Une série de onze nouvelles qui, en dehors de la dernière qui apparait atypique, s’interpellent les unes les autres. On peut y remarquer une isotopie qui pourrait signifier quelques vécus quotidiens de l’auteure. Les textes de L’aveu se fondent sur les réalités congolaises qui reviennent sans cesse à travers les aventures des héroïnes. Les relations affectives entre la mère et l’enfant, le milieu hospitalier, l’idylle que vivent certaines héroïnes souvent anonymes, tels sont les principaux centres d’intérêts que l’on peut découvrir dans ce recueil de nouvelles.Mère et enfant : de l’amour à la haine
Dans L’aveu, se remarque une relation mère-enfant qui donne une autre signification à l’amour maternel. Aussi, pour la survie de son enfant, l’héroïne dans « Torture » affronte et les hommes en armes qui ont investi le quartier pour aller récupérer ses enfants restés seuls à la maison : Amour et Emeraude. Dans cette ville où les hommes politiques se battent à travers leurs milices, les femmes bravent tous les dangers pour la survie de leurs enfants. Si l’héroïne n’est pas grandement inquiétée pour Amour et Emeraude, tel n’est pas le cas d’une autre femme qui a aussi fui l’enfer de la ville avec son enfant et qui ne peut rien faire devant la menace et la brutalité des hommes en armes. Elle préfère mourir à la place de son enfant : « S’il vous plait, c’est une enfant. Ne lui fais pas du mal ! Tuez-moi si vous le voulez, mais laissez-lui la vie sauve » (p.14). Mais c’est avec compassion de la femme va assister impuissante au martyre de son enfant : « C’est ainsi que l’un d‘eux (…) la poussa violemment contre le mur. (…) s’en suivit un bruit sec au contact de sa boîte crânienne avec le tableau et celle-ci s’écroula, baignant dans une flaque de sang » (p.17).
Pendant ces pénibles moments, les femmes, pour l’amour de leurs enfants, expriment un courage exceptionnel. Devant sa fille qui a subi la loi des armes, la mère reçoit une balle dans la jambe en voulant aller pleurer son enfant baigné dans le sang. Et cela va traumatiser l’héroïne en pensant combien elle aime ses deux enfants qui par hasard du destin auraient subi le même sort. L’amour de la femme pour son enfant devant le danger se remarque aussi dans « Retours » où l’héroïne subit la méchanceté de sa famille maternelle après la mort de sa mère. Et la mort de sa mère révèle le merveilleux dans ce texte : cette dernière revient pour sauver sa fille menacée par son oncle considéré comme le sorcier de la famille. C’est avec difficulté que l’enfant sera à son tour, mère, à la grande surprise de sa famille, une surprise réalisée par sa défunte mère : « Retiens ceci, ils ont une idée du mois de l’accouchement et ont prévu de surprendre ton mari (…). Aussi ton enfant naîtra avant terme et ce sera une surprise pour eux » (p.89). Mais cet amour de la femme pour l’enfant prend un sens contraire pour se transformer en haine dans « Regrets » à travers la souffrance de l’héroïne qui subit le courroux de sa mère pour être née fille. Elle se souvient tristement de son calvaire de la part de ses parents, étant la cinquième fille de ses parents qui souhaitaient et attendaient un garçon à sa place.
Heureusement que la haine de la mère sera comblée par l’amour de sa tante qui la prend avec elle, compte tenu de la violence de ses parents : « Ce jour-là [ma tante] me conduisit aux urgences chirurgicales. (…). Ce fut un soulagement pour l’enfant maltraité que j’étais » (p.24). Traumatisée, l’enfant sera aux bons soins de sa tante jusqu’à sa réussite scolaire et professionnelle quand elle réussit à son diplôme d’infirmière d’Etat. L’instinct maternel, c’est aussi l’attention de la mère de Patrick dans la troisième nouvelle.
Le milieu hospitalier dans quelques textes de L’aveu
La majorité des personnages de L’aveu reflète une partie de la vie de l’auteure quand on se réfère à la présentation de celle-ci sur la quatrième de couverture de l’ouvrage : « Elle étudie (…) en Russie en formation de médecine générale ». Aussi, dans les récits à narration autodiégétique, se révèle dans la fiction une confusion du je-narré avec le je-narrant. Dans « Regrets », l’héroïne est une infirmière d’Etat. Dans « Patrick », l’héroïne principale s’avère être le docteur Thérèse qui s’occupe du petit Patrick. Dans « Pityriasis versicolor », l’héroïne sera soignée par un médecin dermatologue sur initiative de son grand-père car son père et sa mère ayant été trompés par la médecine dite traditionnelle : « J’avoue que vous avez trainé avant de venir en consultation. Votre petite-fille est touchée par le Pityriasis versicolor » (p.43).
