Il était le dernier géant de la chanson congolaise. GANGA Edo est décédé à l’âge de 86 ans, le 07 Juin 2020 à Brazzaville. Il souhaitait franchir le cap de 87 ans le 27 octobre 2020. L’infatigable GANGA Edo a fini par s’éteindre, à l’âge de 86 ans.
Cette disparition, survenue entre son domicile de Mfilou et l’hôpital du CHU de Brazzaville, à la suite d’un malaise. Edo GANGA, on le sait, était souffrant depuis plusieurs années. Un SOS de votre serviteur il y a quelques mois pour sensibiliser l’opinion nationale sur l’état critique de sa santé est resté sans suite. Donc l’on ne doit pas s’en étonner.
Edo GANGA, le Patriache
Patriarche, Icône de la Rumba, Ganga Edo incarnait à lui seul l’histoire de la musique congolaise moderne. Star de grand talent (chanteur, compositeur, arrangeur ), il a su s’adapter aux tendances des époques qu’il a traversées en multipliant les succès, particulièrement dans les orchestres Negro-Jazz, OK Jazz et Les Bantous de la capitale.
Le grand « Edo » est bien ce chanteur ténor d’une originalité exceptionnelle qui est parvenu à créer un univers extraordinairement lyrique, où comme dans les grandes œuvres superbement structurées se sont mêlés avec beaucoup d’harmonies des arrangements constamment inspirés.
Dans sa recherche un peu folle d’une musique universelle et d’un art qui parle à tous, Edo avait intégré à son chant les musiques populaires qui lui semblaient le mieux opérer au premier degré : celles qui font danser. Ses chefs d’œuvres enregistrées avec l’OK Jazz, aux éditions Loningisa entre 1956-1958 et dans Les Bantous de la capitale, sont aujourd’hui des véritables classiques.
1 – Le plus grand mérite de la carrière de Ganga Edo
La cerise sur le gâteau du 59ème anniversaire de la République du Congo, a été son élévation au grade de commandeur dans l’ordre du mérite congolais (le seul à être décoré par le président de la république Denis Sassou Nguesso au cours du défilé marquant le 59ème anniversaire de l’indépendance du Congo qui s’était déroulé le 15 août 2019, au boulevard Alfred-Raoul à Brazzaville.)
Par cette décoration, Ganga Edo un artiste populaire, connu à travers le monde et aimé de millions de fans de toutes générations, ses centaines de chansons composées, aux dizaines d’albums vendus dans le monde entier, venait ainsi d’être solennellement glorifié par les ordres nationaux de son pays, en lui accordant des marques symboliques d’honneur et d’estime en reconnaissance de services rendus à la culture congolaise !
Mais le plus grand souhait du patriarche après sa décoration, était l’obtention d’une prise en charge médicale à l’étranger.
2 – Un film documentaire dédié à Ganga Edo
Il a été projeté le 12 Août 2019 à Brazzaville un film documentaire dédié à Ganga Edo, en présence de l’artiste et bien d’autres personnalités des deux rives du fleuve Congo.
Produit par la chaine Digitale Radio et Télévision (DRTV), sous la supervision de Paul Sony Benga son initiateur, le long métrage d’une heure vingt minute retrace le parcours du seul survivant des Bantous de la capitale.
3 – L’Arrondissement 07 Mfilou en question !
Ganga Edo habitait à Mfilou, dans le 7ème arrondissement de Brazzaville, où il était chef d’un quartier qui porte le nom de ”Mpiéré Mpiéré”. Pour récompenser son charisme et son dynamisme, le “Peuple” de Mfilou avait longtemps souhaité qu’une rue soit débaptisée pour porter le nom de l’artiste emblématique, mais le Conseil d’arrondissement n’a toujours pas examiné la question. Peut-être qu’avec sa mort, la question sera revue.
