TRIBUNE. L’enseignement supérieur est depuis longtemps associé de manière positive au développement économique. Si les définitions et les contextes peuvent varier, l’enseignement supérieur désigne généralement tout développement formel des compétences au-delà du lycée ou de l’école secondaire. Ces programmes peuvent aller de la licence et des diplômes aux formations accélérées et aux cours de certification à court terme.
En Afrique subsaharienne, il n’est pas surprenant que la demande d’enseignement supérieur continue de croître, car les pays de cette région réalisent qu’ils doivent préparer leur jeune main-d’œuvre à faire preuve de compétences susceptibles de catalyser la croissance économique, afin de rester compétitifs dans le contexte actuel de mondialisation.
Si cette croissance de la demande est une excellente nouvelle pour le continent, elle dépasse l’offre actuelle d’enseignement supérieur de qualité. Ce déséquilibre a été alimenté par la hausse des effectifs dans l’enseignement primaire et secondaire inférieur. Bien que le taux de fréquentation brut dans le secteur de l’enseignement supérieur ait augmenté à un rythme annuel moyen de 1,5 % de plus que la moyenne annuelle mondiale entre 1970 et 2013, la région continue d’afficher le taux de fréquentation le plus faible du monde dans l’enseignement supérieur.
Actuellement, seuls 9% des jeunes Africains ont accès à l’enseignement supérieur, et 54 % des employeurs africains déclarent que les demandeurs d’emploi locaux n’ont pas les compétences correspondant aux besoins du secteur. D’ici 2050, près de 50 % des emplois seront remplacés par la technologie et les nouveaux emplois exigeront des compétences différentes et de plus haut niveau. Il est donc urgent d’aligner les résultats entre le développement des compétences et le marché du travail, et de faire en sorte que tous les jeunes aient la possibilité de participer de manière significative au développement socio-économique.
L’un des principaux facteurs influençant l’accès aux programmes d’enseignement supérieur est le financement. Les prêts étudiants, bourses et subventions traditionnels, bien qu’utiles, n’ont pas été entièrement efficaces ou efficients pour résoudre le problème de l’accès limité à une masse critique qui peut faire une réelle différence dans les perspectives de croissance économique d’un pays. Bien que les bourses d’études et les prêts étudiants du gouvernement n’exigent pas de garantie, les budgets sont souvent insuffisants pour répondre à plus de 30 % de la demande. Les prêts bancaires exigent des garanties et le paiement d’intérêts pendant la période d’études, ce qui les rend inaccessibles à la plupart, notamment aux femmes.
Les accords de partage des revenus (ISA) constituent une approche novatrice du financement de l’enseignement supérieur sur le continent. Les ISA s’appuient sur le concept d’investissement en actions en faveur d’un individu, ce qui permet aux investisseurs d’acheter des « parts » de ses futurs revenus tout en contribuant à la valeur sociale par le biais d’une autonomisation durable. Les étudiants reçoivent des fonds sans intérêt pour couvrir leurs frais de scolarité à condition qu’ils acceptent de verser au prêteur une fraction déterminée de leurs futurs revenus. En concentrant ces investissements sur des individus, les prêteurs sont en mesure de compenser les risques, car les rendements des personnes à haut revenu couvrent les pertes potentielles des personnes à faible revenu.
L’un des arguments de vente uniques des ISA est qu’ils peuvent être très axés sur les étudiants, et ce de trois manières principales. À la base, un ISA est un prêt non garanti, de sorte que les jeunes issus de communautés marginalisées n’ont pas besoin de fournir de garantie pour y accéder. Le modèle évalue le revenu potentiel futur d’une personne plutôt que sa situation financière et ses actifs actuels. Ensuite, les étudiants ne remboursent que lorsqu’ils gagnent plus qu’un seuil de revenu minimum, ce qui évite tout risque de surendettement. Les paiements représentent toujours un pourcentage fixe du revenu de l’étudiant. Enfin, ils sont flexibles et permettent des pauses, par exemple si une personne est entre deux périodes d’emploi, si elle poursuit des études supérieures ou si elle est en congé de maternité non rémunéré.
Le concept des ISA a été développé par Milton Friedman dans son essai de 1955 intitulé, « Le Rôle du Gouvernement dans l’Education. » Il a depuis été adopté par de nombreuses institutions à travers le monde, dont Chancen International. Le modèle ISA de Chancen garantit le risque au niveau institutionnel – en ne s’associant qu’avec des institutions et des programmes d’éducation qui fournissent régulièrement des compétences de haute qualité et pertinentes pour le marché, comme en témoignent les solides preuves d’emploi des diplômés. Suite à la réussite d’un projet pilote d’ISA de trois ans au Rwanda, Chancen International a lancé le Future of Work Fund (FWF), doté de 21 millions de dollars, afin de permettre à 10 000 étudiants marginalisés d’accéder à une éducation supérieure de qualité menant à un emploi.
Les résultats attendus du fonds soutiendront l’objectif du Rwanda de fournir un accès universel à une éducation de haute qualité pour tous les citoyens et aideront à atteindre la vision 2050 du pays, qui consiste à créer 250 000 nouveaux emplois chaque année. En 2021, Chancen a lancé des opérations en Afrique du Sud grâce à un partenariat avec WaFunda et cherchera à étendre le modèle du FWF au Kenya en 2023.
Il est urgent d’investir davantage dans des solutions durables de financement des étudiants, car l’impact individuel et intergénérationnel d’une éducation supérieure de haute qualité a été bien documenté. Ces solutions devraient également être réglementées conformément aux meilleures pratiques éthiques afin de garantir une protection fondamentale des consommateurs. Grâce à son travail, Chancen espère réaffirmer le statut de l’éducation comme un impératif économique. Le modèle est équitable et innovant et cherche à établir un cycle durable d’investissement et de croissance dans les jeunes de la région. Comme l’a récemment déclaré un investisseur clé, « lorsque les étudiants de Chancen réussissent, le fonds fait de même. » À l’avenir, Chancen espère voir davantage de modèles de financement des étudiants qui comprennent les incitations entre les investisseurs, les prestataires de services éducatifs et les étudiants.
Par Batya Blankers
Cofondatrice et directrice générale de Chancen International