La cité des 17 transformée en décharge publique

La Cité des 17 est devenue, 38 ans après la conférence de Brazzaville qui lui a donné sa dénomination, une véritable décharge publique où des camions de certaines maries d’arrondissement pleins d’ordures ménagères et des poussepousses ainsi que des moto-remorqueurs vont y déverser à longueur de journées leurs contenus sans tenir compte de ce que cet endroit est aujourd’hui un quartier très habité de l’arrondissement 7 Mfilou.

Ce site qui ploie sous le poids de sacs d’ordures ménagères, de brisures de bouteilles et de pierres venant de chantiers est malheureusement un lieu chargé d’histoire qui mérite d’être classé dans le cahier du patrimoine congolais et donc sauvegardé. Il serait de ce fait géré par le ministère de la culture et des arts comme le musée d’histoire et de la vie politique logé dans l’enceinte du musée Marien Ngouabi.

La cité des 17 est aussi devenue une espèce de refuge de bandes de jeunes gens désœuvrés qui y passent leur temps à crier et à discuter de divers sujets qui les intéressent. Des chauffeurs de bus et leurs assistants ainsi que ceux qui conduisent des taxis dans la ville y vont pour vider leurs ventres et leurs vessies. Les violeurs, les drogués, les voleurs et les débiles mentaux trouvent aussi en ces lieux un champ de prédilection où ils interpellent des jeunes filles avant de les couvrir d’injures. C’est là que les agents de la police ont opéré plusieurs arrestations lors de l’opération «Mbata ya bakolo».
Cette cité des 17 a connu les affres de la guerre du 5 juin au 15 octobre 1997, ayant conduit à sa destruction et son état actuel. Aux lendemains de cette guerre, on pouvait encore voir des lieux de bivouac des militaires et des milliers de douilles sur le macadam.
La cité des 17 est indubitablement un des poumons écologiques de la ville de Brazzaville avec ses filaos, ses eucalyptus, ses palmiers et autres arbres qui pourvoient le quartier en quantités non négligeables d’oxygène. C’est aussi un espace artistique avec ses graffitis. Des élèves et étudiants qui préparent leurs examens l’ont transformée en espace de travail. C’est également un terrain d’entrainement des sportifs tels que les pratiquants du Karaté et autres arts martiaux qui y répètent leurs katas. Des acteurs de théâtre aussi viennent roder leurs voix.
Outre cette catégorie de jeunes, la cité des 17 sert souvent de lieu de formation pratique des agents de la police.

Un lieu historique
Selon le directeur général du patrimoine au ministère de la culture et des arts, cet endroit peut être classé au patrimoine nationale, M. Samuel Kidiba, au regard de l’importance de la réunion qui y ont lieu et du nombre de chefs d’Etat qui y ont séjourné.
La Conférence de Brazzaville ou Conférence des États d’Afrique centrale et orientale qui a donné son nom à cette partie de Brazzaville avait connu la participation des présidents Marien Ngouabi du Congo (pays hôte) ; Michel Micombero du Burundi ; Omar Bongo du Gabon ; Francisco Macias Nguema de la Guinée Équatoriale ; Jomo Kenyatta du Kenya ; Hastings Kamuzu Banda du Malawi ; Général Idi Amin Dada de l’Ouganda ; Maréchal Jean Bedel Bokassa de la République centrafricaine ; Général Juvénal Habyarimana du Rwanda ; Général Mohammed Siad Barre de la Somalie ; Général Ghafar El Nimery du Soudan ; Julius Nyerere de la Tanzanie ; Ngarta Tombalbaye du Tchad ; Général Mobutu Sese Seko du Zaïre ; Kenneth Kaunda de la Zambie et l’Empereur Hailé Sélassié d’Ethiopie.
La cité des 17 est donc le fruit d’une conférence internationale qui s’est tenue, du 30 août au 2 septembre 1976 à Brazzaville. Seize (16) villas d’abord avaient été construites avant d’en construire une 17ème avec l’arrivée du Cameroun.
Les chefs d’État participant à cette conférence de Brazzaville, recherchaient les voies et moyens pour accélérer le processus de libération du continent et s’était achevée par une Déclaration dite de Brazzaville.
La cité des 17 a aussi servi de résidence à certaines autorités politiques en exercice à leur époque. On peut citer le président du Sénat pendant le pouvoir de 1992 à 1997, M. Augustin Poignet et le Premier ministre du gouvernement de transition 40/60, M. Claude Antoine Da Costa sous le régime du Président Pascal Lissouba.
Elle a également été un lieu de détention de certaines personnalités politiques pendant des années. C’est ainsi qu’on peut se souvenir qu’au lendemain de son éviction du pouvoir en 1979, l’ancien président du Comité militaire du parti (CMP), le général Jean Jacques Yhombi-Opango, au même titre que MM Claude Ernest Ndalla Graille et Jean Pierre Thystère Tchicaya.

Un site humanitaire d’importance
Elle a joué un grand rôle humanitaire lors des explosions du 4 mars 2012 ayant tué plusieurs citoyens congolais et étrangers. Le Chef de l’Etat et son épouse ainsi que plusieurs personnalités dont le maire de la ville ont rendu visite à des compatriotes déplacés du fait de ces déflagrations et les blessés. A ce jour, après la fermeture de ce site humanitaire par le gouvernement qui a relogé ces personnes sinistrées à Kintélé, l’endroit est redevenu un gite à débiles mentaux, fumeurs de chanvres et autres violeurs. Le feu y est en permanence, on y remarque une fumée qui monte vers les cieux et des enfants qui farfouillent dans les sacs ou les tas d’immondices pour trouver ce qui peut être pour eux un trésor.
Des toilettes dont les portes ont été emportées et quelques maisons construites en urgence lors de cette transformation de ce lieu en site humanitaire sont encore visibles. L’état d’abandon de ce site l’expose désormais aux ravinements et à des prédateurs qui vont y couper du bois.

Un site touristique méconnu
Les gestionnaires du secteur touristique congolais ne savent peut-être pas le rôle culturel que joue cette cité. Ils ne savent pas que des ressortissants de pays ayant pris part à ce sommet peuvent revenir s’y ressourcer, le revisiter. Ils ne savent également pas que ce lieu est porteur d’une certaine charge émotionnelle, culturelle et historique et pourrait gagner à être sauvegardé.
La délégation générale aux grands travaux avait annoncé que ces lieux devraient accueillir un projet de construction d’un centre hospitalier et universitaire (CHU) d’abord et d’un hôpital de traitement du cœur ensuite.

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