Dans « La maison de la vallée », Léa Pambou, une infirmière, tombe amoureux d’un jeune professeur d’anglais. Le milieu hospitalier, c’est aussi l’univers de « L’expulsé » dans lequel vit la jeune anesthésiste Alice qui attend un enfant et qui sera conduite aux urgences par son mari au moment où elle sent des malaises. Dans « Âmes sœurs » se révèle un triste souvenir d’une femme fauchée accidentellement par un médecin et qui sera conduite à l’hôpital qu’elle découvrira pour la première fois : « Déjà, on m’avait immobilisée et placée sur une civière. Le masque à oxygène, une voie d’abord, avec une perfusion de Gelofusine. (…). Là, j’étais convaincue que j’étais vraiment touchée, car jamais, je n’avais été hospitalisée » (p.71).
Quelques aventures idylliques dans L’aveu
Certaines nouvelles de l’ouvrage nous révèlent des liaisons amoureuses entre l’homme et la femme. Nous avons dans « La maison de la vallée », une femme et deux hommes qui se trouvent au carrefour de l’amour. Trompée par Ernest qui s’est présenté à elle comme célibataire, et qu’elle aime, Léa découvre la perfidie de l’homme quand elle se voit agressée par la femme de ce denier : « Voleuse de mari (…), tu n’as pas trouvé qui ensorceler et tu as décidé de suivre le mien. (…). Je vais te donner une bonne leçon » (p.55).
Heureusement pour Léa, la triste image d’Ernest sera remplacée plus tard par celle d’Yves qui sera son mari : « Elle conçut trois mois après le mariage (…). Ils vivaient comme deux tourtereaux » (p.58). Et la rencontre d’une femme avec un homme qui se termine agréablement par une idylle est aussi notifiée dans « Jacob ». Au cours d’une conférence de missionnaires, l’héroïne semble être attirée par un collègue : « Sur le chemin de retour à l’hôtel, je pensai à ce missionnaire (…) qui s’était assis près de moi au petit déjeuner » (p.98). Aussi, nous ne sommes pas surpris quand les sentiments réciproques des deux amoureux vont s’extérioriser comme nous le constatons dans cette déclaration de l’héroïne : « (…) nous sentîmes envahis par cette envie enivrante de découvrir la douceur des lèvres de chacun (…). Les doigts commencèrent à explorer le relief de nos corps » (p.100). Mais cette idylle que vit l’héroïne dans « Jacob », se transforme en un enfer dans le texte éponyme « L’aveu » à travers la triste confession d’une mère à sa fille. Une vie conjugale ratée car fondée sur des réalités rétrogrades des coutumes africaines. Une vie de femme malheureuse au foyer, partagée entre son mari et son amant Ben. Une vie malheureuse de femme qui croupit en prison pour avoir tué accidentellement son mari. Et contrairement à ce qu’elle croit, la fille, par la confession de sa mère, comprend le secret caché par cette dernière, le nom de son véritable père, l’amant de sa mère : « Ton père, Ben n’a pas eu la chance de fonder une famille après notre histoire. Je lui ai avoué tout récemment ton existence » (p.83).
« Aqua », une nouvelle pas comme les autres
Si les dix premiers textes s’apparentent à des récits d’aventures rapportés souvent par des héroïnes qui sont en relation avec d’autres personnages, « Aqua » se définit comme un discours où l’héroïne s’adresse à un élément de la nature, l’eau : « Ton regard éclat d’azur, ta saveur salée, ton corps pur, tes sentiments limpides, ton étendue infinie font ta particularité » (p.101). Tout au long de son discours, l’élément aquatique est présenté sous toutes ses formes (mer, fleuves et rivières), et cela, à travers quelques univers de la planète qui rappellent quelques voyages de l’héroïne. Cette eau, bien que multidimensionnelle, reste unique pour cette dernière : « Mais la forme, la puissance, la vitesse, l’endroit, la couleur ne sont pas des points de différence. Tu es une et resteras une. » (p.105). Et des « eaux » comme l’océan du côté de Conakry et de Pointe-Noire, le fleuve Congo, la Volga en Russie sont citées par l’héroïne dans son appel aquatique.
Avec L’aveu, Prestige Itsoukou nous révèle en permanence des héroïnes qui racontent leurs propres aventures dans un univers qui rappelle son terroir. Avec la maîtrise de la technique du roman que l’on a déjà découvert dans son premier livre, Un destin brisé, l’écriture de l’auteure s‘avère plus proche du roman que de la nouvelle. L’ouvrage apparaît comme une série de plusieurs micro-romans dans un macro-roman.
Noël Kodia-Ramata
(1) Presitge Itsoukou, L’aveu, éditions LC, Paris, 2018