DOSSIER. NIGER : évolution économique, perspectives et risques, selon le FMI

CONTEXTE. Le Niger est confronté à des défis majeurs de développement, aggravés par des incursions terroristes, la faiblesse des prix à l’exportation de l’uranium et les changements climatiques. La croissance du PIB a néanmoins atteint le taux respectable de 5 % au cours des deux dernières années. Elle devrait s’établir en moyenne à 7 % sur les cinq prochaines années grâce aux réformes, au soutien considérable des bailleurs de fonds, à plusieurs grands projets et à l’impulsion ponctuelle donnée par le lancement prévu des exportations de pétrole brut en 2022.

Exécution du programme. La mise en œuvre du programme a été satisfaisante dans l’ensemble. Tous les objectifs quantitatifs pour la fin mars et la fin juin 2018 ont été atteints à l’exception de l’apurement des arriérés de paiement intérieurs, mais l’objectif fixé pour la fin décembre 2018 reste atteignable. La mise en œuvre du programme de réformes structurelles progresse assez bien.

Le programme 2018. L’accent continue d’être mis sur une action budgétaire prudente pour préserver la stabilité macroéconomique. La mise en œuvre du budget a été soutenue par la bonne tenue des recettes favorisée par le renforcement systématique des capacités de l’administration fiscale et l’impulsion donnée par des recettes ponctuelles. Le déficit budgétaire et le financement intérieur ont diminué plus rapidement que prévu.

Le programme 2019. La poursuite de l’assainissement des finances publiques, la mobilisation des recettes, l’amélioration de la qualité des dépenses et l’octroi d’une plus large place aux programmes sociaux sont les volets principaux de l’action budgétaire. Le projet de budget 2019 est dans l’ensemble conforme au programme et il constitue un nouveau progrès vers la réalisation de l’objectif de respecter la norme de l’UEMOA en matière de déficit en 2020. Sur le front structurel, le développement du secteur privé doit être favorisé par l’approfondissement du secteur financier, l’amélioration du climat des affaires et le renforcement de la gouvernance et des mesures de lutte contre la corruption.

Risques. Les résultats pourraient être compromis par des difficultés de mise en œuvre et une détérioration de la situation sécuritaire. Du côté positif, les réformes, les fonds fournis par les bailleurs de fonds et plusieurs grands projets d’investissement pourraient enclencher un cercle vertueux plus solide.

Évaluation par les services du FMI. Les services du FMI sont en faveur de la conclusion de la troisième revue qui ouvrira la voie au décaissement de 14,1 millions de DTS ainsi que de la demande d’augmentation de l’accès aux ressources du FMI formulée par les autorités visant à ce que celui-ci soit porté de 75 % à 90 % de la quote-part (soit de 98,7 à 118,44 millions de DTS).

1. Le gouvernement jouit d’une confortable majorité à l’Assemblée Nationale et de la bienveillance des bailleurs de fonds, mais le mécontentement de la population limite sa marge de manœuvre. Les élections de 2016 ont conféré un mandat solide au Président Issoufou.

Mais le mécontentement provoqué par la faiblesse des niveaux de vie, les possibilités d’emploi limitées, les hausses d’impôt et l’arrestation de manifestants donne lieu à des manifestations de la part des étudiants et d’organisations de la société civile. Le Niger fait aussi face à des incursions terroristes, au transit de migrants vers l’Europe, à la faiblesse des prix à l’exportation de l’uranium et à des chocs climatiques. Les bailleurs de fonds renforcent leur soutien.

A. ÉVOLUTION RECENTE ET EXECUTION DU PROGRAMME

2. L’évolution économique en 2018 est dans l’ensemble conforme aux projections du programme. Le taux de croissance du PIB réel devrait atteindre 5,2 % grâce à la forte activité observée dans les secteurs du BTP et des services et malgré l’arrêt de maintenance de la raffinerie de pétrole. Une pluviométrie favorable laisse augurer de bons résultats pour la campagne 2018 qui auront des effets positifs sur la croissance surtout en 2019.

Le taux d’inflation est tombé de 5,4 % en avril à 3,1 % en octobre sous l’effet de l’amenuisement des facteurs ponctuels ayant affecté les prix plus tôt, à savoir : les hausses d’impôt et de prix administratifs, les achats importants effectués pour la réserve alimentaire stratégique et la hausse des prix des importations à la suite de l’effondrement de l’unique pont reliant le Niger au Bénin, qui abrite le principal port de transit du pays.

Le déficit de la balance des paiements de 2017 a été révisé à la hausse et porté à 16,2 % du PIB. Il a surtout été financé par des bailleurs de fonds et investisseurs étrangers, mais la balance globale des paiements est aussi devenue négative.

En tant que membre de l’UEMOA, le Niger a accès aux réserves mutualisées de l’Union, représentant 4,3 mois d’importations de cette dernière, qui ont été renforcées par les émissions d’euro-obligations effectuées par la Côte d’Ivoire et le Sénégal début 2018. L’approfondissement du secteur financier soutient aussi l’activité économique, la masse monétaire au sens large et le crédit au secteur privé progressant plus rapidement que le PIB nominal.

