L’artiste musicien Zarra Umporio a récemment déploré le manque d’un vrai manager au Congo qui aiderait la musique congolaise à se faire une bonne place sur le piédestal. Il a fait cette déclaration au cours d’un entretien avec la rédaction de Pagesafrik/Starducongo.
Zarra Umporio : Je suis biologiquement Jean Didier Charles Kissioro et artistiquement, je suis Zarra Umporio. J’ai vu le jour le 20 mai 1973 à Brazzaville. Je suis célibataire et père de trois enfants. J’aimerais dire que la musique, pour Zarra Umporiao, est innée parce que je n’ai jamais appris la musique. Je la fais depuis ma tendre enfance avec des bouts de bois que j’utilisais sous forme de batterie.
Ensuite, j’ai intégré un groupe dénommé EPB Sonore qui appartenait à l’opération économique Ngamaba. Je vivais derrière l’ancienne télévision et j’allais répéter à Mfilou où se trouvait cet orchestre. La recherche de l’expérience m’a également conduit vers l’orchestre Véritable Mandolina aux côtés des artistes comme Rapha Boundzéki. J’étais entre les deux orchestres. Je pense que j’avais onze ou douze ans. Aucun des deux chefs de ces orchestres ne m’avait fait le moindre reproche, les deux ayant besoin de mes services.
J’ai ensuite tenté une aventure à Kinshasa auprès de Victoria Eleison de Kester Emeneya pendant deux ou trois ans. Au retour, je suis allé fourbir mes armes dans les Bantous de la capitale ; les Bantous Monuments et chez Fofana Moulady. J’ai donc décidé de voler de mes propres ailes en créant mon propre groupe que j’ai appelé Impression des As avant de le baptiser G7 Nouvelle griffe en 2001.
Avez-vous gardé le même groupe ou êtes-vous entré dans le phénomène des démissions, des départs et des arrivées ?
Zarra Umporio : C’est une très belle question. Vous savez que même Dieu n’a pas réussi à garder les mêmes personnes à ses côtés. Il y a eu des trahisons et il y a aussi ceux qui trahissent chez les hommes que nous sommes. Dans la musique, lorsqu’un artiste intègre un groupe, et qu’il se découvre d’un niveau acceptable, il pense automatiquement à aller créer son groupe. C’est ce qui se passe souvent dans les groupes.
En Europe par exemple, les artistes européens n’ont pas de groupe mais des artistes qui les accompagnent. Dès qu’ils ont un concert, ils appellent ceux qui les accompagnent, où qu’ils soient. La difficulté pour nous qui sommes des leaders, nous trimbalons une trentaine d’artistes musiciens. C’est logiquement anormal parce qu’il est toujours excessivement difficile de faire le partage du cachet d’un concert ou d’une invitation.
C’est pour cela que les artistes ne mettent pas du temps dans les groupes. Je peux prendre l’exemple de Magic System dans son sens de l’organisation. Ils ne sont que quatre artistes depuis leur début, l’un d’eux est décédé et ils ont procédé à un recrutement de remplacement. Ce groupe n’a qu’un seul chef. Il a des comptes dans les banques et tout cela est sous la coordination d’une seule personne. C’est une véritable société et c’est ce qui nous manque et nous tue ici au Congo.
Vous ne pouvez pas vous imaginer que tous les groupes congolais n’ont pas de manager par défaut d’expertise. Tous ceux qui se proclament Manager sont des gens qui viennent simplement piocher l’argent des musiciens. Ce ne sont que des profito-situationnistes comme on dit.
Pourquoi ne pas copier l’expérience de Magic System si tel est le cas ?
Zarra Umporio : Cette idée est exploitable mais notre musique a besoin d’un vrai manager. Chez nous, il n’y a pas de bons managers. Si des gens comme les Christian Ingani et Bébé Retou pouvaient se ressaisir, en se comportant comme de vrais managers et se mettre au service de tous les groupes, ça pourrait aider les artistes. Ce qui est déplorable, c’est que lorsqu’ils sont avec un artiste, ils ne managent que cet artiste-là, alors qu’ils gèrent de grandes sociétés qui produisent beaucoup d’artistes. Ils ne sont que des managers d’un groupe d’artistes ou d’un seul artiste ; c’est anormal à mon avis. Ils doivent travailler avec tous les groupes.
Je ne me trompe pas si j’affirme que la musique de Magic System et celle des nigérians est facile. La rumba est la musique la plus difficile au monde parce qu’il faut se concentrer pour composer une chanson. Par contre, la musique ouest-africaine est facile, il est possible de faire une chanson même en plein studio et les gens dansent.
