L’ingénieur zootechnicien Quenum Oyindza a récemment porté un jugement sur la production des œufs au Congo qui est, selon lui, très insuffisante et même nulle et que la production annuelle de huit millions d’œufs vantée par les pouvoirs publics est loin de satisfaire les consommateurs congolais qui sont obligés de se tourner vers la pourriture venant du Cameroun.Comment appréciez-vous l’engouement de certains investisseurs étrangers dans le secteur agropastoral au Congo ?
Quenum Oyindza : C’est une bonne chose. On a toujours besoin d’un plus. Si notre pays intéresse autant les investisseurs étrangers en général et dans le secteur de l’agropastoral en particulier, c’est
parce que qu’il y a la paix.
Quelle lecture faites-vous de ce secteur agropastoral au Congo ?
Quenum Oyindza : Je peux dire que c’est une situation déplorable surtout d’un point de vue pastorale. L’élevage est totalement inexistant. Le Congo est presque au niveau zéro car le pays importe en fin de compte plus de 90% de ce que les populations consomment, dire que c’est l’agropastoral qui devrait résoudre cet épineux problème.
Peut-on penser que le piège du pétrole s’est refermé sur le Congo ?
Quenum Oyindza : Je ne pense pas que le Congo soit tombé dans le piège du pétrole. C’est plutôt une question de coutume, de tradition ou de culture. Les congolais n’ont pas la culture agropastorale, c’est un peuple qui a toujours vécu de cueillette comme ses ancêtres. Le
congolais n’est comme le peul par exemple. C’est une culture qu’on essaie d’acquérir mais on espère que ça va marcher.
Peut-on penser que le piège du pétrole s’est refermé sur le Congo ?
Quenum Oyindza : Je ne pense que le Congo ait été piégé par le pétrole. C’est plutôt, comme je le disais tantôt, c’est simplement une question de coutume. Le pétrole est venu après dans l’économie
congolaise, c’est le bois qui a nourri le congolais pendant des années mais il s’agit de donner à l’agriculture ses lettres de noblesse.
Dance ce cas, quelle est la place du Congo en Afrique et en Afrique centrale en matière d’agropastorale ?
Quenum Oyindza : Il faut dire sincèrement que notre pays n’est compétitif, ni sur le plan africain ni sur le plan subsaharien, encore moins, en Afrique centrale. Le Congo ne représente rien même devant ses voisins. Au Tchad, ils ont cette tradition pastorale que le Congo n’a pas. Ce sont des éleveurs nés. Ils ne font que ça depuis leur naissance et depuis des générations. Sans être sévère, je crois que le Congo est même le dernier de la sous-région. Si on regarde du côté de Bangui, les centrafricains ont cette tradition et ils élèvent mieux qu’au Congo.
A titre d’exemple, en se tournant vers la production bovine, l’élevage des bœufs n’existent pas. Dans les villages, ce qui est fait ne sert qu’aux cérémonies traditionnelles et autres dots et naissances. Cela
ne permet pas de penser à une autosuffisance alimentaire en produit d’origine carné. Si on prend ma production porcine, elle fait l’objet de plusieurs à-priori. Pour des raisons traditionnelles, culturelles,
traditionnelles ou religieuses, cette viande qui est pourtant bonne n’est pas consommée. C’est un produit qui rencontre beaucoup de difficultés d’écoulement sur le marché.
Comment appréciez-vous la politique de retour vers les ranches dans son rôle d’un des leviers pour aider à faire rebondir l’élevage ?
Quenum Oyindza : Non, je pense qu’on ne peut pas repartir à la politique des ranches. Il fait continuer dans le sens de ce fait déjà le gouvernement, en renforçant le métayage qui ne se fait pour le moment qu’à une très faible échelle. Je ne pense pas que les 200 têtes qu’on fait venir peuvent aider à la relève de l’élevage. L’Etat a bien les moyens d’en importer jusqu’à 10 000 têtes de bétail à donner à des métayers professionnels. Il faut encourager ceux qui connaissent le métier.
Etes-vous de ceux qui pensent que les nouveaux villages n’ont pas atteint les résultats escomptés ?
Quenum Oyindza : Les nouveaux villages sont une espèce de rétropédalage. Il y a déjà eu dans ce pays des villages coopératifs, des villages-centres, des villages agricoles avant d’arriver aux nouveaux villages. Tout cela a échoué. Les nouveaux villages sont un contre sens.
