Et pour cause, la nouvelle étude apporte des précieuses informations et des données comparatives sur les tendances salariales récentes. Publiée récemment à Genève, elle montre la corrélation entre les inégalités salariales, les inégalités de revenus des ménages et le déclin de la part du travail, entre autres.
Le document « analyse plus précisément dans quelle mesure l’inégalité globale des salaires découle des inégalités salariales entre les entreprises et au sein des entreprises », a indiqué l’OIT.
Sur la base des données recueillies, l’agence onusienne a relevé que la croissance des salaires dans le monde était de nouveau en berne. L’enquête note même qu’elle serait tombée à son plus bas niveau en quatre ans.
Si l’on en croit les résultats de l’étude, la croissance salariale dans le monde a été de seulement 1,7% en 2015, contre 2,5% en 2012. C’est son « plus bas niveau en quatre ans », a relevé l’OIT, affirmant que le redressement des salaires aux Etats-Unis et en Allemagne « n’a pas suffi à compenser le déclin enregistré dans les économies émergentes et en développement ».
Les experts de l’OIT ajoutent qu’en dehors de la Chine, où la croissance salariale a été plus rapide qu’ailleurs, la croissance des salaires mondiaux a dégringolé. Elle est passée de 1,6 à 0,9%.
Sur la base des informations disponibles, l’Afrique a connu une baisse des salaires réels en 2014 avant de retrouver une croissance positive en 2015, avec une croissance moyenne des salaires de 2%.
Pour les Etats arabes, il ressort des tendances salariales que la croissance annuelle moyenne des salaires réels, estimée à 7,8% en 1914, a baissé de 2,1% en 2015.
Autre point relevé dans ce rapport : la croissance des salaires réels qui a diminué dans les pays émergents ou en développement du G20. Elle est passée de 6,6% en 2012 à 2,5% en 2015.
En revanche, fait observer l’OIT, la croissance des salaires dans les pays développés du G20 s’est accrue de 1,7% au cours de l’année dernière. Ce qui représente le plus haut taux des dix dernières années. Cette progression était de 0,2% en 2012.
« En 2015, les salaires ont augmenté de 2,2% aux Etats-Unis, de 1,5% en Europe du Nord, du Sud et de l’Ouest, et de 1,9% dans les pays de l’Union européenne », a indiqué l’organisation.
Pour Deborah Greenfield, directrice générale adjointe de l’OIT pour les politiques, « la croissance salariale plus rapide aux Etats-Unis et en Allemagne explique en grande partie ces tendances. »
Pour autant, elle a averti que rien ne garantit que cette évolution s’inscrive dans la durée. Et pour cause, les pays développés demeurent « confrontés à des incertitudes économiques, sociales et politiques grandissantes ».
Autre enseignement du rapport : les inégalités salariales qui s’aggraveraient au sommet. Selon l’OIT, les salaires augmentent progressivement dans l’essentiel de la distribution des salaires dans la plupart des pays. Ils « font un bond soudain pour les 10% du haut de l’échelle salariale et plus encore pour le 1% des employés les mieux rémunérés », a-t-elle observé.
Prenant l’exemple de l’Europe, l’agence explique que « les 10% d’employés les mieux rémunérés absorbent en moyenne 25,5% de la totalité des salaires versés à l’ensemble des employés dans leurs pays respectifs, soit presque autant que ce qu’obtiennent les 50% les moins bien payés (29,1%) ».
Poursuivant ses observations, l’OIT note aussi que « la part des 10% supérieurs est encore plus grande dans les économies émergentes, par exemple au Brésil (35,0%), en Inde (42,7%) et en Afrique du Sud (49,2%) ».
L’autre fait notable relevé dans cette étude concerne les inégalités salariales qui seraient plus marquées pour les femmes. En effet, « si l’écart entre les salaires horaires globaux des hommes et des femmes est d’environ 20% en Europe, l’écart de rémunération entre les sexes pour ceux qui comptent parmi le 1% les mieux rémunérés atteint environ 45% », a constaté l’étude.
« Pour les hommes et femmes PDG qui appartiennent au 1%, l’écart de rémunération dépasse les 50% », selon l’enquête.
Evoquant enfin ses recommandations, l’OIT appelle à coordonner les politiques à l’échelle mondiale, estimant que la stagnation des salaires moyens et le déclin de la part du travail ont des conséquences économiques et sociales.
Sur le plan social, l’organisation explique que « le découplage entre la croissance économique et celle des salaires implique que les travailleurs et leurs familles vont estimer ne pas recevoir une juste part des fruits du progrès économique, ce qui alimentera leur frustration ».
Sur le plan économique, elle craint que la faiblesse de la croissance des salaires pèse sur « la consommation des ménages, donc sur la demande globale, surtout si les salaires stagnent en même temps dans plusieurs grandes économies ».
Pour ce faire, l’OIT préconise une action vigoureuse et ambitieuse afin de « mener à tous les niveaux des politiques qui assurent une croissance durable des salaires et qui garantissent à tous une juste part des fruits du progrès ».
Comme l’a indiqué l’agence en introduction du rapport, il faut suivre de près l’évolution des salaires et mener des politiques salariales qui s’inscrivent dans la durée pour prévenir la stagnation des salaires, élever le niveau de rémunération des millions de travailleurs pauvres à travers le monde.
L’OIT estime aussi indispensable d’assurer une répartition équitable, réduire les inégalités excessives de salaires et de revenus et conforter la consommation en tant que pilier d’économies viables.
Ralentissement de la croissance des revenus au Maroc.
En ce qui concerne le Maroc, le rapport fait état d’un ralentissement de la croissance des salaires réels comparativement à l’année précédente. Selon les estimations, elle n’a progressé que de 1,5% en 2015 contre 1,7% en 2014. Elle était de 0,3% en 2013.
Une donnée qu’il convient de mettre en parallèle avec celle du creusement du fossé des revenus entre les Marocains riches et pauvres, déjà mise en lumière par l’OIT, pour saisir le sens et l’impact véritables de l’actuel ralentissement de la croissance des salaires.
Un impact qu’une récente enquête du Haut-commissariat au plan a mis en lumière et révélé le caractère pernicieux. Cette enquête a, en effet, mis en exergue l’importante différence en matière de consommation entre la catégorie sociale placée en haut de la hiérarchie sociale et celle qui se situe en bas de celle-ci. Ainsi, cette étude a-t-elle révélé que les 10% des ménages aisés et les 10% qui ne le sont pas consacrent, respectivement, 3,5% et 0,4% de leur budget aux loisirs, 5,3% et 2,7% à l’enseignement, 2,7% et 1,3% à la communication et 11% et 2,9% aux transports. En plus « la valeur des dépenses réalisées par la première catégorie sociale pour l’enseignement est de 24 fois supérieure à celle de la seconde, pour les loisirs 105 fois, pour les communications 24 fois et pour les transports 44 fois ».