Je ne vous trompe pas en disant que les jeunes qui font du Décalé dans notre pays font même mieux que les nigérians. Malheureusement, notre musique ne passe dans aucune chaîne internationale.
Qu’en est-il d’une chaîne de télévision qui avait déclaré que les clips des artistes congolais pouvaient désormais être diffusés sur leurs antennes ?
Zarra Umporio : Pourquoi parler exclusivement des artistes congolais ? Je trouve qu’il y a de l’escroquerie quelque part. Il y a quelqu’un derrière cette déclaration pour empocher l’argent des artistes congolais. Tous les artistes du monde passent sur les antennes de Trace Tv sans problème, il y a plus de cinq artistes tchadiens qui passent, des burkinabés, des ivoiriens et des gabonais.
Je me demande la raison pour laquelle les clips des artistes musiciens du Congo de Brazzaville ne sont pas diffusés sur cette chaîne de télévision. Il n’y a peut-être qu’un seul musicien dont les clips sont diffusés. Chez nous, c’est simplement parce qu’il y a un business qui se crée sur le dos des artistes musiciens. Et ce n’est pas bien. Les gens doivent libérer leur cœur. Il faut faire entrer les autres qui peuvent faire la fierté du pays lorsqu’on trouve une porte ouverte. Pourquoi n’avoir pas dit que désormais les ivoiriens aussi vont passer sur Trace tv au lieu de ne faire allusion qu’aux congolais de Brazzaville ? Qui peut dire ce que les congolais de Brazzaville ont fait à Trace tv ?
Nous connaissons déjà ce jeu auquel ils se livrent. Qu’à cela ne tienne, nous allons chercher comment déverrouiller ce système parce que nous ne sommes pas des enfants.
Vivez-vous de votre art après plusieurs années de musique ?
Zarra Umporio : Artistiquement, je suis un batteur, j’ai six trophées de champion d’Afrique et plein de trophées de champion du Congo. Ce sont les caprices des artistes musiciens qui m’ont obligé à aller devant le micro. Il sied de souligner aussi que le batteur africain n’est pas connu. Ce sont les chanteurs qui sont souvent devant la scène. C’est à cet effet que j’ai pensé à me faire connaître pour faire vendre mon groupe.
Je suis déjà très connu en Afrique de l’ouest et du Nord ainsi qu’en Europe. L’orchestre G7 est également très connu. Ma musique me fait vivre, je ne suis ni un mécanicien, ni un soudeur, ni un broyeur, ni un pêcheur. Je suis un artiste musicien. C’est la musique qui a fait que je m’achète une voiture, une parcelle, des vêtements et autres biens.
Si je dis que la musique ne me fait pas manger, je serai un ingrat mais ça ne me fait pas vivre comme je le veux. Vous savez que notre musique est très négligée ici au pays. Depuis que le chef de l’Etat avait déclaré devant le parlement que dans le budget de l’Etat, les artistes allaient avoir 0,01% et rien ne vient depuis cette date. On est presque à plus de dix ans.
L’artiste du Congo Brazzaville n’a pas de statut. Mon ami Djoson et moi avions eu la chance de rencontrer un ambassadeur qui était en poste à Brazzaville. Nous lui avions demandé de nous expliquer la raison pour laquelle tous les musiciens africains avaient facilement le visa Schengen en dehors des congolais. Il nous avait dit sa désolation tout en nous conseillant de nous rapprocher des pouvoirs publics de notre pays qui gèrent la politique culturelle la raison pour laquelle l’artiste congolais n’a pas de statut.
Il avait ajouté que si les artistes avaient un statut, ils auraient des visas d’au moins cinq ans dans leur passeport. La réalité est que nous n’avons souvent que trois mois de visa. Dans les autres pays, un artiste quitte un groupe aujourd’hui, il voyage le lendemain mais pas chez nous. Nous avons besoin de ces voyages pour notre promotion.
Quels vos relations avec les autres artistes ?
Zarra Umporio : J’ai de bonnes relations avec tout le monde. Il faut retenir que même dans une maison familiale, tous les enfants n’ont pas le même caractère. Il y a aussi cette race d’artistes qui semble tout connaître qui tue la profession. Ils se situent au-dessus de tout le monde. La musique, c’est l’intérieur de la personne. C’est son rendement. Il y a pourtant ceux qui sont plus artiste qu’eux. Ils n’ont pour avantage sur les autres que les portes qui s’ouvrent devant eux. Ils ont la facilité d’avoir ce que les autres ne peuvent pas acquérir, ils se font filmer et diffuser sur les antennes des télévisions alors que ce n’est pas ça qui fait la musique.
Propos recueillis par Florent Sogni Zaou