La menace d’une crise mimétique en RDC

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TRIBUNE. Il y a crise mimétique, lorsque dans une société donnée, les gens se lancent volontairement ou involontairement dans une course d’imitation des tiers jusqu’au point de vouloir faire disparaître les différences, les interdits et les hiérarchies, laissant face à face des rivaux que rien ne peut plus départager jusqu’au point de sombrer dans la “spirale infernale” d’une violence sans limite.

Ce qui se passe entre les confessions religieuses depuis trois semaines est plus profond que le simple problème d’élection d’un candidat à la présidence de la Ceni. Après les joutes oratoires par médias interposés, l’acte posé hier à la 7ème rue à Limete par le coordinateur des églises de réveil en ordonnant des papas et mamans évêques puis un cardinal tout de pourpre vêtu avec les accoutrements quasi semblables avec ceux de ses rivaux catholiques (pourtant critiqués et vilipendés par leurs imitateurs) participe de ce processus d’imitation qui tourne à la rivalité mimétique avoisinant de l’emballement.

Dans son livre ( Je vois Satan tomber comme l’éclair), René Girard en déduit que ce mimétisme-là est porteur d’escalade de violence. Dans quel sens? Si je sais qu’autrui est semblable à moi et si je le crains, alors je m’imagine qu’il me craint également et qu’il risque de m’attaquer. J’ai donc tout intérêt à l’attaquer le premier. C’est alors que surgit la guerre de tous contre tous.

La crise mimétique suppose donc une suspension de dialogue et des négociations; une suspension des institutions, des lois, des interdits qui structurent une société. C’est une crise de rangs( chacun veut prendre la place de l’autre); une crise de distinctions ou de l’ordre différentiel (devenir coûte que coûte comme l’autre, devenir les mêmes). Ordre différentiel sur la préservation duquel reposent pourtant non seulement la stabilité, mais aussi l’existence et la coexistence même des systèmes socio-culturels.

C’est donc dans un tel contexte indifférencié où chacun veut devenir comme l’autre que la violence se propage comme par contagion.

Si l’on ne prend garde, ce mimétisme est en voie de mettre le pays tout entier au bord de l’implosion dans la mesure où la violence qu’elle a le potentiel de générer a la capacité de s’emballer et de se polariser ou de se fixer sur une victime émissaire désignée présentement si pas en l’église catholique en RDC, alors en son prélat numéro un qu’est le Cardinal. Pour ceux qui ne le savent pas, cette violence mimétique en s’emballant ne peut se calmer que dans la MISE À MORT de la victime, seule manière aux yeux de la foule mimétique pour trouver une résolution à la crise.

Au milieu de cette hystérie collective qui semble s’emparer de l’élite congolaise, la victime doit donc éviter de jouer le jeu du bourreau surtout dans l’escalade soit des quolibets soit des invectives lancées contre elle. Dans ce contexte très électrique, toute parole sortant de la bouche de la victime-émissaire ( si pleine d’appel au pardon soit-elle), pousse l’autre camp à un emballement encore plus hystérique. Toute interview dans une radio ou télévision locale met l’autre camp en transe. Pour éviter ces possessions collectives, il faut sortir du jeu de l’adversaire et passer à autre chose, laissant ainsi la vérité suivre son cours. Et cette vérité là n’a jamais été écrasée par personne dans le passé. Elle ne le sera guère dans le présent ni dans le futur.

Par Germain Nzinga

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