4 – Kinshasa, une pensée pour Ganga Edo
La famille musicale congolaise de Kinshasa et de Brazzaville avait souhaité fêter le 27 octobre 2020, avec beaucoup d’éclat les 87 ans de l’inamovible chanteur Edo Ganga, l’un des meilleurs de la musique congolaise de tous les temps, mais toutes les conditions ne seront plus réunies. Edo le méritait bien amplement, pour avoir longtemps évolué sur les deux rives du fleuve Congo. Tout, comme il a animé avec beaucoup de brio plusieurs organisations culturelles et syndicales des deux capitales les plus rapprochées au monde.
5 – La petite histoire d’Edouard Ganga « Edo », un géant de la rumba venu du Negro Jazz de Brazzaville
A 86 ans (né le 27 octobre 1933), Edouard Ganga Edo etait devenu le 27 octobre 2019, le chanteur de la musique congolaise le plus âgé, laissant derrière lui le chanteur Jeannot Bobenga, 85 ans, qui désormais occupe la première place.
Son secret de longévité
Mince et toujours souriant, Ganga Edo a toujours eu une hygiène de vie “saine” d’après ses proches. Il ne fumait pas mais ne disait pas non à un petit verre de vin à table ou un verre de bière, de temps en temps ! Toutefois, l’homme était réputé être travailleur, doux et gentil.
A 86 ans et écartant toute idée de retraite, Edo continuait à chanter momentanément avec son orchestre “Les Bantous de capitale” qui a totalisé 60 ans le 15 Août 2019.
Ganga Edo successeur du chanteur Philippe Lando « Rossignol »
Dès sa présence dans l’OK Jazz en Décembre 1956, Edo Ganga, s’etait attiré une réputation de chanteur de charme, par son élégante tenue sur scène et surtout par son timbre vocal, qui se révèlait d’une grande ferveur pour le successeur de Philippe Lando « Rossignol » qui peu après la création de l’OK Jazz, le 6 Juin 1956 a chanté en duo avec Vicky Longomba avant d’intégrer les Editions « Esengo » et cofondateur de l’orchestre Rock-A-Mambo en 1957.
Qui est Ganga Edo ?
Né sous le signe du scorpion, le 27 octobre 1933 à Léopoldville (alors Congo Belge), il fait des brillantes études à la célèbre école professionnelle de Brazzaville (aujourd’hui Lycée du 1er Mai) où il en sort en 1953 avec un CAP de menuiserie industrielle.
Ganga Edo, percussionniste d’occasion dans « Para Fifi » de Joseph Kabaselle en 1953
Edo, il faut le noter côtoyait déjà à cette époque des grands musiciens kinois dont il en était fervent admirateur, notamment Joseph Kabaselle. En effet, Edo qui savait si bien jouer à la percussion, va participer comme percussionniste à l’enregistrement en 1953 au studio Opika de la célèbre chanson « Para Fifi ». Un concours de circonstance, car Antoine Kaya « De Puissant » percussionniste titulaire était absent.
Ganga Edo, dessinateur-traceur menuiserie, et Footballeur dans Racing Club de Brazzaville.
En 1954, Ganga Edo rentre dans le monde du travail, comme dessinateur-traceur dans une industrie de bois au port de Mpila. à Brazzaville. Parallèlement, il donne le meilleur de lui-même dans la pratique du Football au Racing Club de Brazzaville sous la licence de la FIFA. Mais, c’est en musique qu’Edo Ganga manifeste le plus grand goût. Il s’essaie déjà à la composition et se confirme à la chanson dans laquelle on retiendra surtout le lyrisme chaleureux et plein d’élégance.
1954 – Année des grands enjeux : Agent de la Société Shell – Naissance d’Atomic Jazz et du Negro Jazz.
L’année 1954 est très déterminante et riche en évènements. Edo manifeste peu d’enthousiasme pour son premier emploi industriel, au point où il le quitte pour accepter un travail de bureau à la Société pétrolière SHELL de Brazzaville. C’est à ce moment qu’il rencontre les guitaristes Joseph Kaba et Nino Malapet (qui n’embauche pas encore le saxo).
