Félix Tshisekedi en Chine : un repositionnement stratégique qui laissera des traces ?

TRIBUNE. On ne le dira jamais assez : la politique au plus haut niveau n’est pas un jeu simpliste pour des esprits étroits ni un film médiocre pour spectateurs paresseux. En politique, il ne suffit pas de voir pour tout comprendre, le véritable sens de certains évènements ne pouvant s’apprécier qu’à travers la double injonction de la Realpolitik et surtout du temps.

En effet, c’est dans la durée qu’on saisit ou comprend mieux la signification de certains évènements politiques majeurs passés. En octobre 2020, alors que le FCC de Joseph Kabila et CACH de Félix Tshisekedi étaient à couteaux tirés, j’avais attiré l’attention des Congolais sur ce qui se profilait en filigrane à un échelon plus élevé : la rivalité entre les États-Unis, soutien de Tshisekedi, et la Chine, avec laquelle Joseph Kabila avait signé le fameux «contrat du siècle».

À l’époque, beaucoup de Congolais n’avaient pas pris la mesure de ce qui se profilait. Dans l’entourage de Félix Tshisekedi, on me fit comprendre que j’avais tort; on vantait le fameux « partenariat stratégique » avec les États-Unis sans vraiment comprendre la stratégie des Américains, qui entendaient utiliser Félix Tshisekedi pour « neutraliser » Joseph Kabila et revoir le contrat conclu avec la Chine. Les seuls qui semblaient avoir pris au sérieux mon analyse de la situation, c’étaient des gens proches de l’ancien chef de l’État. Ils avaient analysé l’interview que j’avais donnée, à l’époque, au journaliste Marius Muhunga, et en ont discuté avec leur boss.

Ce n’était pas encore la guerre en Ukraine (et les grands bouleversements mondiaux qui le caractérisent), mais j’attirais déjà l’attention sur la réalité du monde multipolaire qui se mettait tout doucement en place, et les conséquences de cette donne sur la situation en RD Congo.

La suite des évènements en RDC a non seulement confirmé ce que je disais, mais dans le camp de Félix Tshisekedi, le réveil a été assez brutal. Le manque de retombées concrètes du «partenariat stratégique» avec les États-Unis a fait comprendre à certains au sein du régime que l’heure était peut-être venue de se repositionner en termes de partenariat stratégique. La visite de Félix Tshisekedi en Chine s’inscrit dans la droite ligne de ce repositionnement stratégique. S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions à ce propos, une chose est cependant certaine : cette visite va non seulement laisser des traces, mais elle aura aussi et surtout des conséquences sérieuses en RD Congo tant au niveau intérieur qu’extérieur. J’y reviendrai prochainement…

Je bois mon lait nsambarisé…

Par Patrick Mbeko

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