TRIBUNE. ut d’abord, l’hystérie psychiatrique diffère complètement du terme « hystérie » utilisé dans le langage courant et qui correspond plus à des états de colère avec déchainement psychomoteur beaucoup plus démesuré à la juste réalité de la problématique déclenchant cette crise.
L’hystérie psychiatrique est une maladie dans laquelle le sujet présente des symptômes psychosomatiques, comme par exemple la paralysie d’un ou de plusieurs membres, l’aphonie, la cécité, l’évanouissement, la perte de connaissance, le changement du timbre de la voix (ce que le public marocain considère « jnoune », du fait que la voix de la femme est simulée par une voix d’homme).
La psychanalyse explique que les hystériques souffrent de problématiques inconscientes et que le corps devient le théâtre de sa souffrance. En d’autres termes, la souffrance psychique inconsciente se convertit en symptômes somatiques alors que l’examen clinique somatique est tout à fait normal.
Dans l’hystérie collective, il n’est pas obligatoire que les sujets soient du même âge ou de la même catégorie socio-économique, et peu de cas sont décrits dans la littérature psychiatrique.
Ce qui s’est produit au collège, selon moi, ne correspond pas à une hystérie collective et les chances pour que les adolescentes aient prises toutes à la fois un stupéfiant me semblent improbables.
Il faut noter que les sujets de ce collège Al-Imam Al-Kastalani sont de sexe féminin, du même âge et je présume qu’elles sont du même milieu social. Ceci nous amène à imaginer qu’elles soufrent des mêmes problématiques et elles sont de plus toutes des adolescentes (la transformation du corps de filles en corps de femmes capables de procréer, l’apparition des caractères sexuels secondaires (les menstruations, la poitrine …).
Bref, un changement brutal et rapide s’opère dans le corps des adolescentes et elles deviennent rapidement « objets de désir sexuel » pour les hommes. Tous ces changements sont alors très mal gérés par les adolescentes et sans aucun accompagnement, sans éducation sexuelle et de surcroit accompagnés par les propos culpabilisants des parents, à fortes connotations sexuelles.
Nous remarquons donc que le terrain psychologique des adolescentes est fragile et très vulnérable avec une cumulation énorme de charges émotionnelles et de non-dits.
Ainsi, il est fort probable, du fait qu’elles présentent les mêmes souffrances, qu’elles soient sujettes à extérioriser leurs émotions à la moindre occasion. Il est très probable également que le présumé charlatan soit le précurseur ou le déclencheur de cette crise. Dès qu’une des adolescentes croyant être victime d’un sort, s’est mise à pleurer, une suggestion émotionnelle inconsciente a été faite alors à ses camarades. Rapidement, dès que la 2ème adolescente s’est mise à pleurer à son tour, la suggestion émotionnelle inconsciente est devenue plus importante et puis il a eu un effet de boule de neige.
D’ailleurs, la fille dans la vidéo qui hurle et pousse fortement une adulte, est symboliquement « Eloigne toi, ceci ne te concerne pas, tu ne souffres pas comme nous et tu ne peux pas comprendre, laisse nous pleurer et hurler afin de nous soulager ».
Nous observons le même phénomène partout dans le monde et c’est ce que nous appelons « l’état de transe », une sorte d’hypnose collective. Au Maroc, nous observons les états de transe aisément dans ce que nous appelons « la 7’dra ou la j’dba » et qui s’effectuent lors des différentes occasions comme une soirée avec la musique Aissawa ou les « moussâmes » à travers le royaume et le plus célèbre est celui de Meknès à l’occasion de 3id Amawlid au tombeau du Cheikh L’kamel où un groupe important de personnes rentrent l’une après l’autre dans l’état de transe avec des cris, des pertes de connaissance et dont certains avalent ou se badigeonnent le visage avec le sang de l’offrande.
Docteur Jaouad MABROUKI,
Expert en psychanalyse de la société marocaine et arabe