Une rencontre extrêmement fructueuse, car aux deux guitaristes, s’ajouteront les chanteurs Ganga Edo et Bienvenu Beniamino et le percussionniste Marie-Isidore Diaboua « Lièvre ». Les cinq musiciens, vont effectuer le déplacement aux éditions Ngoma à Léopoldville (Kinshasa) pour l’enregistrement de deux disques sous l’appellation d’Atomic Jazz, dont les chansons « Vivita » de Ganga Edo, « Wapi Gigi » et « Atomic Jazz » de Nino Malapet et « Vergina mabé » de Joseph Kaba vont obtenir un succès mérité.
1954 – Naissance de l’orchestre Negro-Jazz de Brazzaville
« Atomic Jazz » cette petite formation a constitué en son temps, l’embryon de l’orchestre Negro Jazz de Brazzaville qui voit le jour dans la même année. C’est-à-dire en 1954 au dancing-bar « Chez Faignond ».
1954 – La navette Brazzaville – Kinshasa – 1955 Le Negro-Jazz s’installe à Kinshasa.
Toujours en 1954, et après avoir démissionné de la société SHELL, Edo partage désormais son activité entre Léopoldville où il a obtenu un nouvel emploi à la société Métallo, et Brazzaville où il occupe une place éminente dans l’orchestre Negro Jazz qui en Janvier 1955 – sous la houlette du musicien et impresario Henri Bowane – quitte Brazzaville pour s’installer à Kinshasa où il a l’occasion de perpétuer sa forme de musique que nombre de mélomanes kinois aimaient déjà profondément.
1955 – L’Orchestre Negro Jazz s’impose à Kinshasa. Ganga Edo, employé des Sociétés Sarma Congo puis Métallo.
Depuis lors le Negro Jazz s’est imposé à Kinshasa où sa renommée est devenue grande et sa musique riche en intensité rythmique. Ce qui lui vaudra un contrat de production avec Samuel Ebongue le propriétaire camerounais du mythique bar-dancing kinois « Air France ».
A cette satisfaction pour Ganga Edo de voir le Negro Jazz installé à Kinshasa, s’ajoute celle d’un autre emploi obtenu à Sarma Congo Kinshasa au détriment de la Société Métallo. En fait, Ganga Edo est parvenu depuis 1953 à évoluer cumulativement dans les entreprises commerciales et dans la musique d’orchestre.
1956 – Dissolution du Negro Jazz – OK Jazz Nouvelle formule. Duo chant Vicky-Edo
Au cours du deuxième semestre 1956, le Negro Jazz – qui a perdu Essous depuis 1955 au profit des éditions Loningisa, puis de l’OK jazz – suivi de la démission du chef d’orchestre Joseph Kaba, (qui a été remplacé par Guy Léon Fylla), se disloque à Kinshasa. Edo Ganga, Célestin Kouka, Nino Malapet et autres retournent à Brazzaville. Seul Nino Malapet est demeuré sociétaire des Editions Loningisa jusqu’au début de l’année 1957, après avoir effectué plusieurs enregistrements avec l’OK jazz (remanié).
En effet, Le 27 décembre 1956, Essous, Pandi, Lando « Rossignol », claquent la porte à l’OK Jazz, pour rejoindre Henri Bowane aux éditions Esengo et former au cours de l’année 1957, l’orchestre Rock-A-Mambo (que Nino Malapet rejoint au cours de la même année).
31 Décembre 1956 nouvelle formation de l’OK Jazz
Le vide laissé par les dissidents oblige Papadimitriou, le producteur grec de l’OK Jazz aux éditions Loningisa, de faire appel à Ganga Edo, Célestin Kouka et Nino Malapet, pour renflouer la nouvelle formation de l’OK Jazz qui a fait sa sortie dans la nuit de la Saint Sylvestre, le 31/12/1956, et composée comme suit : Luambo Franco (guitare solo) – Antoine Armando “Brazzos” (guitare rythmique) Daniel Loubélo “De la lune” (contrebasse) – Nicolas Bosuma “Dessoin” (percussions) – Nino Malapet (saxo) – Edo Ganga, Vicky Longomba (chant) et Célestin Kouka (maracasses- chant).
