre ?

C’est un autre sujet. Si des éditeurs de différents pays se donnaient pour objectif de coéditer un livre, je pense que ce serait une occasion pour que le livre soit partout.

Et les droits d’auteurs qui sont un autre goulot d’étranglement ?

Les droits d’auteurs sont à deux niveaux. Il y a les droits entre mon éditeur et moi, je n’ai absolument aucun problème avec François. Je peux l’appeler pour dire un besoin, il n’y a pas de problème. Les écritures suivent. Pour le moment, rien ne peut me faire douter de la bonne foi de mon éditeur. La situation est plus difficile avec les droits voisins.

Propos recueillis par Florent Sogni Zaou

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