L’une des particularités de l’ouvrage de la romancière Laura Kutika, « A nos actes manqués », qui vient d’être publié aux éditions Edilivre, est celle d’avoir une première de couverture très expressive. Et une fois qu’on ouvre ce livre, c’est parti ! « Je n’aurais pas dû épouser cet homme, ça m’aurait épargné cette méchanceté gratuite. Je n’aurais pas pris ce crédit, je ne serais pas aujourd’hui dans ce pétrin…Je n’aurais pas offert un toit à ma copine qui était dans la merde, mon mari ne serait pas parti avec elle. Je ne serais pas sortie avec ce musicien, je n’aurais pas attrapé le sida..Il y a des erreurs qui se réparent facilement, d’autres non ».
Pourquoi je n’arrivais pas à oublier mes pires erreurs ?
Le temps est donc aux regrets que quiconque pourrait exprimer à un moment donné de son existence. C’est le cas de Pétroza qui a « pété les plombs » alors qu’elle vient d’avoir soixante ans et que jadis, adolescente, elle arriva à Paris en provenance de Kinshasa. Assise sur un banc de l’hôpital psychiatrique de Villejuif, elle se lance dans un flash-back de sa vie, comme chacun d’entre nous le ferait. « Je repasse en boucle ma jeunesse…Une jeunesse qui ne reviendra plus. Une jeunesse que j’aimerais tant changer, corriger ou même retoucher, mais zut ! Tout est consommé, plus de marche arrière », narre l’héroïne à la page 8. Elle qui plus loin, va se poser des questions existentielles : « Pourquoi ce choix du destin ? C’est quoi au juste, mon but sur cette terre ?
Qui pouvait bien être l’auteur de mes malheurs ?
De fil en aiguille, dans cette fiction bien détaillée, on découvre une lâche Pétroza qui rejette d’abord la responsabilité du gâchis de sa vie sur son sexe qu’elle appelle Moumoune. Au point de se désolidariser de ce dernier. Puis, dans une fuite en avant, feignant de reconnaître ses torts, elle l’accuse : « La vie ne m’a jamais forcée à prendre le chemin que j’ai choisi…Comment pouvais-je écouter ma conscience, avec toutes les pressions que me mettait Moumoune ?…Et j’ai vite compris que Moumoune et moi avions contribué à la destruction de notre vie » (chap 1).
L’Europe a des opportunités…mais ce n’est pas un paradis
Elle nous conte sa vie tumultueuse et pleine de regrets, surtout avec l’abandon de son fils à la naissance devant la ferme d’un couple de quinquagénaires blancs en Bourgogne, à Sémur-en-Auxois. En périphérie de cette erreur dramatique, ce beau texte à la portée de tous parle de sujets essentiels. Sont abordés : les difficultés qui entourent la vie en Europe ; le malaise du retour des mikilistes au pays, ces vacanciers qui vont pour narguer les compatriotes restés au Congo et s’offrir toutes sortes de femmes ; la misère qui plonge la population dans le désespoir…
On ne voit que le présent et on ne pense même pas à l’avenir
Après son magnifique roman, « Seule face au destin », également publié par les éditions Edilivre, l’écrivaine, scénariste et metteur en scène, Laura Kutika, nous livre un opus plein d’enseignements. C’est à dix huit ans que le personnage principal tombe donc enceinte de son copain Chris, avec lequel « elle passait de bons moments et s’enivrait d’amour » (page 32). Étant dans une situation précaire, ils abandonnent celui qu’elle nomme le petit Chris après un accouchement clandestin. « Je venais d’abandonner mon sang, mon bébé que j’avais eu ce 20 juin 1998…Ah ! La vie ! Quand on est jeune, on danse, on rit, on collectionne des bêtises », peut-on lire à la page 44.
La vie c’est sacré, c’est précieux
Chris meurt à 25 ans dans un accident de la route. « Il avait emporté tous nos projets et une partie de moi avec lui », confie la mère de son enfant (page 49). Seule désormais, elle veut retrouver son fils. Mais comment ? Elle n’a jamais rencontré le couple qui avait ramassé l’enfant et qui a d’ailleurs déménagé depuis deux ans. C’est alors qu’aidée par sa complice et amie Davina, elle va partir à la recherche du petit Chris derrière les collines de Montbard, près de Dijon…
Avec tant d’amour à revendre, qu’on tire un trait sur le passé
Au moment où la narratrice va sortir de l’hôpital psychiatrique après deux mois et que le récit de ses quarante ans de recherches vaines touche à sa fin, François, l’infirmier qui s’est occupé d’elle durant son séjour l’accompagne à sa sortie. Sur le chemin, ce dernier lui raconte la triste histoire de sa vie qui débute lorsque ses parents, qu’il n’a jamais connu, l’abandonnent devant une ferme habitée par un couple de blancs…Pétroza parvient enfin « au bout de ses rêves » comme le dit si bien la chanson de Jean-Jacques Goldman. Après avoir tréssalli de tout son être, répondant à François qui ressemble au défunt père du petit Chris, à la page 92 du neuvième et dernier chapitre, elle a ces mots à la bouche : « Non, François…Tu es un ange, un cadeau du ciel pour moi. Le destin nous a réunis et ce n’est pas un hasard…Donne-moi juste cette chance de devenir une mère pour toi… ».
« A nos actes manqués », roman de Laura Kutika, lauraguliamo@voila.fr, éditions Edilivre, 92 pages, 11,50 euros.