Roumanie/Maria Coman. L’unité de la matière et de l’esprit
ARTS. Dans leurs processus artistiques, les œuvres de l’artiste-peintre roumaine Maria Coman donnent lieu à des propositions intrinsèquement contemporaines, dans une sorte d’impermanence atemporelle, de temps étiré. Ses œuvres sont surtout l’aboutissement de ses recherches, études de styles visant la définition, la jonction entre le paysage quasi-réaliste et la poéticité du monde. Cette plasticienne chevronnée se base sur ces éléments du vocabulaire formel de son œuvre graphique pour nous révéler les richesses de la nature et ses composantes ainsi que ses songes, sa vision, sa perception du monde. Jean Jacques Rousseau dit : «J’ai appris par ma propre expérience que la source du vrai bonheur est en nous». Et pas ailleurs. C’est avant tout cette liberté de créer que l’artiste-peintre Maria Coman aime et par laquelle elle se définit. Une expérience rare, mais porteuse, dans la manière de vivre et de penser l’art, chez cette plasticienne inclassable pour qui la lumière et la couleur sont les véritables compagnons de son parcours. N’avoir besoin que de l’évasion, dans la solitude pour trouver le bonheur, Maria rejoint l’idée rousseauiste dans ses Promenades d’un tableau à l’autre, comme des fenêtres ouvertes… Quant à ses choix, ils se font généralement par impulsions. Mais quand viennent les couleurs, sa liberté se débride. Ici, aucune règle et surtout pas de fonction descriptive ou narrative. Et au fil du temps, Maria Coman se crée un univers d’émotions matérialisées par des couleurs et des formes. Elle s’appuie sur son propre terrain fertile en thèmes et en sujets et fait appel à l’imagination, son précieux outil, lui accordant le premier rôle et l’autorisant à s’ébattre en toute liberté et fantaisie. Elle fait confiance également à ce riche substrat de matières variées qui couvent en lui dans les tréfonds de sa psyché et qui est fait de souvenirs, d’expériences marquantes, de rêves, d’idéaux, de toute une symbolique personnelle, nourrie de ses innombrables voyages. Tout cela se bouscule sur la toile en voisinages inattendus, suscitant chez le spectateur la surprise et le questionnement. Le rapprochement est tantôt éloquent, tantôt obscur, jusqu’à ce que l’effort soit fait de se laisser inviter dans cet univers et de s’en imprégner. Dans l’univers pictural de cette artiste-peintre roumaine, cette approche esthétique devient un rituel et un acte de représentation. C’est une approche critique de l’art contemporain, inséparable de la réalité et de son humanisme, contrairement aux représentations orientalistes qui ne voyaient pas l’humain et qui se préoccupaient surtout de leurs propres projections et de leur désir. De plus, elle les a transformées en sujets sur la toile, en réappropriant la surface de l’image. La lumière est très importante pour son travail surtout dans ses natures mortes. Décidément, ses œuvres sont tout droit sorties du mental de l’artiste pour ravir le regard du spectateur. Cette recherche du Beau, recherche constante, malgré les vicissitudes de la vie, est amplifiée, à y voir de plus près, grâce à des techniques et styles mêlés notamment l’impressionnisme et l’expressionnisme. Toujours à la recherche du beau et un certain goût du bonheur, ses œuvres défilent sous nos yeux, des formats différents qui forment un tout cohérent et qui définissent bien le caractère et le style de l’artiste. Cette quête et reconquête du bonheur de vivre et de découvrir les choses de la vie est le propre de l’univers de notre plasticienne quand il est possible de découvrir le patrimoine artistique et culturel du monde à travers ses nombreuses richesses humaines aussi. Celles de la citoyenneté et des libertés que les vrais artistes s’autorisent à conquérir même par la force. La force ? Oui, le chemin intérieur et la force de l’imaginaire qui plane au-dessus des misères du monde? Loin des diktats du marché, Maria, elle, cherche à célébrer l’unité de la matière et de l’esprit, mais l’esprit est bien ce qu’elle aspire à garder intacte en elle. Bref, la palette est vibrante de transparences, au sein d’un geste sûr, magistral, poétique et émouvant. Les trouées de lumière nous entraînent au-delà même des limites du tableau. Devant ces frémissements de lumière, le souvenir de Monet s’empare de nous. C’est pourtant un autre monde, mais c’est bien la même magie. Ayoub Akil
Maroc/L’artiste-peintre Faiza Khurram. Un goût prononcé pour la spiritualité
