Le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) n’a pas procédé à un nouvel assouplissement de sa politique monétaire, comme attendu par les investisseurs financiers. Réuni mardi à Rabat, il n’a pas non plus opté pour un resserrement. Une attitude mitigée.

En effet, jouant la carte de la prudence, la Banque centrale «a jugé approprié de maintenir l’orientation actuelle de la politique monétaire», en gardant ainsi le taux directeur inchangé à 2,75%.

Se refusant à toute décision précipitée pouvant conduire par la suite à une rectification brutale du cap, le Conseil a affirmé continuer de suivre de près l’évolution de la conjoncture économique et sociale.

Une décision à contrario des enseignements du sondage réalisé par Attijari Global Research (AGR) dans son récent « research report strategy » qui rapportait que «la probabilité d’une diminution de 25 points de base (pbs) du taux directeur est estimée à 83% par un panel de 35 investisseurs majeurs du marché marocain », comme l’a relevé récemment la MAP.

Le contexte étant marqué par un certain apaisement des pressions inflationnistes, bien que les incertitudes économiques persistent, les investisseurs estimaient qu’une baisse du taux directeur offrirait un soutien à l’économie marocaine.

Il est important de noter que la décision du Conseil tient compte d’un ensemble de données relevées au terme de la troisième réunion trimestrielle du Conseil de BAM pour l’année 2024.

En effet, lors de cette session, le Conseil a analysé l’évolution de la conjoncture économique nationale et internationale, ainsi que les projections macroéconomiques à moyen terme de l’organisme public.

Sur le plan international, il a été noté que l’activité économique a été relativement résiliente, mais devrait connaître une décélération sur l’horizon de prévision dans de nombreux pays avancés et émergents, alors que l’inflation poursuit sa tendance baissière, avec toutefois une persistance de la hausse des prix des services dans les principales économies avancées.

Analysant cette fois-ci l’évolution de la conjoncture économique nationale, et alors que la production agricole reste dans une large mesure tributaire des conditions climatiques, le Conseil a noté que « les données infra-annuelles disponibles indiquent globalement une poursuite de la reprise des activités non agricoles, tendance qui devrait être soutenue à moyen terme par l’élan attendu de l’investissement public et privé».

Au cours de cette session, il a été aussi constaté que l’inflation évolue à des niveaux modérés depuis le début de l’année. Ce qui, selon BAM, reflète essentiellement la baisse des prix des produits alimentaires à prix volatils et le ralentissement de sa composante sous-jacente qui oscille autour de 2% et resterait proche de ce taux au cours des huit prochains trimestres.

D’après Bank Al-Maghrib, l’inflation globale devrait décélérer de 6,1% en 2023 à 1,3% cette année avant de s’accélérer à 2,5% en 2025. Ces projections tiennent compte notamment des changements annoncés concernant les subventions des prix des produits de base, et sous l’hypothèse d’une variation limitée à moyen terme des prix des produits alimentaires à prix volatils, a précisé l’Institution.

Les perspectives économiques et sociales entourées d’un niveau élevé d’incertitudes 

La tenue de cette session a permis aussi de noter le renforcement de l’ancrage des anticipations d’inflation telles qu’elles ressortent de l’enquête trimestrielle de Bank Al-Maghrib auprès des experts du secteur financier, relevant que celles-ci sont revenues au troisième trimestre à 2,2% pour l’horizon de 8 trimestres et à 2,3% pour celui de 12 trimestres.

Toujours d’après le Conseil, « les perspectives économiques et sociales à l’horizon des projections macroéconomiques de la Banque demeurent entourées d’un niveau élevé d’incertitudes ».

La Banque centrale estime qu’elles sont liées au niveau international à l’enlisement de la guerre en Ukraine, à l’escalade du conflit au Moyen-Orient et aux tensions géopolitiques qui accentuent la fragmentation économique non sans impact sur le rythme de l’activité et sur l’évolution des prix, notamment énergétiques.

Mais pas que. En effet, il se trouve qu’« au  niveau national, la récurrence des sécheresses et le stress hydrique constituent un risque majeur pour la production agricole et la croissance économique plus globalement », a-t-on expliqué.

De la même façon « la déclinaison des orientations du projet de loi de Finances 2025 ainsi que la poursuite des négociations dans le cadre du dialogue social pourraient se traduire par des impacts plus importants que prévu sur l’évolution de la demande et des prix», a estimé BAM.

Alain Bouithy

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