3. L’assainissement des finances publiques a été plus rapide que prévu au premier semestre 2018 et le gouvernement devrait atteindre facilement les objectifs de son programme annuel pour les recettes publiques, le financement intérieur et le déficit.

L’amélioration du déficit de base (1) et du déficit global (2) a été nettement plus marquée qu’il n’avait été estimé. À 2,8 et 4,4 % du PIB, respectivement, les deux déficits devraient être plus faibles à la fin de l’année qu’en 2017, grâce à de meilleurs résultats que prévu pour les recettes, renforcés par une  exécution prudente des dépenses. Les recettes publiques ont augmenté d’un tiers au premier semestre 2018 par rapport au premier semestre 2017.

Toutefois, cela tient principalement à des facteurs ponctuels comme la vente de licences de télécommunication, le bonus de signature d’un contrat pétrolier et un gonflement des recettes d’ordre de paiement représentant la contribution de l’État à des projets financés par des bailleurs de fonds (3). Les résultats sous-jacents ont été plus ternes, indiquant qu’il reste nécessaire d’améliorer la mobilisation de recettes liquides pour établir une base solide de recettes pour l’avenir.

4. L’apurement des arriérés de paiement intérieurs a pris du retard. Le gouvernement nigérien reste cependant déterminé à apurer, d’ici la fin de l’année, le reliquat d’arriérés de paiement représentant 0,8 % du PIB à la fin juin. La réduction du déficit budgétaire et l’apurement incomplet des arriérés ont permis de limiter les besoins de financement intérieurs, qui sont généralement importants au premier semestre du fait de la concentration des appuis budgétaires extérieurs en fin de période, et qui sont devenus difficiles à satisfaire sur un marché obligataire régional se tendant à nouveau.

5. L’exécution du programme a été satisfaisante dans l’ensemble à la fin juin 2018 :

• Tous les critères de réalisation (CR), sauf celui concernant l’apurement des arriérés de paiement intérieurs, ont été respectés. Jusqu’à la fin juin, le financement intérieur du budget est resté en dessous du plafond fixé dans le programme. Aucun arriéré de paiement extérieur n’a été encouru. Toutefois, une opération d’apurement d’arriérés de paiement intérieurs a pris plus de temps que prévu et l’objectif à la fin juin n’a pas été atteint pour un montant représentant 0,1 % du PIB, et les autorités nigériennes en sollicitent une dérogation pour nonobservation temporaire. Elles sont déterminées à respecter le CR prévoyant l’élimination de la totalité des arriérés d’ici la fin décembre, objectif qui reste atteignable.

Tous les objectifs indicatifs ont été atteints. Les recettes ont dépassé l’objectif du mois de juin grâce aux facteurs ponctuels. Le déficit budgétaire de base (dons inclus et exclus), les dépenses pour la réduction de la pauvreté et les dépenses exceptionnelles sont restés dans les limites du programme.

L’observation des repères structurels (RS) a été inégale. Deux des quatre objectifs fixés pour la fin juin, l’objectif de la fin septembre et tous les RS récurrents ont été respectés :

o De bons progrès ont été réalisés dans la mise en œuvre du compte unique du Trésor (CUT) : 85 % des soldes des comptes admissibles ont déjà été transférés et un plan a été élaboré pour achever le processus d’ici la fin 2018.

o La nouvelle loi sur les partenariats publics-privés (PPP) a été présentée à l’Assemblée Nationale plus tôt que prévu et elle a été promulguée.

o S’agissant de la bancarisation, s’il a été mis fin aux paiements en espèces aux principaux bureaux des administrations douanière et fiscale, le livre blanc sur la bancarisation n’est toujours pas achevé, ce qui fait que, dans l’ensemble, le RS dans ce domaine n’a pas été respecté. Le gouvernement compte parachever le livre blanc d’ici la fin de l’année.

o En ce qui concerne les exonérations fiscales, le gouvernement a présenté un livre blanc sur la simplification des exonérations fiscales, mais transmis avec retard aux services du FMI les données sur les exonérations fiscales discrétionnaires nouvellement accordées, ce qui signifie que, globalement, le RS de la fin juin n’a pas été respecté. Les autorités nigériennes ont toutefois observé le repère relatif aux exonérations fiscales de la fin septembre : elles ont regroupé les bases juridiques des différentes exonérations dans le Code général des impôts en commençant à simplifier le dispositif par la cessation des exonérations sur le revenu des sociétés prévues par le Code minier et à réduire le pouvoir discrétionnaire accordé aux ministres dans le Codes des investissements.

o Tous les repères structurels récurrents relatifs au suivi régulier de l’exécution du budget, aux plans d’engagements et de trésorerie et à la gestion de la dette ont été respectés.

