Cinq petits textes constituent ce modeste ouvrage de 48 pages. Des récits que l’on peut repartir en deux mouvements : les deux premiers textes se fondant sur le vécu quotidien de l’héroïne, en respectant les principes élémentaires du réalisme sociale et les trois autres qui baignent dans le merveilleux et le fantastique, donnant aux textes l’effet du conte.
Ces cinq textes s’appellent les uns les autres car ils ont pour base la thématique de la famille. Se dégage au cours de la lecture de l’œuvre le triptyque enfant-mère-père autour duquel gravitent les personnages de la belle-mère, des tantes et de la grand-mère. De la famille, on remarque des relations peu cordiales entre l’héroïne et la nouvelle femme de son père. Et la narratrice apparait comme le personnage principal des aventures rapportées. L’essentiel du livre n’est autre que les portraits des principaux personnages que l’auteure nous présente sous plusieurs angles.
Présent et passé d’une héroïne hantée par l’image maternelle
Dans « La Reine des Ténèbres », l’héroïne Orphée est présentée tantôt de l’extérieur, tantôt de l’intérieur quand elle raconte ses propres aventures. Une vie difficile d’enfant orpheline maltraitée par sa belle-mère, son père étant incapable de s’imposer devant cette dernière. Elle apparait solitaire, mystérieuse si bien qu’elle se voit rejetée dans le village : « (…) personne n’aimait cette petite fille mystérieuse et solitaire (…) Elle avait dû faire face à la vie, aux responsabilités, et aux mauvais traitements de sa belle-mère qui avait profité de la fragilité de l’homme pour malmener la petite » (pp.7-8). Et cette vie pénible d’Orphée se poursuit dans le dernier texte « Trou de mémoire » quand N’domé visite son passé. Elle revoit sa cohabitation avec sa mère et son père à travers laquelle lui reviennent les souvenirs de son enfance à sept ans avec ses deux parents : « Son père était heureux. Maman elle, rayonnante » (p.22). Mais la disparition de cette dernière va bouleverser son destin et trois ans après elle décide de ne plus adresser la parole à sa belle-mère qui est à l’origine de ses souffrances. Pour penser à sa mère, l’enfant érige dans le hall de l’appartement un autel avec bougies et photo de la disparue et choisit les dates de naissance et de la disparition de sa mère pour cette commémoration. Quand, par jalousie, sa belle-mère détruit son autel, et devant l’indifférence de son père, N’domé, emportée par la colère, la bat sévèrement avant de disparaitre dans la nature : « N’domé bondit sur Alice [sa belle-mère], la plaqua au sol et l’empoigna par la nuque, attribuait de violents coups, criait et mordait sans relâche » (pp.28-29). A partir de ce moment, se désintègre le foyer de l’homme qui est abandonné par son épouse qui emporte tout avec elle. Et la relation on ne peut plus bizarre de l’héroïne avec l’arbre qui se trouve devant le balcon de leur appartement donne une autre dimension au récit pendant qu’elle réalise qu’elle aurait pu commettre un crime, tant elle avait battu sévèrement sa belle-mère.
La part du fantastique et du merveilleux dans Née dans un baobab
Déjà la relation qui se crée entre l’héroïne et l’arbre dans « Trou de mémoire » annonce le fantastique et le merveilleux des trois derniers récits. Mais avant de rentrer totalement dans le merveilleux, le lecteur découvre l’héroïne dont la passé est marqué par la présence de sa grand-mère. C’est une femme de caractère qui s’en prend aux belles-mères et à leurs hommes, ce qui peut rappeler une partie du destin de l’héroïne : « [Grand-mère] avait un sacré caractère et ne mâchait pas ses mots (…) Lorsqu’elle ne s’acharnait pas à salir des femmes piquées par le virus de la marâtre, elle s’en prenait à la gente masculine, à commencer par mon père » (pp.34-35). C’est avec le texte plus ou moins éponyme, que le livre se dévoile comme un conte avec les personnages de la fille avec sa mère qui incarne le végétal, en relation avec le bestiaire : « D’où viens-tu ? Me demande mon ami l’oiseau » (p.39). L’héroïne grandit aux bons soins de sa mère Arbre qui lui révèle son prénom de Jade qui se transforme en Aude et qui disparait mystérieusement quand elles se séparent. Le merveilleux du texte continue à se perpétrer dans le dernier récit « Transe-formation » quand elle s’apparente à sa mère Arbre : « A mon réveil ; ma peau devenue écorce, ma chevelure feuillage. Je me sentais grande, je me sentais majestueuse » (p.48).
Au-delà de l’apport du conte dans une partie de ce texte, se révèle dans Née dans un baobab une certaine morale sociale. Le lecteur découvre une enfant orpheline qui interpelle ses parents dans ses relations avec sa belle-mère et son père. Née dans un baobab, une œuvre autobiographique ? Telle est la question que l’on pourrait se poser à la fin quand l’on s’aperçoit que l’auteure et l’héroïne de « Je suis née dans un baobab » semble se résumer en une même personne qui porte le même prénom Aude.
Dans ce texte, l’auteure crée sa propre technique de narration où l’héroïne se découvre tantôt de l’intérieur, tantôt de l’extérieur dans un récit typiquement féminin. Aussi, on peut être d’accord avec son éditeur qui note que « la rigueur et la détermination qui accompagnent son travail lui [ont permis] de trouver son propre style ».
1 Aude M’Bongui, Née dans un baobab, éd. Edilivre, Paris, 2015