S’inspirant de sa carrière professionnelle, Rénaud Kouoma Kobi nous présente là un récit aux allures banales dans le dénouement de l’intrigue, mais qui semble délicat sur le plan moral, une conscientisation nette de l’homme des armes aussi bien de tout homme dans le maintien des relations avec autrui. L’histoire du roman obéit à deux mouvements : la jeunesse difficile du personnage principal aux côtés de sa mère et son accession à une vie plus glorieuse jusqu’à connaître une aventure malheureuse dont il sera la principale cause.
- la construction du destin
L’ouvrage s’ouvre par cette scène du refus de la mère de Ninga de se rendre au village avec son mari pour des raisons socio-économiques. Toutes les aventures qui s’ensuivront, seront les conséquences directes de ce refus. Après une lueur d’espoir due à leur bref passage au foyer de sa sœur, la mère de Ninga ainsi que ses enfants seront condamnés à vivre des moments très misérables. De cette misère, Ninga sera contraint d’arrêter ses études pour se lancer dans la recherche d’une vie un peu stable en vue de répondre aux situations socio-économiques qui s’imposent à eux. Voilà une famille abandonnée à elle-même, mais qui jusque-là ne perd pas espoir. Grâce aux conseils de l’un de ses amis, le personnage principal va finalement se lancer dans la pêche, ce qui va le permettre d’aider sa petite famille et de retrouver le peu de sourire perdu. Gagné par l’idée de poursuivre ses études plus tard, il finira par s’accrocher malgré les turpitudes de l’existence et restera aux yeux de tous un modèle d’enfant brave. Bien après, il sauvera de la noyade l’enfant d’un militaire au grade de capitaine, ce qui le permit d’écrire à nouveau les pages de son histoire. Voilà comment par reconnaissance, ce capitaine des forces armées, le fera recruter à l’armée. Et de ce recrutement, Ninga se fera remarquer par son engouement et sa responsabilité au travail, jusqu’au point d’être employé comme garde d’un homme très riche de la ville.
Dans ce premier mouvement du récit, le narrateur nous présente un personnage dont le souci maternel finit par réveiller une certaine bravoure. Le personnage principal reste attaché aux valeurs morales, ce qui d’ailleurs permettra son élévation sociale.
- Des devoirs aux déboires civils : la chute
Le titre même du roman se justifie par l’ambivalence du personnage central, une ambivalence qui traduit le caractère insaisissable de l’être humain, d’un moment à un autre, d’un lieu à un autre. Après une réussite sociale grâce à sa compétence et sa déférence, Ninga en étant accepté par tous accepte personnellement d’accomplir certains devoirs qui s’imposent à lui. La discipline qui le caractérise en ses premières années à l’armée au grade de « caporal-chef », l’emmène à gagner la confiance de son chef grâce auquel il va intégrer un autre mode de vie jusqu’’à se faire gendre de ce dernier.
L’autre versant ici, celui des « déboires civils », se lit à travers cette métamorphose du personnage, qui décevra tout le monde, surtout sa mère sur son caractère perméable. Le « caporal-chef » qui aura attiré l’admiration de tous, va répondre aux besoins charnels sans mesurer les conséquences d’une telle entreprise sentimentale. En réalité, à partir du moment où il accepte cette relation avec la fille de son chef, il se devait incontestablement respecter son engagement marital et surtout de perdre de vue à son passé. L’amour sur fond d’infidélité devient la cause de sa chute, puisque cette relation avec la servante ne sera qu’éphémère et basée sur les intérêts égoïstes.
Ce premier roman de Rénaud Kouoma Kobi développe dans un premier temps la question de l’espoir. Mais un espoir reposant sur la bravoure, l’idée d’une combattivité énorme. On voit que le personnage principal est contraint de devenir pêcheur dans le grand souci d’aider sa famille. La fermeté dans ses convictions, ainsi que l’espoir toujours renouvelé lui ont permis de braver les étapes les plus difficiles de sa vie jusqu’à se construire un destin radieux. Dans le second sens, l’auteur pose la problématique de la femme comme le centre de toutes les perditions, animée par un esprit destructeur au point de constituer en elle-même le point de chute de toute l’humanité. Malgré son éthique et surtout en reconnaissance de tout ce qu’on lui aurait fait pour atteindre ce niveau de gloire, Ninga finira par trahir sa propre conscience et décourager tous ceux qui pouvaient l’admirer, en succombant au charme d’une servante pendant qu’il serait en séjour de noces dans un hôtel brésilien. Ce qui traduit un esprit d’irresponsabilité, de trahison et d’ingratitude de sa part.
Rosin Loemba
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[1] Rénaud Kouoma Kobi Caporal-chef ! Mes devoirs et mes déboires civils, Brazzaville, L’Harmattan-Congo, 2015, 80p.