«Lorsque les faits sont avérés, nous transmettons le ou les dossiers au procureur de la République qui engage des poursuites. La commission n’a pas compétence de les engager. Malheureusement, force est de constater qu’aucun de nos dossiers n’a fait l’objet d’une poursuite judiciaire», a indiqué le président de la Commission Nationale contre la Corruption, la Fraude et la Concussion (CNCCF), M. Lamyr Nguelé, le 28 juillet 2016 à Brazzaville.
M. Lamyr Nguelé, a fait cette déclaration au cours d’une conférence de presse ayant porté sur les activités menées par son institution au premier semestre 2016. Il a révélé à cet effet que le Plan d’action de
lutte contre la corruption, la concussion et la fraude et pour l’amélioration de la gouvernance au Congo, approuvé par décret présidentiel du 13 août 2009, prescrit à sa structure de tenir une conférence de presse semestrielle pour faire l’état des lieux de la lutte contre la corruption.
«Il y a à craindre que tout le travail que fait la commission soit annihilé par le silence du parquet. La commission n’a aucun moyen de droit pour contraindre le parquet ou le procureur à poursuivre coûte
que coûte les prétendus fraudeurs», a ajouté M. Lamyr Nguelé, précisant qu’«Il s’agit de l’accès à l’information du public qui est une exigence de la gouvernance à laquelle devraient se conformer toutes les entités étatiques ou privées», a-t-il précisé.
La Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude est née de la volonté du gouvernement de lutter contre ces fléaux qui minent l’économie du pays et partant, freinent le développement économique et social.
Selon l’orateur, des investigations menées par la Commission avaient montré que plusieurs chantiers étaient abandonnés dans les départements dans le cadre de l’exécution des marchés publics en ce
qui concerne la municipalisation accélérée. La bancarisation de la bourse des étudiants a aussi permis de faire disparaître des charges inhérentes au paiement. Ces enquêtes ont également permis la
réintégration dans le domaine public de certains biens de l’Etat spoliés, dans le cadre des dédouanements des marchandises. Les enquêtes ont révélé entre autres, un cas de flagrance avérée ayant permis d’établir un préjudice subi par l’Etat congolais à hauteur de 4 milliards 454 millions 136.490 FCFA.
« A notre avis, c’était un dossier difficile. Peut-être a-t-il trouvé que ce n’était pas le cas. C’est à partir de là que la commission ne peut plus rien faire », souligne Lamyr Nguelé.
De l’autre, la commission assiste le gouvernement dans la mise en œuvre de la politique de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude.
Répondant aux questions de la presse sur radio Congo, le 30 juillet 2016, le procureur général près le tribunal de grande instance de Brazzaville, M. André Oko Ngakala a méconnu l’existence de ces dossiers tout en indiquant qu’il les attendait tout en évitant toute polémique autour.
La commission n’est pas une juridiction répressive, pénale Le président Lamyr Nguelé a toutefois rappelé que la commission n’est pas une juridiction répressive, pénale ; qu’elle ne prend pas de mesures coercitives, c’est-à-dire privatives ou restrictives de liberté. Elle n’a pas les privilèges de la police judiciaire. «Elle n’est pas l’équivalent de l’ancienne cours révolutionnaire de justice pour statuer sur le détournement des deniers publics», a-t-il indiqué en substance.
Au sujet des constructions de plusieurs infrastructures immobilières par des particuliers, la commission s’est dite heurtée à la loi en vigueur. Selon l’orateur, il faut une nouvelle loi qui vienne amender la première.
Les secteurs les plus corrompus
Le président de la commission a aussi fait savoir que les secteurs les plus corrompus sont les douanes, les impôts et le trésor. Il a, par ailleurs, rappelé que l’indice de perception de la corruption au Congo
oscillait entre 2.1 et 2.3 dans les années 2015-2016, selon Transparency international.
Dans le secteur de la santé, la corruption perdure encore faute d’application effective des mesures de gratuité décrétées par le chef de l’Etat, sur les traitements contre la tuberculose, le VIH-sida, la
césarienne, les autres soins obstétricaux et le traitement du paludisme.
Dans les hôpitaux en effet, des agents véreux continuent leur macabre besogne qui consiste à soutirer des médicaments des sacs des personnes souffrantes et de les leur revendre. Les membres des familles de ces personnes sont obligés d’acheter ces médicaments pour réserver la vie de leur patient. «Si on n’achète pas leurs médicaments, ils rechignent à traiter la personne malade pour punir ceux qui ont refusé d’acheter leurs médicaments », a confié un parent dont le fils souffrait de diarrhée et vomissement.
La commission, un organe technique
La président Lamyr Nguélé a rappelé que la Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude était un organe technique qui assiste le gouvernement dans la mise en œuvre de sa politique de lutte contre cette antivaleur avec deux missions
essentielles qui sont le contrôle et l’enquête.
La commission a été créée en 2005 par décret présidentiel avant de l’être par la loi N° 5 – 2009 du 22 septembre 2009 sur la corruption, la concussion et la fraude et les infractions assimilées en République
du Congo. Cette loi prévoit, dans le cas de la corruption, en son article 3, pour tout acte de corruption un emprisonnement de deux à dix ans et une amende double de la valeur des promesses agréées ou des
choses reçues ou demandées, sans que ladite amende soit inférieure à 1.000.000 de francs CFA.
S’agissant de la concussion, cette loi stipule en son article 9, que tout fonctionnaire ou officier public, tout percepteur de droits, contributions ou deniers publics, leurs commis ou préposés qui auront reçu, exigé ou ordonné de percevoir pour droits taxes, contributions ou deniers ou pour salaires ou traitements ce qu’ils savaient n’être pas dû ou excéder ce qui était dû, seront punis, d’un emprisonnement
de deux à dix ans et leurs commis ou préposés, d’un emprisonnement d’un à cinq ans et dans les deux cas, une amende de 200.000 à 20.000.000 de francs CFA sera toujours prononcée.
Pour ce qui est de la fraude, l’article 10 précise que toute personne reconnue coupable sera punie d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende égale au moins au double de la valeur en deniers, de l’avantage procuré ou des droits éludés, toute personne qui, pour se procurer un avantage matériel ou moral indu.