Un récit qui se présente comme une longue lettre que le héros adresse à sa mère resté au pays alors qu’il est en train de poursuivre ses études universitaires en France. Reçu avec ses compagnons du voyage Brazzaville-Paris par son cousin qui est logé du côté de la mairie des Lilas, Ndinga se confronte tout de suite à la dureté de la vie de Paris. Ils vivent à onze dans un petit studio. Dans cette ville qui lui fait découvrir ses réalités, le jeune homme va habiter plusieurs endroits tout en partageant son quotidien entre l’université, les bibliothèques de Paris et quelques entreprises où il s’est adonné aux petits boulots. Il a besoin d’argent pour mener à bien sa vie d’étudiant. Après son bref séjour du côté des Lilas où le héros et ses compagnons de fortune sont expulsés du studio par son propriétaire à cause du loyer non payé par son cousin, le voilà à Colombes dans le 92. Dans cette nouvelle habitation, il cohabite avec douze compatriotes ayant des activités extra-universitaires, des hommes et des femmes qui vont très tôt dans Paris pour le travail. Comme les autres, le héros est obligé de chercher du travail, malgré son statut d’étudiant, pour payer ses droits universitaires. Il est valet de chambre dans un hôtel à Issy-les-Moulineaux. Il quitte cet hôtel avant la fin du contrat car accusé malencontreusement par une femme qui travaille dans le même hôtel et qui pratique le plus vieux métier du monde. Elle l’accuse d’avoir volé ses papiers qu’elle avait oubliés dans un bordel du quartier Barbès. Dans son groupe, ils ne sont que deux qui vont à l’université pendant que les autres sont accaparés par le « métro-boulot-dodo ». Lui, est obligé de faire des petits boulots pour survivre tout en étudiant et en changeant de domicile. Gardien dans une entreprise à Malakoff, ses mésaventures continuent car il quitte la chambre de son logeur en partance pour Brazzaville : le domicile est perquisitionné par la police à son absence. Il passe six jours dans un hôtel d’urgence avant d’être logé par son cousin Fidèle. Après son séjour chez ce dernier, il loue enfin sa propre chambre. Malgré toutes les turpitudes de la vie d’un étudiant sans bourse à Paris, il réussit à son diplôme de doctorat ; aussi pense-t-il rentrer au pays et retrouver sa mère qu’il aime tant, après avoir travaillé dans une entreprise d’outils informatiques pour préparer son voyage. Maman je reviens bientôt est un récit où la vie du héros se dilue dans Paris avec tous ses problèmes d’intégration.
Paris intramuros : heurs et malheurs d’un étudiant congolais
Dès son arrivé à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle à Paris, Ndinga découvre cette France paradisiaque qu’il a connue à travers les livres d’histoire et de géographie. Dans cette ville mythique de Paris où les conditions culturelles sont réunies pour réussir dans ses études universitaires, le héros est heureux de partager son temps entre les bibliothèques et les quelques vacations qui lui permettent d’avoir un peu d’argent. Tout au long de son séjour parisien, il ne cesse de penser à sa chère maman à qui il confie ses heurs et malheurs. Décidé à réussir à son diplôme, Ndinga se désolidarise de quelques parents qu’il a rencontrés à Paris et qui, d’après lui, ont un comportement indigne. Aussi s’accroche-t-il aux hommes de culture : « Il est vrai (…) que je vis de plus en plus en retrait (…) des ressortissants du village de mon défunt père par ce que je juge leur comportement indigne (…). Ainsi, je me suis choisi une autre catégorie de famille : les hommes de culture » (p.21). C’est dans les lectures des grands auteurs qu’il découvre dans les librairies et bibliothèques qu’il se sent heureux.
Mais Paris intramuros pour un étudiant sans bourse est un chemin de croix et notre héros ne peut que subir les turpitudes de Paris. Les difficultés de se loger convenablement dès son arrivée à Paris sont les premières réalités de la vie en France pour le héros : « Lorsque la nuit tomba, nous étalions par terre des matelas (…). Nous étions au total onze personnes à occuper ce studio (…) dont cinq femmes, six hommes (…) sur des matelas couchées comme des sardines enserrées dans des boîtes » (p.38). Cette indésirable cohabitation continue à l’accompagner à Colombes où l’emmène son cousin après les incidents du côté des Lilas pour non paiement de loyer : « Ce fut une nuit agitée (…). Nous fûmes comme des sardines marocaines dans une boîte empilées et personne ne put se retourner cette nuit-là » (p.51). Tout au long de son séjour, Ndinga, malgré quelques « agréables » moments qu’il passe au cours de ses recherches dans les bibliothèques et les auteurs qu’il affectionne, est plus marqué par la dureté de la vie d’étudiant à Paris, surtout quand il est sans bourse. Pour survivre et mener à bien ses études, il exerce plusieurs petits métiers : valet de chambre dans un hôtel, vacation de gardiennage, travaille comme enquêteur à la SNCF/RATP. Il est, quelque temps après malgré son diplôme de docteur, ouvrier dans une entreprise d’outils informatiques. Aussi va-t-il affronter famine et maladie au cours de ces moments.