ARTS. Dans les œuvres de l’artiste-peintre pakistanaise Faiza Khurram, le geste est chant, la couleur est rythme et les nuances des fragments de mémoire, de récit et de poème en pleine genèse. Ce plasticienne à la touche impressionniste, néo-figuratif, abstraite lyrique, entre autres styles, qui vit et travaille à Karachi, la capitale économique et financière du pays, a choisi dans ses travaux récents d’exprimer sa perception du monde avec beaucoup de rhétorique et de métonymie, avec un goût prononcé pour la spiritualité. De même que dans l’écriture, les lettres de l’alphabet constituent un outil de communication avec l’intellect, dans les compositions picturales de Faiza Khurram, ce sont les formes et les couleurs. Cette composition a le pouvoir de parler à l’âme de celui qui la regarde en silence et sans l’intervention inutile de l’artiste. Elle porte en elle sa signification authentique; il suffit à celui qui la regarde de comprendre cette vérité. En témoignent ses œuvres « Amour spirituel», « Histoire d’Adam et Eve», entre autres portraits et récits picturaux littéraires et philosophiques… Au cours de la réalisation de l’œuvre, la seule préoccupation de l’artiste Faiza est la recherche de l’équilibre. Dans ses peintures, les figures de base ont toujours été intégrées à l’esquisse d’un paysage donné, avec des constructions qui essaient de mettre de l’ordre dans le chaos du monde tel qu’elle le perçoit. Les couleurs dominantes se marient aux multiples nuances des autres couleurs, créent des compositions aux multiples surfaces contrastées, avec une mise en lumière parfaite et maîtrisée. Le principal changement de rythme est dans la structuration même de l’espace: ses évasions ultra-romantiques occupent désormais la place centrale de l’espace pictural. La réflexion technique de notre artiste-peintre se métamorphose ainsi en méditation spirituelle. Le peignage des plages colorées rappelle les pratiques des miniaturistes et le sillonnement des jardins zen, lieux de méditation par excellence. Qu’on le veuille ou non, bien qu’elle soit toujours dans la recherche et l’expérimentation, Faiza reste fidèle à son vocabulaire formel et chromatique au-delà de la finalité qu’elle lui assigne. L’espoir existe donc, en dépit de tout, au sein de la plus obscure des nuits. C’est normal : l’art n’exorcise-t-il pas, ne conjure-t-il pas les démons, ne sauve-t-il pas la plasticienne, n’est-elle pas l’un des exercices majeurs des hautes traditions spirituelles ? Mais, en tout cas, pour cette artiste- peintre, c’est l’espoir d’une évasion de la peinture: comme le poète n’habite pas une terre mais une langue, l’artiste-peintre n’habite pas le monde mais la peinture. C’est la seule mère-patrie dont personne ne peut l’expulser. La peinture est son territoire inaliénable, son paradis retrouvé. Faiza s’inspire ainsi de sujets oniriques, ou fantasmagoriques mais ses œuvres restent cependant fidèles à la réalité de formes. Elles déroutent, interrogent, dégagent de la poésie. La splendeur et l’élégance de ses œuvres sont le fruit d’un travail particulièrement humain. Sa sensibilité aiguë à l’atmosphère, la sûreté de la composition, le contrôle exceptionnel de la palette caractérisée par une tonalité sourde, contrebalancée par les couleurs, sont tout simplement magnifiques. Le chromatisme vif et contrasté de ses peintures ne dépend que des rapports des tons entre elles, selon les surfaces qu’elles animent, de manière totalement subjective. Sur le plan sémiologique, la peinture de Faiza n’est pas de l’art brut, mais une peinture ressaisie par le savoir de ses éléments les plus fondamentaux. Elle nous fait alors voyager à travers ses œuvres presque sans mot dire, pour nous faire découvrir le monde tel qu’elle le ressent, pense, voit et perçoit. Le regard à l’œuvre découvre alors des silhouettes suggérées qui évoluent si librement dans l’espace. Suggérées car les formes restent avant tout allusives, comme si les êtres devaient se fondre avec la nature, dans une harmonie qui exclurait toute vaine tentative de domination. Bref, l’art que Faiza Khurram nous donne à voir et à apprécier est en mouvement, en ébullition constante sans règles établies. Ici, chaque tableau est une découverte, mais aussi une nouvelle expérience picturale pour son créateur. Son processus prend source dans la mémoire. Et les émotions sont presque palpables. C’est dans son silence acharné, sa mystique abrupte et l’instinct de la transcendance que notre artiste a su puiser dans son génie, sa passion du jaillissement et son sens inné de créer l’union dans la diversité. Aboutissement : une œuvre riche qui dépasse le jeu des formes, des apparences, pour recueillir ce qui est au cœur des choses, l’esprit du concret. Ayoub Akil