6. De manière plus générale, le gouvernement fait avancer son vaste programme de réformes structurelles à un rythme régulier. Cela inclut, par exemple, des efforts visant à renforcer les capacités des administrations fiscale et douanière ; la mise en place de systèmes informatisés dans ces administrations et l’informatisation de leurs relations ainsi que l’établissement de liaisons numériques entre la Banque centrale et le Trésor ; la préparation d’une vaste réforme de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique ; l’audit de certains établissements publics à caractère administratif et entreprises publiques ; l’absence de financements ou garanties de l’État dans les PPP ; l’amélioration de la place occupée par le Niger dans le classement Doing Business de la Banque mondiale ; et des efforts de sensibilisation en vue de promouvoir la Politique nationale genre.

B. PERSPECTIVES ET RISQUES

Evolution économique récente et perspectives, 2013-23

7. La croissance économique pourrait atteindre environ 7 % en moyenne annuelle au cours des cinq prochaines années. Elle serait étayée par les efforts de réforme structurelle déployés par le gouvernement et plusieurs grands projets d’investissement.

L’activité reste cependant soumise aux aléas climatiques. Les cours des produits de base et la situation sécuritaire dans la région sont des facteurs de risques négatifs. Les autorités nigériennes souscrivent globalement à cette évaluation de la situation tout en faisant observer que la croissance pourrait être plus forte si les grands projets enclenchaient un cercle vertueux de développement du secteur privé local.

8. L’activité économique devrait être particulièrement forte en 2019 et à nouveau en 2022. Le taux de croissance devrait atteindre 6,5 % en 2019 grâce à la bonne récolte qui suivra probablement l’excellente saison des pluies enregistrée en 2018, au démarrage de plusieurs grands projets et aux investissements essentiellement privés liés à la tenue du sommet de l’Union africaine au Niger, en juillet.

Les projets incluent le développement de capacité supplémentaire de production pétrolière et la construction d’un oléoduc destiné à exporter du pétrole brut par le Bénin, une grande cimenterie, la construction du barrage de Kandadji dans le cadre d’un projet de la Banque mondiale, divers projets relevant de la Millennium Challenge Corporation (MCC), l’extension de l’aéroport de Niamey et la construction de nouveaux hôtels dans la capitale. La croissance devrait bondir à 11 % en 2022 lorsque les exportations de pétrole brut sont censées commencer.

9. En 2019, l’inflation devrait retomber sous le plafond de 3 % fixé par l’UEMOA. La politique monétaire de l’Union monétaire basée sur le taux du franc CFA arrimé à l’euro et les effets temporaires spécifiquement nigériens s’estompant, l’inflation devrait s’établir aux alentours de 2 % à l’avenir.

10. Le solde de la balance des transactions courantes commencera probablement par se détériorer avant de se stabiliser à un plus faible niveau de déficit. Le déficit devrait se creuser au cours des prochaines années pour culminer à 23 % du PIB en 2020, sous l’effet de l’accroissement des importations liées aux grands projets et à la vigueur relative de la croissance et de l’effondrement persistant des exportations d’uranium, compensé en partie seulement par les exportations florissantes d’or artisanal.

Mais lorsque la production commencera à la fin de la phase de construction des projets, celle-ci se substituera aux importations et les ventes de pétrole brut doperont les exportations. D’après les projections, le déficit extérieur courant serait inférieur à 14 % du PIB en 2023, et il diminuerait encore par la suite.

11. Le gouvernement a l’intention de poursuivre l’assainissement des finances publiques. Il s’appuiera principalement sur la mobilisation des recettes, mais aussi sur la rationalisation des dépenses qui constituera une deuxième ligne de défense en cas d’insuffisance des recettes. Il vise à ramener le déficit global de 4,5 % du PIB en 2019 à 3 % en 2020, et à 2 % en 2023 et par la suite.

L’élargissement du soutien budgétaire nécessaire au développement économique et à l’action sociale devra reposer au premier chef sur l’amélioration de l’efficience et de la qualité des dépenses publiques. Les financements extérieurs restant importants, le gouvernement commencera à rembourser la dette intérieure à partir de 2020, ce qui permettra aux banques d’accroître le financement du secteur privé.

12. Des déficits modérés de financement budgétaire et extérieur risquent d’apparaître en 2019. Comme expliqué ci-dessous, ils résulteront des chocs négatifs qui seraient difficiles à compenser par des mesures supplémentaires d’assainissement budgétaire ou pour lesquels il serait ardu de financer sur les marchés obligataires régionaux qui se tendent à nouveau. Dans ce contexte, les autorités nigériennes demandent un accroissement de l’accès aux ressources du FMI d’un montant de 15,5 milliards de FCFA (0,3 % du PIB).

Extrait du Rapport du FMI no 18/372 (Décembre 2018).

(1) Recettes intérieures moins dépenses financées sur ressources intérieures.

(2) Défini par l’UEMOA comme le solde budgétaire de base plus les dons, moins les dépenses financées sur ressources extérieures.

(3) Au Niger, le financement de contrepartie pour les projets financés sur ressources extérieures est généralement fourni sous forme d’un allégement fiscal (portant sur les droits d’enregistrement des contrats, la TVA et l’imposition des revenus). Dans les comptes budgétaires il est enregistré sur une base brute, sous la forme de recettes d’ordre de paiement (non liquides) avec une écriture comptable correspondante, du côté des dépenses, sous la rubrique « investissement financé sur ressources intérieures ».

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