Ce sont les pays du Benelux qui ont été les premiers à initier ces villages et ça n’a été qu’un gros échec. Ces pays du Benelux sont l’ancêtre de l’Union européenne. C’est une politique qui a échoué
depuis des décennies et ce sont des jeux d’échecs qu’on vient dupliquer au Congo.
Ensuite, ce ne sont pas les villages agricoles ou nouveaux villages qui peuvent développer l’agriculture. Il faut le faire en favorisant les filières et en encourageant ou en finançant ceux qui ont la maitrise de ce métier. De ces nouveaux villages, allez voir ce qu’il en reste au plan agricole et plus rien sur le plan pastoral.
Voulez-vous dire que les nouveaux villages n’est que du sable dans les yeux des populations ?
Quenum Oyindza : C’est ce que nous appelons en termes techniques un projet mal ficelé. C’est de l’argent perdu. Autant de milliards de FCFA qu’on pouvait mettre dans les filières, qui auraient servi au financement de ceux qui font déjà ce genre de travail puisqu’ils existent plutôt que d’aller financer des créations. Il ne s’agit pas de financer des créations, il faut financer les entreprises agricoles
ou les projets qui existent déjà. Il faut financer ce qui font et non ceux qui veulent créer et qui manquent d’expérience. On peut par exemple financer les filières Soja, de maïs ou de d’arachide, de la culture à la transformation agro-industrielle.
La création de villages est une manière d’emprisonner ces jeunes qui n’ont jamais choisi ces centres, cet endroit ou cet environnement. On ne sait pas si ces paysans avaient accepté ces jeunes et ces villages, dire qu’on y parle déjà de pollution. Pour aider un agriculteur à bien faire son travail, on ne le déplace pas de son biotope pour l’emmener ailleurs. A ce moment, il n’est plus dans ses conditions
environnementales, psychologiques ou sociologiques de travail. Or ces jeunes ont été déracinés pour leur imposer un lieu de travail.
Ces villages n’ont même plus d’eau, le forage est en panne et ils l’ont dit au ministre d’Etat Henri Djombo. Je ne sais pas si c’est possible de produire en agro-pastorale si on n’a pas d’eau. Ils ont
aussi dit qu‘ils n’ont plus de motopompe. Normalement, il faut les remettre dans leur environnement de travail pour espérer des résultats probants.
Le ministre de l’agriculture Rigobert Maboundou avait déclaré que le Congo produisait 8 millions d’œufs par an, même pas par mois.
Qu’est-ce que ces 8 millions d’œufs représentent dans un pays de 4,5 millions d’habitants ? Le dire ainsi signifie que chaque congolais consomme 1,5 œuf par an. Je suis convaincu que si on produisait ces 8 millions d’œufs par jour, on en exporterait.
Je suis sûr que c’est possible de produire des 8 millions d’œufs par mois mais à ce moment-là, il faut augmenter le cheptel pour prétendre produire à ce rythme. Le cheptel congolais n’atteint même pas les 200 000 pondeuses. En respectant le taux de ponte, on pouvait atteindrait au maximum 160 000 œufs par jour et c’est cette augmentation qui permettrait de réduire le coût de l’œuf.
Conseillerez-vous que soit suivi l’exemple sud-africain dans la filière maïs ?
Quenum Oyindza : Tout à fait. J’apprécie ce que font les sud-africains qui se spécialisent dans une filière. On ne peut pas tout faire. Et on ne peut pas demeurer dans l’individualisme sans moyens financiers. Il faut de mettre ensemble et développer les filières. Je sais que le Congo en est capable.
Vous ne semblez pas être au courant que ces nouveaux villages ont résolu le problème du coût de l’œuf au Congo ?
Quenum Oyindza : Vous dites que le problème du coût de l’œuf est réglé ! Comment ? Mais ça peut se vérifier sur le marché, un œuf est vendu à 150 FCFA. Il faut qu’on pense à réduire le prix de l’œuf à 75 FCFA ou 100 FCFA. Pour le moment, ce sont les pourritures venant du Cameroun qui ont envahi le marché congolais. Pendant qu’à Bangui, ces œufs sont refoulés à la frontière du fait de la grippe aviaire, au Congo, ils sont reçus à bras ouverts. Des œufs dont ne connait même pas la date de le ponte et depuis combien de temps ils sont mis pour arriver jusqu’ici. Es œufs sont impurs à la consommation.
Propos recueillis par Florent Sogni Zaou