La vie de l’immigré dans Maman je reviens bientôt
Au cours de son séjour d’étude en France, le héros découvre les souffrances qu’endurent les travailleurs immigrés. Déjà à Colombes, il réalise la dureté du travail dans Paris à travers le comportement des jeunes filles avec lesquelles il partage le studio : « (…) je les revois partir dès l’aube dans Paris où elles travaillaient temporairement comme femmes de chambre dans les hôtels, un travail ingrat et pénible qui leur causait des maux de dos et des contusions au niveau des genoux » (p.52). Cette situation de pénibilité dans le travail chez les immigrés à Paris va accompagner le quotidien du héros au cours de sa vie d’étudiant. Aussi, l’auteur révèle une spécificité ambivalente chez certains travailleurs maghrébins et noirs : « c’est la guerre d’hégémonie entre eux : les Maghrébins se croient supérieurs aux Noirs parce qu’ils sont le prototype de l’homme blanc et les Noirs, quant à eux, ne se sont jamais sentis inférieurs aux Maghrébins qu’ils considèrent comme des Blancs sans blancheur » (p.118). Devant cette réalité de la société française et s’étant confronté à la dureté du séjour d’un étudiant qui a réussi à son diplôme après moult sacrifices, Ndinga se montre patriote car décide de rentrer au pays pour servir son peuple.
Ndinga : le patriotisme d’un jeune Congolais
C’est un étudiant qui s’est confronté à la culture d’un pays de démocratie. Il est venu à Paris après la guerre de juin 1997, triste événement qui lui revient au cours d’une conversation avec son ami Charles : « Il [Charles] observait plus qu’il ne parlait contrairement à moi qui l’ouvrais à toutes les occasions en parlant de Cobras, Ninjas, Zoulous, Faucons, Requins, Nsiloulous, et Aubevillois » (p.122). Il révèle à sa maman l’hospitalité de la France malgré quelques sentiments de racisme qu’on y éprouve. Il a constaté que, contrairement à son pays, les clandestins appelés couramment « sans papier » » sont soignés gratuitement quand ils sont malades au détriment du contribuable français : « La France est une terre d’asile (…) avec la mise à disposition de l’AME qui est un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins » (p.106). Devant cette générosité, Ndinga ne comprend pas l’égoïsme du politique africain incapable d’aimer et d’aider son semblable. Le Congo, dans ce roman, est présenté comme un pays mal géré où ceux qui ont acheté leurs vrais faux diplômes à Château-Rouge font la loi comme l’avocat Philémon à Pointe-Noire et Basile le docteur en philosophie à l’université Marien Ngouabi. Aussi, le héros rentre au pays par amour de celui-ci : « C’est uniquement par patriotisme (…) et par souci de la nouvelle génération dépourvue de tout repère que je rentre » (p.138).
L’autobiographie auprès du référentiel congolais
Dans ce récit épistolaire, on remarque que le patronyme de l’auteur-écrivain [Ndinga] se confond avec celui du narrateur dans un univers réaliste parisien et congolais. Ce texte peut être considéré comme quelques pages d’un journal intime que rédige l’auteur-narrateur tout au long de son séjour parisien. Il nous rappelle que c’est un Ndinga au cours d’une garde à vue dans un commissariat de police quand la femme de l’hôtel l’avait accusé de vol : « Je (…) murmurai quelques mots en guise prière à mon défunt père : c’est à ces signes qu’on reconnait toujours un fils de notable, un Ndinga. L’OPJ ne cessa de me présenter ses excuses au moment où j’avais les pieds croisés comme l’exige la tradition des Ndinga » (p.57). Se découvre alors dans cette longue lettre le tableau pathétique d’une société congolaise malade où l’université a perdu ses lettres de noblesse : « Pourquoi propose-t-on des contrats de vacation aux docteurs à la recherche du travail au moment où l’université Marien Ngouabi se meurt faute d’enseignants ? » (p.139).
Maman je reviens bientôt est un récit polyphonique car traitant plusieurs thématiques à la fois sans pour autant bousculer la logique de son coulé narratif. Le texte d’ Itoua-Ndinga se nourrit de son vécu quotidien où se révèle grandement son amour pour sa mère. C’est un roman autobiographique dans lequel la dimension référentielle, avec les toponymies de Paris et de Brazzaville, prend le dessus sur la littérale qui se fonde sur la technique du roman épistolaire.
Itoua-Ndinga, Maman je reviens bientôt, éd. Paari/éd. du Net, 2014