Maroc/Exposition. Le jazz et le blues dans la palette de Marouane Aouinate
ARTS. En marge de la 25 e édition du Festival Jazz in Challah, prévu du 29 septembre au 2 octobre 2022 à l’intérieur des remparts de Chellah à Rabat, l’artiste visuel marocain Marouane Aouinat expose ses œuvres récentes dédiées aux musiques jazz et blues. Cette exposition, dont le vernissage aura lieu le 28 septembre à la Galerie d’art Miloudi Nouiga de Rabat, se veut un vibrant hommage, en noir et blanc, aux figures de proue de ces deux musiques millénaires. Féru de jazz et de blues, le plasticien Marouane Aouinat a choisi de dédier sa récente série d’œuvres en noir et blanc aux figures emblématiques des musiques jazz et blues. Doublées d’une technique mixte (peinture à l’huile, acrylique sur toile, dessin contemporain, fragments, contrastes…), ses œuvres, qu’il exposera du 28 septembre au 5 octobre 2022 à la Galerie d’art Nouiga de Rabat, affiche tout son talent mais aussi tout son amour inconditionnel pour ces deux genres musicaux élitistes. Inscrite dans le cadre de la 25 e édition du Festival Jazz au Chellah, cette exposition prouve que la musique et les arts visuels sont unis par des liens anciens mais parfois complexes: un vocabulaire commun (ton, ligne, harmonie), mais sans recourir au même sens ; une recherche de correspondances entre couleurs et notes de la gamme plus ou moins pertinente. Et Si musiciens et instruments de musique figurent depuis longtemps dans les arts visuels, dans les œuvres de Marouane Aouinat, lui-même musicien multi-instrumentiste, les liens entre peinture et musique se resserrent, s’entrelacent et dialoguent. Il y introduit une temporalité plus longue qui le rapproche de celle de la musique. Dans cette série d’œuvres expressives, pour Marouane Aouinat, native de Rabat en 1987, ex- leader du groupe Afrikulture, une formation de la world music, il s’agit d’un devoir de la mémoire pour rappeler les conditions dans lesquelles est née la musique jazz: l’époque des plantations aux Etats-Unis, la ségrégation, la discrimination, le racisme, l’esclavage…Le Jazz a été un important vecteur pour dénoncer les inégalités aux États unis. Il s’est révélé utile lors du mouvement des droits civiques. «Les ténors de cette musique n’ont pas manqué d’apporter leur touche à travers des titres poignants mettant la lumière sur des réalités de l’époque. Ils ne se sont pas limités à la mélodie mais portaient aussi dans leur musique une âme avec laquelle ils se sont battus pour un monde plus juste», explique à ce propos Marouane Aouinat. Dans sa série d’œuvres, il retrace également toutes les mutations, les transitions, l’évolution du jazz à travers les générations. Il nous explique ainsi comment aux États-Unis, les Noirs, toujours sous le joug de l’oppression, avaient créé leur propre musique issue du blues, des spirituals, des fanfares et des rythmes hérités de leur passé africain. Mieux encore, Marouane Aouinat met en avant les aspects instrumentaux de cette musique : la chaleur de la guitare, les partitions du piano, la cambrure rythmique de la contre-basse et des drums, l’énergie de la trompette et de la clarinette, les contre-temps, les claquettes… Cette exposition s’articule également comme un parcours d’éveil et de sensibilisation au Blues. Né des worksongs des premiers esclaves africains sur le sol américain, le Blues a enfanté pratiquement tous les courants musicaux que l’on appelle aujourd’hui « musiques actuelles ». C’est ce que confirme aussi Marouane. «On ne peut comprendre l’épopée du Blues sans la replacer dans son contexte socio-historique. Les migrations, la traite des Noirs, la ségrégation, l’exode rural, l’urbanisation, les crises, les guerres, les luttes pour les droits civiques, etc…n’auront cessé de tracer les nouveaux chemins du Blues et d’écrire l’une des plus belles et passionnantes aventures musicales du 20e siècle. C’est très justement ces portées historique, humaine et artistique que je voudrais exprimer à travers cette série d’œuvres», conclut-il. Ayoub Akil
Maroc/Arts plastiques. Dounia El Hajjaji ou l’art de la résonance intérieure