Dans l’OK Jazz, Edo qui a la lourde responsabilité de remplacer le grand ténor Philippe Lando « Rossignol » formera fort heureusement avec Vicky Longomba, le meilleur duo chant de l’histoire de l’OK Jazz. Edo dont le style est d’une irréprochable clarté et d’une rare élégance se démarquera dans les célèbres chef d’œuvre « Aimée wa bolingo » et « Zozo Kobanga te » qui ont su remuer les fibres secrètes de toutes les admiratrices congolaises de Ganga Edo.
En tout cas, l’essentiel de l’art de composer et de chanter de Ganga Edo sera très grande entre 1957 et 1959, période qui désigne des compositions construites avec des lignes mélodiques étonnantes de mobilité, comme “Zozo kobanga te”, “mabe nde kolimwa”, “A pobre de mi”, “oyo nde zoba”, etc.
1959 – L’Avènement de l’Orchestre Bantous
Avril 1959, quatre ans après une carrière bien méritée au sein de l’OK Jazz, Edo Ganga retourne au bercail et avec lui les anciens musiciens du Rock-A-Mambo et de l’OK Jazz originaires du Congo-Brazzaville, pour former le 15 Août 1959, au bar-dancing « Chez Faignond », l’Orchestre Bantous.
Chantant en duo avec Célestin Kouka, tous les deux anciens de l’OK Jazz, Ganga Edo tient à une réelle volonté de recherche et de dépassement dans sa brillante discographie aux éditions Ndombe en 1960/61.
1962- Retour dans l’OK Jazz de Ganga Edo et Loubélo “De la lune”
1962 – Il faut attendre le 11 Août, pour voir Ganga Edo et Daniel Loubelo « De la Lune » réintégrer l’OK Jazz. Une réintégration qui ne durera que deux ans, car en 1964, suite à l’expulsion des ressortissants du Congo Brazzaville, par Moïse Tchombe, premier ministre du Congo-Kinshasa, Edo et « De la Lune » sont de nouveau à Brazzaville.
1964 – Ganga Edo réintègre Les Bantous – Loubélo « De la lune » crée l’orchestre Tembo
1964 – Loubélo « De la Lune » crée l’orchestre Tembo, tandis qu’Edo rejoint Les Bantous de la capitale, où désormais il recherche dans ses œuvres des principes originaux, dont la virtuosité vocale est l’élément dominant.
1972 – Orchestres Les Nzoys et le Peuple (du Trio CEPAKOS)
Nonobstant l’instabilité manifeste, observée entre 1972 et 1999 en évoluant successivement dans les orchestres « Les Nzoys » et « Le Peuple », Edo a réintégré Les Bantous de la capitale en 2006, à la suite de la grande réconciliation obtenue par Maitre Martin Mbemba, laquelle a permis à l’orchestre de redoré son blason.
Ganga Edo, une valeur sûre de la musique congolaise
A 86 ans d’âge et 65 ans de carrière musicale, Ganga Edo était demeuré toujours, une valeur sûre de la musique congolaise. Très dynamique, sa contribution à l’épanouissement de plusieurs organisations socio-culturelles, comme l’UNEAC (Union Nationale des Ecrivains et des artistes Congolais), l’U.M.C. (Union des Musiciens Congolais) et le CESYCA (Syndicat des artistes congolais) a longtemps été d’une efficacité extraordinaire.
Avant sa mort Ganga Edo était le dernier co-fondateur brazzavillois de l’Orchestre Bantous, sur le nombre de six qu’ils étaient en 1959 (Essous, Malapet, Loubélo, Kouka, Pandi et Ganga) – Actuellement c’est le kinois, guitariste-solo, Nicolas Dicky Baroza (81 ans) qui est le dernier cofondateur encore en vie, (sur les deux kinois qu’ils étaient le 15 Août 1959, notamment, le regretté guitariste-rythmique Jacques Dignos.)
Pensée sincère à l’artiste. Que Dieu le remplisse d’amour et de bénédictions.
Clément OSSINONDE