L’écriture de soi apparaît comme la possibilité qu’à l’écrivain de transcender certaines réalités qui le tourmentent. C’est à ce juste titre que Jean-Baptiste Tati Loutard affirme : « on écrit pour voir plus clair en soi »[2].

Cette affirmation du grand poète congolais, donne à l’écriture autobiographiqueune fonction psychanalytique servant ainsi de miroir grâce auquel l’auteur réussit à se déposséder, ou tout simplement, lui est cathartique en ce qu’elle le libère de toutes les formes d’obsessions. C’est dans ce sens qu’il convient de lire cette première publication de Paul Carroph Etou, Une vie de battant. Ce livre ne se limite pas qu’au simple fait de relater une histoire réelle et personnelle, celle de l’auteur bien sûr, mais il pose également en soi, une quête de l’espérance.

1. Le parcours de l’auteur-narrateur ou du narrateur-auteur

Tout semble clair ici du point de vue de l’indication générique de l’ouvrage. Autant que la page de couverture (le sous genre récit) qui l’indique aussi clairement, le texte dans son ordonnancement fait entendre une parole réelle de soi, l’auteur-narrateur qui nous partage là sa propre vie, et sur la base de celle-ci, il nous interpelle sur les conditions humaines et sur les rapports avec autrui, avec le monde ; tout comme son expérience professionnelle et sa place au sein de sa famille et la société nous permettent de réfléchir sur notre propre vécu. En un mot, Paul Carroph Etou, nous raconte librement sa vie, de la naissance à l’enfance jusqu’à la vie familiale, en passant par l’adolescence, le cursus scolaire et universitaire, la vie associative et politique et la vie administrative.

En effet, né dans les conditions quelque fois mystérieuses, Paul Carroph Etou est fils d’Etou Antoine, dit « Etou Mpiepié » et de Ngankaba Marie, dit « Ngankaba-Ndion ». Il a connu une enfance marquée par d’innombrables intempéries au sein de sa famille, et s’est fait distinguer malgré tout grâce à sa grande connaissance et son esprit de curiosité. Ce destin, tel que nous l’apprend le narrateur-auteur, serait prédit dès sa naissance. Il fera ses études primaires et secondaires (premier et second degré) dans le département des plateaux avant de rejoindre Brazzaville pour l’université. Il s’inscrira à la faculté des Lettres et des Sciences humaines dans le département des sciences et techniques de la communication de l’Université Marien Ngouabi. Il est confronté par après à de grandes difficultés, mais malgré tout, il gardera l’espoir jusqu’à voir se profiler à l’horizon un avenir meilleur. Ce qui apparaît très intéressant ici, c’est cette résistance, cette endurance devant les épreuves douloureuses de l’existence. Grâce justement à sa compétence de journaliste, il réussira à s’effrayer un chemin, et sera sollicité par-ci par là à partir de son dévouement, son engouement et la déférence qu’il héritera de ses parents. Tout au long du texte, on s’aperçoit à quel point la déchirure psychologique causée par la disparition de ses parents (notamment son père er sa mère) demeure béante. Cela se lit dès les premières pages du seuil, à travers la dédicace directe qu’il adresse à ceux-ci en guise d’hommage.

Dès sa jeunesse, il s’intéresse à la vie associative, ce qui fait que tout au long de sa vie, il évoluait dans plusieurs associations et deviendra par après membre du Parti congolais du travail (Pct), après un murissement important en politique. Il s’est révélé à certaines étapes de vie, un véritable homme d’engagement, en saisissant la vie par les cornes, en luttant pour l’instauration des valeurs de pais et d’égalité. Mais, l’autre côté qui justifie le titre de cet ouvrage, c’est la victimisation de l’auteur. Depuis son très jeune âge, il a été confronté à des menaces mystiques, des conspirations et injustices au sein de sa famille. Sa combattivité et sa détermination ont fait à ce qu’il résiste aux tempêtes et porte essentiellement son regard sur son destin. Une vie de battant relate certes le parcours de Paul Carroph Etou, mais par delà tout, cet ouvrage reste quand même une invite au courage, à l’espoir, au culte de l’effort, à transcender des amertumes. Ce parcours est dans une certaine mesure très utile dans l’édification personnelle et dans le grand combat à mener pour réussir.

2. Au-delà d’une écriture personnelle et personnalisée

Ce récit de Paul Carroph Etou est très riche d’enseignements. Il s’agit là d’un appel, celui de l’espérance, mais aussi de l’effort. Le destin de l’auteur s’apparente à celui d’un héros légendaire, de plus, il montre à quel point, l’homme serait en mesure de surpasser les calomnies, les préjugés, et tout sentiment destructeur. Cet appel est révélateur d’un destin radieux, et porte les fruits d’une bonne collaboration entre les humains. Dans ce sens, il y a lieu d’affirmer comme Jean-Paul Sartre : « l’œuvre d’art est valeur parce qu’elle appelle.»[3] Ainsi donc, ce témoignage sur son propre vécu est loin de se traduire comme l’apologie d’une exemplarité, mais plutôt une contribution à l’édification des consciences. L’écriture de ce fait s’accorde d’une valeur importante, qui fait qu’une seule voix soit représentative de plusieurs. Il s’est agi d’écrire dans un esprit de partage et d’échange d’expérience. A cet effet, l’auteur affirme : « Pour moi encore, écrire cette histoire est une occasion d’apprendre le dialogue et le respect des différences ainsi que du consensus en même temps.» (p.107)

Du point de vue du style, le récit est raconté sous deux ongles, deux instances de narrations semblent cordonner l’histoire. Ce qui attribue au texte une valeur documentaire.

3. Conclusion

Ce texte de Paul Carroph Etou est comme nous le signifie son titre, une quête de l’espérance, mais une espérance basée sur une capacité personnelle de braver les intempéries. Une vie de battant, traduit cette combativité loyale de l’homme devant l’incertitude de la vie. A travers certaines péripéties macabres de sa vie et dont il se permet de dévoiler ici les méandres, l’auteur tend implicitement à rappeler que la réussite est toujours au bout de l’effort. Ce qui apparaît aussi intéressant dans la restitution de l’histoire, c’est cette mémoire éléphantesque de l’auteur qui se souvient de tout, et cite comme preuve de la véracité de ses propos les noms de tous ceux qui rentrent dans le cadre de cette histoire.

rosinloemba@gmail.com

  1. Paul Carroph Etou, Une Vie de battant, Brazzaville, 2017,119p.
  2. Jean-Baptiste Tati Loutard, Libres mélanges et destins littéraires, Paris, Présence Africaine, 2003,p.6.
  3. Jean-Paul Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard, Coll. « Folio/ Essais »,1948,p.55.

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