Dans la peinture de la plasticienne marocaine Dounia El Hajjaji, le geste est chant, la couleur est rythme et les nuances des fragments de mémoire, de récit et de poème en pleine genèse. Cette doctorante, native de Fès en 1987, a choisi dans ses travaux récents d’exprimer sa perception du monde avec beaucoup de rhétorique et de métonymie. Cette frénésie se manifeste de façon palpable dans l’ensemble de ses travaux qui sont aussi et surtout le fruit de plusieurs décennies de recherches picturales focalisées notamment sur la lumière, les formes, les couleurs et le trait. Observatrice attentive du monde, Dounia El Hajjaji a su progressivement se libérer du poids des choses, dépasser le jeu des formes, des apparences, pour recueillir ce qui est au cœur des choses, choisir l’esprit du concret. Mais ses œuvres n’en ont jamais pour autant perdu leur saveur, cette véracité qui fait le regard toujours complice des choses avec lesquelles, elle entre en contact. C’est même l’origine et la raison d’être de son travail pictural dénonçant implicitement le matérialisme de notre ère provoquant la perte de notre âme. C’est dire que l’œuvre de Dounia favorise à la fois l’aspect extérieur par son harmonie des formes et des couleurs, et la résonance intérieure, celle de l’âme. Elle s’appuie sur son propre terrain fertile en thèmes et en sujets et fait appel à l’imagination, son précieux outil, lui accordant le premier rôle et l’autorisant à s’ébattre en toute liberté et fantaisie. Elle fait confiance également à ce riche substrat de matières variées qui couvent en elle dans les tréfonds de sa psyché et qui est fait de souvenirs, d’expériences marquantes, de rêves, d’idéaux, de toute une symbolique personnelle, nourrie de ses expériences. De l’existence de l’homme à sa condition, en passant par sa place dans l’univers, sa finitude, sa disproportion, se manifeste l’immense filet de son expression artistique philosophique, spirituelle et poétique. Tout cela se bouscule sur la toile en voisinages inattendus, suscitant chez le spectateur la surprise et le questionnement. Son œuvre prend alors un caractère contemplatif tout à fait prémonitoire. Ces derniers travaux sont à l’image de la palette riche de cette artiste qui a depuis toujours inscrit son œuvre dans un processus favorisant l’évolution des mentalités, de la réflexion et donc de la spiritualité. Dans son univers, Dounia ressent ce besoin incessant de s’élever et d’avancer, lentement mais sûrement. Il est question d’une recherche perpétuelle de la profondeur de l’œuvre qui permet l’éveil spirituel. L’œuvre de Dounia ressemble le plus à son âme comme à ses émotions, qui sont toujours à fleur de peau. La superposition des couches de couleurs, les nuances des tons insufflent un effet magique à ses œuvres. Des contrastes forts et harmonieux, distribués en équilibre sur la surface des toiles chargées de détails, surprennent le regard et participent à la singularité de l’ensemble. La réflexion technique de Dounia El Hajjaji se métamorphose ainsi en méditation quasi-spirituelle. Le peignage des plages colorées rappelle les pratiques des miniaturistes et le sillonnement des jardins zen, lieux de méditation par excellence. Qu’on le veuille ou non, bien qu’elle soit toujours dans la recherche et l’expérimentation, Dounia reste fidèle à son vocabulaire formel et chromatique très signifiant en dépit et au-delà de la finalité qu’elle lui assigne. L’espoir existe donc, en dépit de tout, au sein de la plus obscure des nuits. Pour cette artiste- peintre, l’espoir d’une évasion de la peinture : comme le poète n’habite pas une terre mais une langue, le peintre n’habite pas le monde mais la peinture. C’est la seule mère-patrie dont personne ne peut l’expulser. La peinture est son univers inaliénable, son paradis retrouvé. A ce titre, il est très important de rappeler que, dans ce processus de réalisation, Dounia est une artiste, comme une voyageuse qui, pour la première fois, effectue un voyage vers une destination inconnue, via un certain itinéraire, elle sait qu’elle est sensée marcher, mais ne sait pas ce que le voyage lui réserve comme paysages. C‘est seulement, une fois que le voyage est terminé qu’elle peut décrire ce qu’elle a fait et ce qu’elle a découvert durant son itinéraire. Ainsi l’autonomie et l’indépendance de son œuvre lui permettent de s’exprimer indépendamment de sa peinture elle-même. Il faut dire en fin que dans l’univers pictural de Dounia El Hajjaji, cette approche esthétique devient un rituel et un acte de représentation. C’est une approche critique de l’art contemporain, inséparable de la réalité et de son humanisme, contrairement aux représentations orientalistes qui ne voyaient pas l’humain et qui se préoccupaient surtout de leurs propres projections et de leur désir. Ayoub Akil
