CULTURE : « Les z’expressions cocasses » de Marie-Françoise Moulady Ibovi

« …Et puis le président OBAMA là même oH il m’avait dragué, vrai de vrai ! C’est moi-même qui avait refusé, you know. Je lui ai dit : tu crois même que quoi, que tu es Brad Pitt ? C’est non aujourd’hui, ça sera non demain et après-demain. Et puis être première dame là même, ça ne m’intéresse pas, prends plutôt ma copine de chambre Michelle…C’est comme ça qu’il l’a épousé et est devenu Michelle OBAMA…OOOh Sinon première dame là, ça devrait être moi vrai de vrai hein… »

Telles sont les affirmations du personnage de Sara Babeauté dans « raconter des salades, » l’un des sarcastiques dialogues contenus dans l’ouvrage « Les z’expressions cocasses », que Marie-Françoise Moulady Ibovi vient de publier aux éditions Edilivre. Des conversations au rendu qui n’obéit pas nécessairement aux recommandations académiques classiques. Un choix d’écriture qui n’altère en rien la beauté du texte qui découle de la phonétique tirée du langage populaire dans certaines communautés africaines.
Dans ce bel ouvrage qui est une présentation de la série télé congolaise éponyme, l’écrivaine et scénariste met en scène avec un zest d’humour le coté amusant du langage. Ainsi dans le rire, on s’instruit en découvrant ou réapprenant la signification et l’origine de plusieurs expressions que nous employons à longueur de journée comme l’expression « porter la culotte. »
Isabelle : Serge, toi tu blagues avec qui ? Hein ? Tu blagues avec qui même ? Je t’ai dit que c’est moi qui commande dans notre ménage !
Serge : Je sais ma biche.
Isabelle : dans ce cas, pourquoi tu as invité tes parents à manger demain sans pour autant me consulter ?
Serge : calme toi ma biche. C’est quand même mes parents. C’est normal que je les invite à venir gueuletonner et boire le coup…
Isabelle : Tssuiippp ! Je m’en fous ! Tu annules. Quand on veut venir manger chez moi on doit me prévenir 72 heures à l’avance. Tu as compris ?
Serge : oui oui oui oui ma biche. Comme tu voudras.
Et comme pour justifier son attitude indigne, Serge rétorque à une voix qui l’interpelle : Gars, on est au 21 eme siècle. Je fais comment !? (page 18)
Après la scénette, on apprend que cette expression date de la fin du XVIIIe siècle et s’emploie pour dire, dans le cas présent, que la femme détient l’autorité masculine au foyer.

Les 50 épisodes du scénario mettant chacun en exergue une expression sont tellement simples à lire qu’on peut rigoler en les parcourant tout en étant debout, assis, allongé, en transports en commun, en avion ou sur l’eau. Un ouvrage qui apporte par ailleurs des précisions lorsqu’il y a divergences entre lexicographes sur l’origine d’une expression. Dans ce troisième livre, l’auteur met en scène des expressions telles que : « prendre une veste, avoir le diable au corps, menteur comme un soutien gorge, vêtu comme un oignon, avoir un blanc, trouver chaussure à son pied, être dans les bras de Morphée,… » Et contrairement à ce que pourrait subodorer l’imaginaire collectif qui lui attribuerait une connotation sexuelle, l’épisode 22 nous apprend que, « avoir la banane » signifie avoir le sourire puisque la forme de la banane ressemble à celle de la bouche lorsqu’on sourit.

Comme il arrive parfois dans la vie que l’on « se retrouve dans de beaux draps, » à la page 137, l’écrivaine donne vie à cette expression de la manière suivante : Après la fin du générique, un homme qui se brosse les dents dit à la femme : Est-ce que t’a remboursé l’argent de la voisine ?
La femme : Ah chéri, j’avais besoin d’argent du coup je m’en suis servi
L’homme : Quoi ! Au lieu de rembourser l’argent d’autrui, tu as tout dépensé ? T’as oublié à quel point cette femme est violente ? Elle va te tabasser !
La femme : Je sais c’est pour ça que je m’enferme ici.

D’autre part, à propos de « casser du sucre sur le dos de quelqu’un, » l’écrivain Claude Duneton indique, que dans le « Dictionnaire de Trévoux », au XVIIIeme siècle, l’expression se sucrer de quelqu’un voulait dire le prendre pour un imbécile. En fait, ce texte plein de rires met en lumière le quotidien de toute société en encourageant le lecteur à prendre la vie du bon côté tout en évitant, bien sûr, de « se mettre la corde au cou. »
Eh ma copine ça fait longtemps, comment vas-tu ?
Moi ça va oooh et toi ?
Ça va, ça va, grâce à Dieu oh !
Et les amours ?
Eééh ma copine laisse, je me suis marié. C’est même à lui que j’ai passé la corde au cou récemment. (page 150)

Ainsi, pour ne pas se retrouver la corde au cou, il nous est préconisé, par exemple, dans la scène 47 située à la page 156, de « tourner sa langue sept fois avant de parler. » On découvre ensuite que ce proverbe de source biblique est du roi Salomon, qui dit : « Le sage tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. » Somme toute, le contenu de cet ouvrage rigolo est instructif. Mais au-delà de celui-ci, Marie-Françoise Moulady Ibovi fait honneur à la scène congolaise. Même télévisuelle, elle rappelle celle du cinéma congolais qui a connu ses heures de gloire dans les années 80 avec le film humoristique « La Chapelle » du regretté Jean-Michel Tchissoukou, sorti en 1979.

« Les z’expressions cocasses » de Marie-Françoise Moulady Ibovi (macha792002@yahoo.fr), éditions Edilivre, 180 pages,16 euros.i

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