Le Centre marocain de conjoncture (CMC) a revu à la baisse sa prévision de croissance pour le Maroc pour cette année. Selon les économistes de l’Observatoire indépendant de l’économie marocaine, la croissance nationale devrait connaître finalement une baisse prononcée de – 6,2%.
Rien de réjouissant donc. Il faut dire que la crise du Covid-19, l’une des plus sévères que le monde ait connues depuis de nombreuses décennies, a mis à l’épreuve toutes les économies de la planète.
Comme l’a relevé le CMC dans sa dernière publication mensuelle «Maroc Conjoncture» (n° 327), «l’ampleur de ses conséquences économiques et sociales est considérable» et le Royaume n’y échappe pas.
Le Maroc qui, dès l’apparition des premières contaminations par le virus, début mars 2020, a pris un ensemble de dispositions pour limiter les dégâts, potentiellement prévisibles du fait de la pandémie, a rappelé le Centre dans ce spécial portant sur «Post-Covid-19 : Stratégie et mesures pour la relance économique».
Comme partout ailleurs, cette situation a nécessité de la part des pouvoirs publics des prises de décision dans l’urgence pour sauver des vies humaines, éviter l’effondrement de l’économie et empêcher une crise sociale qui plongerait le monde dans un chaos sans précédent, a souligné le CMC dans un communiqué publié récemment.
Pour l’institution, spécialisée dans l’analyse et le suivi de la conjoncture, la prévision et l’évaluation d’impact, «les dégâts auraient été incommensurables sans le confinement, rapidement mis en place et sans les mesures appropriées, prises au niveau des règles sanitaires de prévention et de traitement».
Mais quand bien même ces agencements auraient permis d’éviter des pertes humaines importantes, comme celles observées par de nombreux pays, force est de constater qu’ils se sont avérés coûteux en termes de disponibilité de revenus et de préservation d’emplois.
Ainsi que l’a fait remarquer le CMC dans sa publication, «le choc combiné de l’offre et de la demande a pesé lourd sur l’économie nationale, au point d’imposer l’urgence d’une rectification de la loi de Finances en vigueur pour l’exercice 2020».
L’Observatoire a noté que, suite à l’éclatement de la pandémie du coronavirus et la forte perturbation ayant affecté le fonctionnement normal de l’ensemble des marchés dans leurs doubles dimensions d’offre et de demande, l’Etat a pris tout un train de mesures de nature à aider les entreprises à retrouver des niveaux d’activité d’avant la survenue de cette catastrophe sanitaire.
A ce propos, il rappelle que la stratégie interventionniste de l’Etat comprend deux volets. Ainsi, «au dispositif de garanties musclé piloté par la Caisse centrale de garantie (CCG) pour le compte de l’Etat, Bank Al-Maghrib (BAM) a inauguré une nouvelle ère dans la conduite de la politique monétaire en phase avec la gravité de cette conjoncture inédite dans les annales économiques du pays».
A travers cette double intervention, les autorités entendent préserver l’intégrité du tissu productif en limitant les fermetures et les faillites d’entreprises, et d’autre part d’assurer la disponibilité des financements nécessaires à toute relance des activités productives et au retour progressif à la normale, rappelle également le CMC.
Si l’engagement des Etats s’avère sans précédent, au CMC on est persuadé qu’il est essentiel de veiller à «reconstruire en mieux», c’est-à-dire à favoriser une reprise respectueuse de l’environnement, soutenant le potentiel de croissance à long terme, qui améliore l’inclusivité et réduit les inégalités.
Les économistes du Centre estiment ainsi que «la stratégie de développement agricole devrait à l’avenir œuvrer pour la convergence du monde rural vers les standards du milieu urbain en termes de revenus, d’emploi, de niveau de vie et d’inclusion». Ils estiment qu’«un tel objectif ne devrait pas perdre de vue, dans le nouveau contexte post-épidémique, l’impératif de sécurité alimentaire».
Toujours à propos de cet axe, le Centre rappelle que le monde rural a souffert doublement tout au long de l’épisode épidémique notant qu’aux effets dévastateurs de la crise sanitaire qui a pratiquement paralysé les flux commerciaux dans les campagnes se sont ajoutées la sévérité du climat et son incidence sur les principales spéculations.
Cela dit, « en dehors des cultures céréalières qui ont été durement affectées par la sécheresse, les évaluations de la production agricole au terme du premier semestre montrent une certaine résilience du secteur qui a permis d’approvisionner de façon régulière les marchés et de répondre à la demande intérieure en produits alimentaires de base.
S’agissant du Système de santé publique, autre axe abordé dans ce spécial, le CMC constate que «l’électrochoc de la pandémie a été à l’origine d’une métamorphose du système de santé publique qui, sans transition, a vu s’estomper toutes les récriminations, pour faire la démonstration d’un engagement sans faille, d’un service de qualité vanté par les pays à haute infrastructure sanitaire et donné en exemple par l’Assemblée générale de l’OMS».
Ainsi, a-t-il poursuivi, en réponse à sa faillite préalablement annoncée, l’hôpital public a fait preuve d’une résilience sans faille, résultat d’un effort de l’ensemble des parties concernées. Ce, malgré les «dysfonctionnements et autres insuffisances, à caractère structurel, qui n’ont pas disparu pour autant».
Les déficits en ressources humaines, en équipements et en accès équitable aux soins restent latents. La question est désormais de savoir s’il est possible de transformer cette performance conjoncturelle en modèle d’efficacité durable. Enfin, pour le Centre marocain de conjoncture, «s’il est une leçon à tirer de l’épisode épidémique, c’est qu’il devient absolument nécessaire de se prévaloir à l’avenir d’un certain degré de résilience face aux chocs de toute nature».
Alain Bouithy