Exposition: L’œuvre de l’artiste Marouane Aouinat s’invite à New York
ART. L’artiste-peintre visuel marocain Marouane Aouinat dévoile ses œuvres récentes à la galerie Jerald Melberg de New York City aux Etats-Unis d’Amérique en hommage aux figures incontournables de l’Histoire de la musique Jazz. Cette exposition est un superbe cadeau pour les mélomanes de cette musique savamment chaloupée et planante. En noir et blanc, ses œuvres doublées d’une technique mixte (peinture à l’huile, acrylique sur toile, dessin contemporain, fragments, contrastes…), cette récente série d’œuvres affiche tout le talent de cet artiste, lui-même musicien de jazz, touche à tout. On ne le dira jamais assez! Le jazz est une musique élitiste. Marouane Aouinat en est conscient. Mais nourri de son amour pour cette musique millénaire, l’artiste visuel décide de dédier toute sa récente série d’œuvres aux figures de proue du jazz depuis sa naissance jusqu’aujourd’hui. Comme une pomme que l’on croque à pleines dents, cette collection d’œuvres en noir et blanc, Marouane y a mis tout : son coeur, ses états d’âme, sa passion pour le jazz pour faire foi d’une identité inépuisable. Il s’agit pour lui d’un devoir de la mémoire pour rappeler les conditions dans lesquelles est née cette musique : l’époque des plantations aux Etats-Unis, la ségrégation, la discrimination, le racisme, l’esclavage…C’est avant tout une démarche de déportés. Le Jazz a été un important vecteur pour dénoncer les inégalités aux États unis. Il s’est révélé utile lors du mouvement des droits civiques. Les ténors de cette musique n’ont pas manqué d’apporter leur touche à travers des titres poignants mettant la lumière sur des réalités de l’époque. Ils ne se sont pas limités à la mélodie mais portaient aussi dans leur musique une âme avec laquelle ils se sont battus pour un monde plus juste. C’est ce que Marouane tente de montrer dans cette série d’œuvres qui retrace également toutes les mutations, les transitions, l’évolution du jazz à travers les générations. Il nous explique comment aux États-Unis, les Noirs, toujours sous le joug de l’oppression, avaient créé leur propre musique issue du blues, des spirituals, des fanfares et des rythmes hérités de leur passé africain. Mieux encore, Marouane Aouinat, lui-même musicien de jazz tout terrain, ambitionne de mettre en lumière les aspects instrumentaux de cette musique : la chaleur de la guitare, les partitions du piano, la cambrure rythmique de la contre-basse et des drums, l’énergie de la trompette et de la clarinette, les contre-temps, les claquettes… C’est donc un acte de militantisme d’inscrire son œuvre dans cette démarche artistique et spirituelle pour défendre dur comme fer l’excellence de l’expression musicale d’un genre de moins en moins vendeur et élitiste. Dans cette série d’œuvres expressives, Marouane Aouinat, native de Rabat en 1987, ex- leader du groupe Afrikulture, nous donne à voir et à apprécier les diverses techniques qu’il utilise à profusion. Il y a dans la peinture de ce plasticien, qui vit et travaille à Rabat, une absence de concession, une recherche d’un monde personnel, d’une harmonie qui semble naître de sentiments. Il peint, souvent en grand format, des mouvements, lumières, formes suggérées qui s’accordent dans ses tableaux, au point, parfois, de tutoyer l’art. Il s’agit ici d’une peinture universelle, une touche ample, aux accents symphoniques, célèbrent les grandes forces originelles, suggérées par des matières aussi riches que variées. Ses œuvres expressionnistes sont constituées en très grande majorité de toiles recouvertes de fragments. Le temps intérieur ou l’émotion créatrice, et le temps extérieur ou la matérialisation de cette émotion dans son œuvre est rendu simultané par sa matière fluide, légère et transparente. Une prouesse qu’il accomplit avec une aisance, une maestria et une si grande liberté. Dépassant les apparences dont il refuse de se faire le reflet passif, évitant les pièges du plaisir décevant que procurent les seules harmonies décoratives, c’est dans une expérience spirituelle que son travail