ARTS. Dans ses œuvres, l’artiste-peintre argentine Susana Delia Mariani mène un véritable combat pictural, ses meilleurs atouts : des couleurs vives et généreuses posées sur la toile.
Largesse du geste, force d’expression, cette plasticienne qui vit et travaille à Mar del Plata, située dans le sud-est de la province de Buenos Aires, en Argentine, nous entraîne dans une intense joie visuelle à travers ses portraits de femmes. Son travail s’est tourné vers une recherche sur la profondeur, les transparences et les jeux de lumière.
Décidément, Susana Delia Mariani cultive un lâcher-prise qui autorise à sa création de remonter de l’obscurité jusqu’au grand jour. Ici encore, la composition s’impose d’elle-même en une sorte de lumineux éclat visionnaire, à partir de quelques éléments entrevus que l’ensemble se construit au rythme de l’élan créateur. Comme les Nymphéas de Monet, sa peinture nécessite de prendre du recul: près du tableau, les jeux de matières, les larges aplats parsemés de touches et de points, à la limite de la projection.
A partir d’un assemblage d’une multitude d’éléments photographiques piochés un peu partout, Susana réalise une composition visuelle suffisamment aboutie pour passer à l’étape finale: la peinture. Après avoir transféré son image vers une toile, le travail de peinture consiste à reprendre l’ensemble de l’image pour en révéler son aspect final par l’équilibrage de la lumière, des contrastes et autres effets de matière. Le but étant d’arriver à bon équilibre du mixage des différentes techniques employées. Ce qui lui permet de mieux mettre en œuvre son univers onirique. Il suffit de s’éloigner de quelques pas pour que la composition s’assemble, se construise et révèle son thème.
L’univers de l’artiste-peintre Susana, on le pressent, s’éloigne du réel angoissant, fait d’insécurité, de violence, de fanatismes, pour proposer une approche vivifiante et pacifiée, une invitation baudelairienne au voyage. Là où n’est qu’ordre et beauté / Luxe, calme et volupté. Face au monde tel qu’il se présente, la démarche se révèle donc d’autant plus sincère qu’elle tend vers l’apaisement, la rêverie, la culture, notions qui échappent aux sociétés précipitées au bord du gouffre par des conflits qui les dépassent.
Cette plasticienne semble avoir inscrit ses travaux dans la lignée des Peintres de la Réalité Poétique, dont Maurice Brianchon fut le chef de file. Dans une période attachée à l’ordre, cette conception privilégie le retour au réel et à la figuration, mais un réel transfiguré par la poésie. Les sujets de prédilection de Susana sont alors des scènes d’extérieur, mais elle excelle aussi dans les scènes d’intérieur et les natures mortes notamment les portraits et les paysages.
Le regard à l’œuvre découvre alors des silhouettes suggérées qui évoluent si librement dans l’espace. Suggérées car les formes restent avant tout allusives, comme si les êtres devaient se fondre avec la nature, dans une harmonie qui exclurait toute vaine tentative de domination. Elle s’inspire de sujets oniriques, ou fantasmagoriques mais ses œuvres restent cependant fidèles à la réalité des formes. Elles déroutent, interrogent, dégagent de la poésie. Surtout ses portraits de femmes, entre autres.
On y découvre les motifs les plus divers comme des gouverneurs symboliques. Des effets prismatiques émanent de la couleur rayonnante la plupart du temps, parfois romantique. Les contrastes des motifs confrontés de manière grotesque s’assemblent dans le scintillement et l’éclat du tourbillon. Tout cela se bouscule sur la toile en voisinages inattendus, suscitant chez le spectateur la surprise et le questionnement. Le rapprochement est tantôt éloquent, tantôt obscur, jusqu’à ce que l’effort soit fait de se laisser inviter dans cet univers et de s’en imprégner.
Bref, il faut dire que dans la spontanéité du geste créatif émerge un dialogue en filigrane entre le pinceau, la lumière et la forme et parfois le rendu dépasse tout horizon d’attente, car, sur la toile encore humide, la lumière réfléchie par les pigments traduit miraculeusement l’état d’âme du moment et l’émotion ressentie.
Le chromatisme vif et contrasté de ses peintures ne dépend que des rapports des tons entre eux, selon les surfaces qu’ils animent, de manière totalement subjective. Susana Delia Mariani réussit à nous faire vivre ce même voyage des sens lorsque nous nous laissons emporter par chacune de ses peintures. Un interlude et une parenthèse enchantée assurés.
Ayoub Akil