propose d’entrer. Quel recueillement, quel silence contemplatif dans les œuvres de Marouane Aouinat! Ses nouvelles toiles nous prouvent ce cheminement intérieur. À présent, l’artiste semble avoir pris de l’altitude avec ses chants aux sonorités hautement spirituelles. C’est aussi l’une des composantes de son univers. Sa superbe peinture, de caractère universel, ne saurait se limiter à ce regard récurrent sur les seuls environs de la peinture marocaine, maghrébine, arabe ou africaine. Ils ne sont que le point de départ d’une errance dans laquelle cet artiste nous entraîne avec lui. Le regard vacille sans cesse, émerveillé entre ses toiles où chacune, d’une seconde à l’autre, suscite une vision nouvelle. Ainsi se révèle-t-il multiple, polymorphe, créateur d’un univers pictural unique, comme toutes les grandes œuvres qui, qu’elles soient dramatiques, symphoniques, poétiques ou littéraires, sont si riches que l’on peut soi-même les déchiffrer et les interpréter de façons diverses. Ici, les silhouettes, présentées parmi les grandes toiles carrées, ne sont pas divertissements d’esthète, mais focalisation, symbole du regard de l’artiste-lui-même sur la musique Jazz et de l’émotion qu’il éprouve. Ayoub Akil
Maroc. L’œuvre de l’artiste-peintre Naima Zmarrou. Un univers pictural intime poétique
ARTS. Décidément, les œuvres de l’artiste-peintre marocaine Naima Zmarrou déroutent, interrogent, dégagent de la poésie. Largesse du geste, force d’expression, le travail pictural de cette plasticienne autodidacte, qui vit et travaille à Kénitra, nous entraîne dans une intense joie visuelle à travers ses portraits, ses paysages et son univers intime poétique. C’est la proposition d’un voyage à pied dans des endroits qui nous sont familiers et que l’on prend le temps de regarder plus en profondeur. Certes, elle s’inspire de sujets oniriques, ou fantasmagoriques mais ses œuvres restent cependant fidèles à la réalité de formes. En somme, les œuvres paysagistes, figuratives, suggestives, expressionnistes de notre artiste génèrent une interaction entre la matière et la forme. L’esthétique matérielle de la couleur, fluide, ou raclée en est le moteur. On y découvre les motifs les plus divers comme des gouverneurs symboliques. Des effets prismatiques émanent des couleurs rayonnantes la plupart du temps (le vert, le bleu, le rouge), parfois romantique. Les contrastes des motifs confrontés de manière grotesque s’assemblent dans le scintillement et l’éclat du tourbillon. Cette plasticienne native d’Oujda semble avoir inscrit ses travaux dans la lignée des Peintres de la Réalité Poétique, dont Maurice Brianchon fut le chef de file. Dans une période attachée à l’ordre, cette conception privilégie le retour au réel et à la figuration, mais un réel transfiguré par la poésie. Les sujets de prédilection de Naima sont alors des scènes d’extérieur, mais elle excelle aussi dans les scènes d’intérieur et les natures mortes notamment le drapé. Elle excelle également dans la représentation du cheval qu’elle considère le symbole idéal de l’abnégation, l’altruisme, le sérieux, la confiance, la patience. Elle y fait preuve d’une solide construction et d’un harmonieux équilibre des couleurs. Ses choix se font par impulsions : dès lors qu’une représentation lui plait assez pour l’inspirer, elle reste au plus près de ses formes, qu’elle veut souples, variées et irrégulières, les plaquant sur les contours de son modèle. Mais quand viennent les couleurs, sa liberté se débride. Ici, aucune règle et surtout pas de fonction descriptive ou narrative. Le chromatisme vif et contrasté de ses peintures ne dépend que des rapports des tons entre eux, selon les surfaces qu’ils animent, de manière totalement subjective. A partir d’un assemblage d’une multitude d’éléments photographiques, elle réalise une composition visuelle suffisamment aboutie pour passer à l’étape finale: la peinture. Après avoir transféré son image vers une toile, le travail de peinture consiste à reprendre l’ensemble de l’image pour en révéler son aspect final par l’équilibrage de la lumière, des contrastes et autres effets de matière. Ce qui lui permet de mieux mettre en œuvre son univers onirique. Il suffit de s’éloigner de quelques pas pour que la composition s’assemble, se construise et révèle son thème. Le regard à l’œuvre découvre alors des silhouettes suggérées qui évoluent si librement dans l’espace. Suggérées car les formes restent avant tout allusives, comme si les êtres devaient se fondre avec la nature, dans une harmonie qui exclurait toute vaine tentative de domination. Dans ses travaux, Naima Zmarrou cultive un lâcher-prise qui autorise à sa création de remonter de l’obscurité jusqu’au grand jour. Ici encore, la composition s’impose d’elle-même en une sorte de lumineux éclat visionnaire, à partir de quelques éléments entrevus que l’ensemble se construit au rythme de l’élan créateur. Les couleurs dominantes se marient aux multiples nuances des autres couleurs, créent des compositions aux multiples surfaces contrastées, avec une mise en lumière parfaite et maîtrisée. Le principal changement de rythme est dans la structuration même de l’espace. La réflexion technique de Naima se métamorphose ainsi en méditation quasi-spirituelle. Qu’on le veuille ou non, bien qu’elle soit toujours dans la recherche et l’expérimentation, Naima reste fidèle à son vocabulaire formel et chromatique qui signifie en dépit et au-delà de la finalité qu’elle lui assigne. C’est dire qu’admirer ses oeuvres, c’est aussi rencontrer la sincérité et une certaine conviction qui ne nous laissent pas insensibles. Dans les œuvres abstraites de Naima Zmarrou, le contemplateur s’aperçoit immédiatement les possibilités de notre artiste de guider méthodiquement son imagination pour faire quelques pas dans les territoires infinis de la création. Elle bouscule, malmène et renverse le sens commun des choses pour arriver à leur signification profonde. Il faut dire que l’œuvre de cette professeure de langue arabe de formation, statue que l’harmonie des couleurs repose uniquement sur l’entrée en contact avec l’âme humaine et que cette base constitue le principe de la nécessité intérieure : la spiritualité. Ayoub Akil
Patinage artistique. Sofia Faraji remporte le championnat national d’Italie
SPORT. La jeune patineuse marocaine Sofia Faraji, âgée de seulement 14 ans, vient de glaner le premier prix du championnat d’Italie de patinage artistique dont la phase finale a eu lieu à Toscane. D’origines marocaines, cette native de Florence a survolé le championnat d’Italie grâce à un programme sans faute avec des sauts athlétiques et un patinage fluide. Talentueuse et discrète, Sofia Faraji est considérée comme une des étoiles montantes du patinage artistique en Italie. La patineuse prodige de 14 ans ne cesse de ravir ses admirateurs aux quatre coins de l’Italie. Cette petite patineuse a remporté cette année le championnat d’Italie qui s’est déroulée récemment à Toscane au cours d’une compétition très dense opposant les 100 meilleures athlètes du pays dans cette discipline. Nourrie de son amour et de sa passion pour ce sport, elle a réussi à renouer avec le succès de ses précédentes participations notamment dans les championnats régionaux et provinciaux. A son actif, elle compte d’ores et déjà 16 prix dont 8 médailles d’or. Mais, il ne faut pas croire que le talent est la seule condition pour atteindre le sommet. Ce chemin est parsemé d’embûches. Celui de Sofia ne fait pas exception. Son succès est, avant tout, le fruit du travail passionné et discipliné de la patineuse aussi bien que de ses entraîneurs et l’encouragement de sa famille. Pour Sofia, sa passion pour le sport est sa véritable destinée. Déjà à l’âge de 9 ans, elle a glané le grand prix en régional. Elle était aussi classée deuxième en provinciale et avait toutes les chances de remporter le championnat national auquel elle s’était qualifiée avec brio. La jeune fille a découvert la glace pour la première fois à l’âge de quatre ans, lors d’un Festival annuel de sport à Florence. Elle a commencé à faire du patinage artistique six mois plus tard et intègre le club ASD Pattinagio Coverciano. «À peine quelques mois après avoir intégré ce prestigieux club, lors d’une performance ici à Florence, la petite s’est fait remarquer progressivement auprès de professionnels de cette discipline de par l’Italie», se souvient Maria, la maman de Sofia. Au vu de ce succès grandissant de la petite marocaine, la Fédération italienne du patinage artistique a contacté sa famille pour étudier la possibilité qu’elle représente l’Italie dans les compétitions européennes de ce sport, une fois qu’elle aura l’âge minimum de 11 ans exigé par le comité européen pour participer à ces épreuves. Mais, la petite et sa famille ont déjà fait leur choix : représenter le Maroc dans les compétitions internationales. Ayoub Akil
Claude Senouf. Quand l’art se met au service du dialogue
PORTRAIT. Artiste-peintre et journaliste mais également personnalité impliquée dans le dialogue au Proche-Orient, Claude Senouf est l’un des hommes d’art et de lettres les plus en vue du pays. Tunisien, Marocain, Français mais également Israélien, le fondateur de la première radio anglophone KLOD, créée à Paris le 5 septembre 1981, s’appuie sur son identité plurielle pour animer et investir le paysage artistique et culturel marocain à travers plusieurs événements d’envergure internationale. Comme dans la vie, à chacun son paradis. Et Claude Senouf a bel et bien choisi le sien depuis toujours : les arts, la culture et le dialogue pour la paix. L’ex-patron du magazine bilingue « Paris reporter» s’est impliqué dans le mouvement des radios libres en France et en Suisse, où il a créé deux stations locales. Il a monté un site Web, http://www.the-tent.org, où il commente l’actualité proche-orientale et diffuse les vidéos qu’il a réalisées avec les leaders du Proche-Orient. Il partage son temps entre Casablanca, Paris et le Moyen-Orient. Il est aussi réalisateur de documentaires télévisés et de radio, avec précisément pour spécialité le Moyen-Orient. Claude Senouf a poursuivi toutes sortes de projets y compris une Conférence sur l’eau avec le soutien de l’entité sénatoriale. Cette conférence aurait un potentiel de localisation à Marrakech ou à Essaouira. Il ne faut pas oublier aussi les diverses projections de films en rapport avec la thématique du dialogue à la Cinémathèque de Tel-Aviv. A ce propos, lors d’une conférence tenue en 2019 à l’Université Paris 8 à Saint-Denis, le thème « Orthodoxie et transgression» cher à Claude Senouf et au philosophe et sociologue français George Lapassade, décédé en 2008, en prologue au Festival Gnaouas D’Essaouira et musiques du monde a été largement appréciée. Cette rencontre s’inscrivait également dans le cadre des journées intitulées « Georges Lapassade, une pensée et des pratiques pour aujourd’hui». Parmi ses projets aussi, on retient une visite au camp d’Auschwitz-Birkenau, devenu le symbole incontournable de la Shoah. Parmi ses projets récents, on retient notamment une exposition de photographies d’un quartier de Tel-Aviv qui se nomme Florentine qui, selon Calude Senouf, serait le quartier latin de la ville. Organisée en mars 2022, sur le thème « Les chemins de traverses», cet exposition se voulait un voyage décoiffant au cœur de ce quartier, ses ambiances, son architecture, son quotidien, ses secrets… Il y a lieu de rappeler qu’en 2014, Claude Senouf a initié le Festival de Jazz « Pianos en fête» en présence notamment de son ami André Azoulay avec qui il partage la même conception du dialogue et de la paix. Trois jours durant, la Cité des Alizés a vibré aux rythmes des sonorités les plus savamment planantes à Dar Souiri : le jazz. Ce lieu mythique d’Essaouira et espace voué aux concerts intimistes a réuni, le temps d’un festival, trois grands pianistes du genre l’Américain Bobby Few, le Cubain Pity Cabrera et Alain Jean-Marie avec Morena Fattorini de Guadeloupe. Mais pas seulement. Il y a eu aussi des soirées poétiques animées par Françoise Atlan et une exposition de peinture de l’artiste-peintre Anne Gorouben. La réussite de «Pianos en fête» a conduit Claude Senouf à organiser en 2016 sa deuxième édition à Casablanca au théâtre de la Fédération des œuvres laïques (FOL) avec Bobby Few et Françoise Atlan. Et en marge des concerts de musique, il y a eu le vernissage d’une exposition ludique d’œuvres réalisées par de jeunes Souiris, auxquelles se sont ajoutées une collection d’œuvres historiques du 17e siècle contenant des écritures de Rabbins sur zellige, une trentaine de photographies du cimetière juif d’Essaouira, une œuvre du défunt dramaturge, écrivain, calligraphe et artiste peintre, Tayeb Seddiki, et une autre de l’orientaliste Eugène Delacroix, entre autres, et une collection d’œuvres signées Claude Senouf. Rappelons enfin que Claude Senouf est également un artiste-peintre inspiré qui figure dans la liste des artistes abstraits contemporains les plus onéreux. Lumineuses, sereines, abondantes, ses œuvres dégagent une véritable allégorie et apaisent les sens. Artiste complet aux tableaux intellectuellement très riches, Claude est surtout un artiste abstrait dont l’œuvre regorge de références historiques avec un clin d’œil à sa propre expérience de la vie et son identité plurielle. Ayoub Akil